The Musical Box
Après les excellents Brit Floyd et Letz Zep, je reviens une nouvellefois de l'Olympia pour une soirée d'hommage à un mastodonte du Rock des '70s, j'ai nommé le Genesis première période par le quintette Montréalais de The Musical Box.
Thématique de la soirée : l'interprétation de leur fameux et ambitieux "The Lamb Lies Down On Broadway" de 1974, dernier disque en date avec Peter
Gabriel.
Appréciant leur double concept album sans pour autant en
être un fan inconditionnel, j'avais encore jamais pris le temps de me
documenter, et encore moins me pencher sur les bootlegs de la tournée afférente. Aussi, en dehors des grandes lignes selon lesquelles il avait été joué en public en intégralité une centaine de fois entre le 20 Novembre '74,
pour la première à Chicago, et le 22 Mai '75 pour la clôture au Palais
des Sports de Besançon, le baroud d'honneur de Gabriel étant pour lui
l'occasion d'élever à son paroxysme son goût pour la mise en scène
théâtrale, alors forte de costumes et accessoires à foison et d'une
chorégraphie rigoureusement mise en place, c'est avec l'innocence de
quelques simples révisions du disque que je débarquai dans la salle du
boulevard des Capucines vers 6h moins le quart, par souci de respect
scrupuleux de l'horaire indiqué. Pour une soirée en compagnie d'un groupe seul, sans première partie, ça fait tôt, même un dimanche soir, mais soit.
Les balcons feutrés sont déjà largement peuplés à mon entrée (moyenne d'âge
de l'assistance oblige, encore une énième occasion injustifiée de
passer la fosse à la trappe...), et ne tarderont pas à se compléter tandis que les lumières s'éteignent pour donner place à 1h50 de jeu quasi-continues entrecoupées de passages narratifs alternant un français hésitant et saccadé à fort accent, plus américain que québecois, qui donne lieu à plusieurs interludes de franche rigolade, et un anglais fluide plus convenu.
Pour éviter d'épiloguer cent sept ans, et au risque de fournir un point de vue sans élément de comparaison, c'était encore une de ces fabuleuses soirées
offrant l'opportunité de voyager à travers les âges, et où on se
surprend à fermer les yeux, confortablement engourdi et reculé dans son
fauteuil, à planer, bercé par le savant cocktail des nappes
atmosphériques de Tony Banks, la rythmique entêtante et omniprésente de
Rutherford et la jubilatoire slide de Hackett. Alors, ça pourra paraître très stéréotypé de balancer un lieu commun, mais j'ai beau raffoler de la combinaison mère nature / Space Rock, pour moi les compo's d'un Pink Floyd, Yes, Genesis ou Camel se suffiront toujours à elles-mêmes dès qu'il s'agit de découvrir des horizons nouveaux. Certes, je connaitrai jamais la teneur de la
genèse originelle (si on veut bien me passer la redondance de la
terminologie) sur scène, mais là aussi, y avait franchement de quoi s'y
croire. Non contents de rester très rigoureusement fidèles et
carrés de bout en bout, sans jamais un seul à-côté, malheureusement aux
dépens de la prise de risques de quelques libertés, du coup, les
Canadiens ont le mérite de faire toujours montre d'une vigueur
déterminée et d'un plaisir de jouer communicatif.
Mention au chanteur / flûtiste Denis Gagné, qui partage les vocalises avec l'habité batteur Marc Laflamme pour les lignes de Collins, dont le timbre et la
portée de la voix étaient d'une ressemblance si déconcertante avec ceux
de Gabriel que je me suis demandé à plusieurs reprises si on n'avait pas
affaire à des bandes de secours, doute qui sera dissipé par quelques
approches légèrement différentes et anecdotiques de certaines portions
de la partition chantée. À cavaler dans tous les sens, à chanter en faisant ses acrobaties, assis, allongé ou carrément sous l'estrade du claviériste (!), il pouvait définitivement assurer le spectacle visuel à lui tout seul, et par là même combler, avouons-le, la staticité des autres musiciens (même si on n'en voudra pas aux percussionniste et pianiste d'adopter pour toute gestuelle de se contenter de pivoter sur leurs tabourets). La faute peut-être à un respect de l'original poussé jusqu'à la caricature (Rutherford et Hackett ne s'illustrant pas
particulièrement pour les frasques de leur bougeotte sur scène), sans que ça soit pour autant une nuisance à l'appréciation du concert, loin s'en faut. Disons simplement que le contraste saisissant produisait un décalage amusant.
