Ce jeudi 5 novembre 2015, deux concerts ambitieux se font concurrence à Paris. D'un côté, les maîtres du metal atmosphérique anglais Anathema investissent l'église Saint-Eustache en plein 1er arrondissement de la capitale, en suivant leur tournée triomphale des cathédrales anglaises ; et d'un autre côté, le Trabendo accueille la tournée rassemblant trois autres cadors des mélodies aériennes, chacun dans leur style : Sólstafir, Mono, et The Ocean. D'une capacité très limitée en nombre de places, l'événement à Saint-Eustache a très rapidement annoncé complet, et beaucoup se sont rabattus sur la soirée proposée par le Trabendo. De ce fait, elle affichera elle aussi salle comble.
Avec une telle affiche, et des groupes à la notoriété à peu près équivalente, on pouvait se poser la question de l'ordre de passage, ou si chacun allait jouer une durée équivalente. Et ce ne fut pas le cas : c'est le combo allemand The Ocean qui fait office de première partie, pour un court set de trente minutes. Conscient du peu de temps accordé, les cinq musiciens présents ce soir-là (le line-up est variable) décident de ne pas perdre de temps et de donner le paquet. L'énergie pulse dès le premier morceau, et le groupe pioche parmi les titres les plus dynamiques de son répertoire, souvent à la limite du metalcore ou du post-hardcore. Couplé aux lumières stroboscopiques et à la fumée envahissant la scène, The Ocean donne un gros coup de poing à tout un public qui ne s'attendait vraisemblablement pas à ça. Le chanteur Loïc Rossetti n'hésite pas à s'approcher du public, et grimpe sur les crashs barrières à plusieurs reprises. Objectivement, c'est très bon. Mais beaucoup connaissent aussi The Ocean pour ses magnifiques envolées atmosphériques sur album, comme celles qui parsèment le dernier en date, Pelagial. Et nous n'avons droit à rien de tout ça ici. The Ocean a choisi de nous montrer une facette de sa personnalité, mais en occultant totalement l'autre, ce qui est à la fois curieux et dommage. On peut aussi y voir un argument pour les revoir sur scène rapidement.
Mono
Ce sont ensuite les Japonais de Mono qui s'offrent à nous. Formés depuis une quinzaine d'année, tout comme The Ocean, les quatre ont depuis sorti huit albums, mais se font relativement rares dans nos contrées. À noter qu'ils ont sorti peu de temps auparavant un mini split-CD en compagnie de The Ocean, ce qui justifie évidemment la tournée commune. Scéniquement parlant, le show qui s'offre à nous n'a absolument rien à voir avec ce qu'on a vu quelques minutes plus tôt. Les guitaristes Hideki Suematsu et Takaakira Goto sont paisiblement assis sur des tabourets au milieu de la scène, la bassiste Tamaki Kunishi planquée derrière eux, et le batteur Yasunori Takada au fond, coincé entre deux amplis massifs. Le style est jusque-là nettement moins démonstratif. Chacun reste caché derrière sa mèche de cheveux soigneusement peignée, et on peine à deviner un regard vers le public.
Les morceaux de Mono sont bien sûr des pépites de post-rock, jouant beaucoup sur les mélodies lancinantes et des sons très saturés, pour parfois revenir vers des sonorités plus minimalistes. L'ambiance est posée, sereine, et invite à la rêverie sonore. Rien ne peut nous déranger puisque personne ne se charge d'établir une communication avec le public. Mais vers le milieu du set, Taka pète complètement un câble, se déchaînant sur sa guitare, s'affalant sur ses pédales jusqu'à tomber de son tabouret tout en continuant à jouer ! Pendant ce temps-là, ses trois collègues ne décochent toujours pas un regard. Une prestation assurément étonnante ; certains se sont dits envoûtés, mais d'autres sont restés sceptiques.
C'est au célèbre quatuor islandais Sólstafir de clôturer cette soirée ; ils bénéficient aussi du set le plus conséquent, avec plus d'une heure quarante de jeu. Largement de quoi étaler leurs titres à rallonge, depuis leur virage vers l'atmo et le post-rock définitivement assumé à partir de l'album Köld. C'est d'ailleurs sans trop de surprise sur cette partie-là de leur discographie qu'est axé leur set. Le petit dernier Ótta est évidemment très bien représenté, avec le titre éponyme, ainsi que les très bons Lágnætti et Dagmál. On a aussi droit à l'hymnique Fjara, dont la mélodie récurrente restera dans toutes les têtes même le concert terminé.
Le combo islandais n'est pas vraiment du genre à tout miser sur la communication ni à faire des vannes devant la foule. Mais pour autant, ils savent se donner en public ; le chanteur Aðalbjörn prenant diverses postures mettant en valeur sa superbe guitare en bois sculpté, Sæþór n'hésite pas à sortir le banjo, ce qui lui confère un total look cowboy avec son chapeau et ses hautes bottes, tandis que l'énergique bassiste Svavar fait virevolter ses longues tresses rousses.
C'est déjà Hallgrímur Jón Hallgrímsson qui officie derrière la batterie, mais celui-ci se fait très discret, malgré un jeu très correct. En effet, Sólstafir a connu une année mouvementée avec celui qui tenait les fûts depuis les débuts. Guðmundur Óli Palmasson, dit ''Gummi'', ça va plus vite, a été écarté du groupe pour des raisons inconnues début 2015 déclenchant une guéguerre via les internets. Le groupe a ensuite continué en recrutant plusieurs batteurs de tournée, jusqu'à garder Hallgrímur qui sera officialisé bien plus tard. Mais Aðalbjörn se garde bien de nous raconter tout ça au micro, et d'ailleurs qu'importe, parce que la prestation des Islandais ce soir-là a remporté tous les suffrages, nous faisant finalement complètement oublier qu'Anathema se produisait en même temps à quelques stations de métro de là.
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