Si on devait élire le groupe rock de ce début de XXIème siècle, ce serait sûrement
Muse qui gagnerait, en toute logique. Sur disque, depuis "
Showbiz", le groupe a, tel Sauron avec son anneau, réuni tout ce qui fait le rock, en s'inspirant de
Queen, Jeff Buckey,
Led Zeppelin,
Pink Floyd, jusqu'Ã
Depeche Mode, ou Jean Sebastien Bach (qui était rock n' roll pour l'époque) pour en faire un fourre-tout multiforme à grand spectacle. Bénéficiant d'une fanbase énorme qu'on affuble même d'un surnom bêtifiant, les "
Musers", qui se presse aux files d'attente des concerts, et transcende les générations, ils sont une machine de scène ayant la capacité de livrer un show impressionnant quel que soit le format.
Cependant, depuis "
Black Holes and Revelations", en explorant des sonorités plus électroniques, dubstep et tutti quanti, s'est produit un schisme qui a vu les fans de la première heure les regarder avec une défiance grandissante. Le retour au rock/hard de "
Drones", pas très convaincant, n'a été qu'une parenthèse avant la digitalisation généralisée de "
Simulation Theory", mise en abîme d'un groupe devenu abstraction, sorti de lui-même. Je dois dire que sur la tournée du même nom, j'avais plus l'impression de voir un show de Matthew Bellamy en solo qu'autre chose…
S'ils ne parlent pas de remise en question, j'ai remarqué que les gars de
Muse en interview parlent récemment beaucoup des fans. Comme si les récents évènements avaient rappelé qu'un musicien n'est pas grand-chose sans son public, et à aller trop loin dans les expérimentations, ils risquaient de perdre leurs propres fans. C'est donc avec l'envie de faire ce qu'ils savaient faire le mieux qu'ils se sont attelés à ce nouvel album, conscients de s'adresser à des publics différents suivant les genres qu'ils abordent.
La pandémie n'a pas eu d'influence sur la genèse de ce nouvel album, même si pour Matthew et les autres, garder le contact et travailler ensemble pour faire avancer les choses a été plus compliqué que d'habitude...
Avec un pochette montrant les trois britons monumentalement gravés dans la pierre, et des thêmes toujours politico-pontifiants, on aurait pu craindre qu'ils n'aient passé un palier dans les rêves irraisonnables de grandeur.
Mais c'est un sur un rythme primesautier que commence ce disque avec une première piste aussi rock que dansante avec des chœurs joueurs et obsédants, à l'instar de ce qu'ils faisaient sur "
Black Holes and Revelations". Sur "Compliance" et son horripilant refrain, pop clinique indigne d'un David Guetta,
Muse se débrouille pour faire évoluer son morceau avec de petites variations rusées et ramener l'auditeur à sa cause.
Muse s'est donc remis à faire du
Muse, comme sur les touchants mais pas meilleux "Liberation" et "Ghosts (How
Can I Move on)", où Matthew Bellamy a remis le piano à l'honneur comme il le faisait à l'époque de leur deuxième album "Origin of Symettry". De même, "Euphoria" qui ressemble à tant de leurs morceaux qu'on ne peut pas les compter, comme une synthèse de leur style profond.
Pour ceux qui avaient été dépités de la direction électronique prise sur le précédent album, "Won't Stand Down", sorti en premier single, permet de retrouver
Muse en tant que groupe rock, avec de grosses guitares sous accordées au limites du Djent. Le trio enfonce le clou métallique avec un "Kill or Be Killed" délicieusement heavy as f..k ou Matt se laisse aller à un growl carrément death (pas mixé trop fort, faut pas déconner non plus). Sur
"We Are Fucking Fucked", c'est l'esprit punk des Clash qui se mêle à d'entêtants chœurs new wave sur un final où le combo semble s'a
Muser sans trop se prendre le chou.
Comme de coutume, tel un aspirateur musical, le groupe s'inspire très largement de ses maîtres, en les incorporant dans son style. Les fantômes de
Queen et
Jeff Buckley sont invoqués sur "Liberation", et la bande à Bellamy pompe en ricanant le suc de "Somebody's watching me" à la manière de
Ghost sur "You Make Me Feel Like It's Halloween".
Au fur et à mesure de la première écoute de ce neuvième album des anglais, je dois avouer que me suis senti presque soulagé, revenu à la maison, en tant que fan de
Muse. Alors qu'on se dirigeait vers la fin de l'opus, avec un "Verona" qui réussit à être à la fois humble et grandiloquent, je me suis même dit que tout ce qu'ils entreprennent sur ce disque prend la meilleure voie. Il était temps.
Si ces dernières années,
Muse a donné l'impression de s'échiner à faire tout et n'importe quoi pour essayer de se renouveler, quitte à se vider de sa substance, en 2022 ils reviennent à ce qu'ils font le mieux, redonnant Ã
Muse l'allure de ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : un groupe de rock. Rien de nouveau ici, ni de transcendant, mais le meilleur album qu'ils aient sortis
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