Avec
Vitalogy qui sort en 1994,
Pearl Jam est dans le rythme et ne laisse pas s’impatienter ses aficionados trop longtemps. Si les cinq de Seattle avaient parfaitement su néGocier le virage du second album en montrant avec brio un visage différent, avec
Vitalogy ils sont plus dans une certaine continuité. Alors atTention, continuité ne rime pas forcément avec copié-collé. Le groupe est suffisamment intelligent pour s’affranchir de ce genre de facilités. Mais il faut reconnaitre une certaine analogie avec « Vs » tant dans sa construction que dans la nature et la structure des morceaux où l’on retrouve des similitudes évidentes.
Toutefois, là où
Vitalogy se démarque c’est dans son ambiance beaucoup plus sombre, limite glauque et son côté un peu bordélique voire même beaucoup. Les conditions de composition entre deux concerts durant la tournée de Versus ainsi que les Tensions entre les différents membres entraîneront notamment le départ du batteur Dave Abruzesse. De plus, les conditions d’enregistrement, certains morceaux ayant été terminés dans l’urgence, n’ont certainement pas été propices à l’élaboration sereine de cette œuvre. Cela est palpable dans le son qui semble moins travaillé, moins produit, notamment avec des guitares assez bruyantes, dissonantes et que l‘on pourrait presque croire désaccordées. Et pour couronner le tout, de par son attitude belliqueuse et anti-commercial face à l’industrie musicale,
Pearl Jam se marginalise. On a connu mieux comme ambiance.
Ce sentiment de foutoir est également renforcé par l’aspect visuel,
Vitalogy fait référence à un petit livre médical du XIXe siècle sans thématique particulière, ce qui se retrouve donc dans le conTenu des paroles plus varié qu’à l’accoutumée. Auparavant,
Pearl Jam se concentrait sur les problèmes de société, particulièrement l’enfance et les injustices avec une approche réactionnaire et dénonciatrice. Sur
Vitalogy,
Eddie Vedder, principal parolier, fait montre d’une facette plus décalée. «
Spin the Black Circle » raconte son amour pour le disque vinyle. Il nous fait même le coup de l’histoire d’amour sur « Nothingman » mais il n’en oublie pas pour autant ses thèmes de prédilection.
En revanche, musicalement parlant, Pearl poursuit dans la direction prise par Versus et même si on est en terrain connu, d’une manière générale on ne s’en plaindra pas, bien au contraire. On maintient d’une part le cap d’un rock direct, énergique et bien percutant notamment avec le morceau d’ouverture « Last Exit » mais également avec « Corduroy », « Satan’s Bed », voire carrément explosif, à la limite de la crise de nerfs avec « Whipping » bien rentre dedans ainsi qu’un «
Spin the Black Circle » qui peut s’aligner sans problème au concours de la compo la plus agressive de leur discographie. Et on a certainement LE morceau de l’album, à savoir un extraordinaire «
Not for You », pourtant tout simple et qui tourne sur trois accords, mais terriblement accrocheur, rageur et Tendu au possible avec cette batterie qui claque. D’autre part, le groupe n’a pas son pareil pour calmer le jeu avec des ballades sépulcrales telles que « Better
Man », « Nothingman », avec une mention spéciale pour «
Immortality », une de leur plus belle réussite en la matière. Enfin et à l’instar de Versus, le quintette amateur d’explorations sonores continue à creuser dans cette veine en nous livrant quelques titres dits expérimentaux. Mais c’est finalement là que le bât blesse car le terme d'expérimentation est un peu un grand mot sur ce coup. On a plutôt droit à une chute d’enregistrement qui s’étire inutilement (« Aye Davanita »), à des Tentatives de mecs bourrés pour essayer de jouer quelque chose (« Pry to », « Bugs »). Le seul morceau véritablement expérimental est «
Hey Foxymophandlemama, That's Me » aussi long que son titre mais qui se révèle vite lassant.
Au final, du fait des ses errements expérimentaux accentuant ce côté fourre-tout et bordélique,
Vitalogy est un peu en deça des deux précédentes livraisons. Cependant et malgré des conditions délicates pour la conception,
Pearl Jam réussit quand même à livrer un excellent album comportant son lot de titres forts et qui sont loin d’être anodins dans leur discographie. L’idéal eut été de supprimer trois titres, de resserrer le format et l’on Tenait une perle. La copie n’est pas parfaite mais si on aime
Pearl Jam, on peut y aller sans soucis, on ne sera pas déçu.
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