Fidèles dans leurs rôles au point d'aller jusqu'à reproduire les mêmes silhouettes et sapes, à l'instar des gars de Letz Zep, les zicos n'en
oubliaient pour autant à aucun moment d'assurer dans les règles de l'art
dans leurs catégories respectives sans franchir le seuil critique des fioritures de la démonstration gratuite. Sébastien Lamothe notamment, préposé à la Shergold double neck basse / 12-cordes, aux accords rythmiques et aux pédales basses, pourtant perché sur son estrade au second plan en toute humilité et
ultra-concentré sur son jeu, était de tous les instants.
Je retiens plus particulièrement les morceaux d'anthologie de
l'enchaînement survitaminé "Carpet Crawlers" / "The Chamber of 32 Doors"
/ "Lilywhite Lilith", qui dégageait ici une fougue décuplée par rapport
aux versions studio, et débouchant sur le carnaval psychédélique et
cathartique de "The Waiting Room" (qu'on pourrait d'ailleurs, dans le
même esprit, rapprocher de l'interprétation déjantée que faisait Brit
Floyd de "Run like Hell"), ou la séquence aérienne "The Lamia" / "Silent
Sorrow in Empty Boats" avec son rouleau de soie dansant enrobant le
personnage de Rael et ses synthés tout en légereté.
Les effets de scène ne sont pas en reste, avec pour commencer la collection
mirobolante de diapos directement récupérées des archives de Genesis et Gabriel, et pour lesquelles The Musical Box a obtenu les droits, projetées tout le long sur les 3 écrans dressés sur le backdrop, en passant par la pyrotechnie d'"it." ou les costumes fantasques du "Slipperman" et son cocon à l'occasion de "The Colony of Slippermen", du vieil homme de "The Musical Box" et de l'intimidant "Batwings" du moment de bravoure de "Watcher of the Skies".
Timide sur la quantité de rappels, le groupe nous aura tout de même interprété une setlist de 2h10 bien garnies. On pourra regretter l'absence de la composition à tiroirs de "Supper's Ready" et ses costumes de fleur et de "Magog", ou "Dancing with the Moonlit Knight" et son "Brittania", mais au vu de la vivacité du finale, on évitera de bouder son plaisir.
Côté sonorisation, c'est là que l'Olympia révèle les limites de son acoustique :
Loin d'être le registre le plus agressif que la salle ait dû connaître, le
groupe a manifestement opté pour une balance qui envoie, et les
techniciens à la table de mixage n'ont pas poussé le potard de volume
avec le dos de la cuillère. Sans que l’étalonnage ou l'équilibrage entre les instruments ou le chant soient remis en question, les synthés avaient clairement la suprématie en termes d'amplitude, en saturant à l'occasion dans les passages les plus intenses, ce qui avait tendance à nuire temporairement à la distinction de toutes les sonorités qui font la richesse de leurs compositions. Rien de bien méchant, mais c'est toujours regrettable d'être confronté à un filtre passe-bas
inattendu, surtout quand les aigus stridents s'en mêlent...
Excellente soirée pour ma part, donc, et je manquerai pas l'hommage parallèle
donné par The Watch pour "Nursery Cryme", "A Trick Of The Tail" et "Wind
& Wuthering" au Triton le 9 Mars !
The Musical Box :
Denis Gagné : Chant, fûte & percussions
François Gagnon : Guitares solistes électriques et acoustiques, slide guitar
Sébastien Lamothe : Basse, pédales, guitares rythmiques et 12-cordes
Michel Cloutier : Claviers & chant
Marc Laflamme : Batterie, percussions & chant
Setlist :01) The Lamb Lies Down on Broadway
02) Fly on a Windshield
03) Broadway Melody of 1974
04) Cuckoo Cocoon
05) In the Cage
06) The Grand Parade of Lifeless Packaging
07) Back in N.Y.C.
08) Hairless Heart
09) Counting Out Time
10) The Carpet Crawlers
11) The Chamber of 32 Doors
12) Lilywhite Lilith
13) The Waiting Room
14) Anyway
15) Here Comes the Supernatural Anaesthetist
16) The Lamia
17) Silent Sorrow in Empty Boats
18) The Colony of Slippermen
19) Ravine
20) The Light Dies Down on Broadway
21) Riding the Scree
22) In the Rapids
23) it.
Rappels :
24) The Musical Box
25) Watcher of the Skies
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