Il faut avouer que la scène Rock japonaise nous est bien obscure, nous chers européens, à l'exception notable du Visual-Kei, apporté massivement dans nos chaumières de par son utilisation notable dans les mangas animés dont la communauté nerd/geek toujours grandissante est particulièrement friante. Mais heureusement, le pays du soleil levant contient en son sein d'autres groupes officiant sur d'autres scènes et bien que beaucoup moins médiatisés, à qui sait chercher quelque peu, il peut se révéler de bonnes surprises.
Mono en fait partie. Formé en 1999 à Tokyo à l'initiative du guitariste Taka Goto, ce quatuor a rapidement atteint une certaine popularité tout en instaurant un univers et une identité empreints de caractère réunissant d'excellentes influences telles que Godspeed You! Black Emperor, le shoegaze puissant caractéristiques de
My Bloody Valentine ou
Slowdive sans oublier l'empreinte des compositeurs de musique savante qui enrobe le tout mais surtout, SURTOUT
Mogwai de par leurs mélodies intimistes de guitare et ce côté shoegaze également très présent chez la bande écossaise et que l'on retrouve dans l'univers
Mono.
Après l'EP
Hey, You sorti en 2000 ainsi que pas mal de concerts (surtout au Japon),
Mono retourne en studio l'année suivante et enregistre en 1 jour, lors d'une séance financée par
John Zorn (rien que ça!) ce qui deviendra leur premier album qui reprend deux titres de l'EP sus-cité (Karelia et L'
America) et donc six compos inédites.
Mais concrètement qu'est-ce que la musique de
Mono ? Disons qu'en ce qui concerne l'architecture des morceaux,
Mono fait dans le classique : la progression très courante qui d'un son ou mélodie quasi-murmurée se développe petit à petit pour atteindre un niveau d'intensité maximale. Cela a ses bons et ses mauvais côtés : C'est du déjà-vu, l'auditeur en quête d'inédit peut d'ores et déjà exprimer son mécontentement, mais de ce fait
Mono propose une musique beaucoup moins expérimentale, décousue que GY! BE et donc en un sens plus abordable pour le néophyte. De plus
Mono apporte à cette progression classique ce qui est devenu sa signature. En effet, les 4 nippons poussent à l'extrême cette «intensité maximale » puisque bien souvent le crescendo aboutit sur un véritable mur de son, fait de guitares saturées et usant d'effets en tout genre : écho, disto, réverb etc... Sur cet album donc, ce « mur de son » est atteint sur 3 pistes (Karelia, The Kidnapper Bell et Error #9). Les titres étant exclusivement instrumentaux, ce déluge de notes se retrouve ainsi seul au premier plan là où dans le shoegaze le chant reste présent.
Seulement cela soulève deux interrogations : Ce rideau sonore est-il seulement un vacarme ? Et n'est-ce pas rigoureusement identique d'un titre à l'autre ? C'est à mon avis une des caractéristiques les plus intéressantes de la musique des japonais. En effet, au premier abord, vous tomberez certainement dans le piège de n'entendre qu'une vague cacophonie livrée par des musicos en roue libre. Mais heureusement pour nous, cela se révèle plus complexe, cette intensité séquentielle n'est pas impersonelle ni désorganisée, au contraire. La durée de ces mouvements d'appparente cacophonie démontre une volonté évidente de déstabiliser l'auditeur et pour ma part j'y vois un véritable jeu de piste qui nous est destiné dans lequel il nous faut tenter de suivre la ligne mélodique qui nous est offerte à travers une instrumentation de plus en plus volumineuse. Ce sera plus facile sur Karelia par exemple qui reste relativement mélodieux mais bien moins aisé sur Error #9 qui se fait plus dissonant.
Parlons des autres pièces maintenant, officiant dans un Post-Rock plus classique dirons-nous. Jackie Says commence par une mélodie mi-figue mi-raisin proche de celle des interviews de « Sept à Huit ». Heureusement bien transcendée ensuite par une guitare saturée et au son torturé (trop court!!!). Op Beach, bien plus calme, fait office de petite pause bien venue, permettant de souffler et se révélant être une perle de mélancolie, au même titre que L'
America, à la mélodie très réussie car pleinement immersive. Enfin Human Highway, lancée sur orbite par son violoncelle se trouve être une conclusion tout à fait délicieuse à la subtile ambiance onirique.
Malheureusement, si l'album a une identité certaine, ce n'est pas le cas de chacune des pistes et c'est peut-être le revers de la médaille de cet album homogène chaque piste s'enchaînant merveilleusement, un peu trop peut-être en réalité à tel point qu'après coup il est un peu compliqué de dire à quel morceau appartient tel ou tel fragment (on notera la ressemblance de certaines mélodies, notamment les intros de Karelia et The Kidnapper Bell) et c'est également dû à des arrangements instrumentaux additionels trop peu fréquents. Faute de budget, de temps, ou peur de prendre le risque ? Toujours est-il qu'on aurait bien aimé avoir un peu plus que cet étrange piano plein d'effets audio pour le court intermède Holy (pas mauvais mais bizarre) et ce violoncelle qui se retrouve bien seul mais dont la présence se révèle toujours être une bouffée d'air frais (Karelia et Human Highway)
Par contre s'il est une chose à retenir de cet album, c'est bien la batterie de Yasunori Takada pleine de feeling et de toucher et s'adaptant merveilleusement à chaque morceau. Puissante voire rageuse au début de l'album, elle se fait plus modérée mais parfaitement juste ensuite. Côté pistes j'ai un petit faible pour Error #9 qui rompt quelque peu le schéma classique expliqué plus haut en commençant par une magnifique mélodie qui s'estompt progressivement puis c'est sans prévenir l'explosion caractéristique, le déluge de notes qui dure, se fait plus agressif mais néanmoins pas sans ligne mélodique que l'on capte après avoir apprivoisé ce rideau de son.
Pour son premier album, les membres de
Mono montrent indéniablement qu'il savent ce qu'il font, c'est un opus qui ne tâtonne pas et propose déjà un univers qui lui est propre, et peu de groupes peuvent se targuer de la même chose. C'est une qualité indéniable, mais à l'écoute de
Under the Pipal Tree il ressort aussi que
Mono peut encore progresser notamment en enrichissant sa musique. Il n'empêche que c'est un sacré début.
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