Je me souviendrais toute ma vie de la première fois où j'ai vu ce type. C'était dans un clip -"
Love Struck Baby"- à une époque où les programmes télé s'arrêtaient vers minuit et demie / une plombe du mat' avec une émission qui s'appelait "Boulevard des clips". (Eh, y'avait quand même déjà la couleur, hein ?!). Ouais. Je sais, ça fait un peu ancien combattant. Mais bon, c'est comme ça.
D'un seul coup, au milieu de sons tout ce qu'il y a de plus new wave, beaucoup de synthés -
Depeche Mode et "Everything Counts", Cure qui sortait l'album Pornography, Bowie qui se trainait sur les plages avec sa "China Girl", et le "Roi de la Pop" Michael Jackson qui écrasait les ondes avec "Thriller". Et bien au milieu de toutes ces paillettes, qu'est-ce qu'on a entendu ? Les 3 accords magiques d'un Blues Rock texan de la plus belle facture !
Stevie Ray Vaughan ! De ce côté-ci de l'Atlantique, c'est sûr que ça allait nous changer de Jessie Garon qui chantait "C'est Lundi" ou encore Laroche Valmont avec "C'est l'Amour" ou encore "
Partenaire Particulier" ! J'arrête là. On n'en sort pas vraiment grandis !
Qui est-il ? Le petit frère de Jimmy Vaughan -il a 3 ans de moins- ce dernier gratte et tourne déjà avec des zicos dans le
Texas, les "Stratos Boys" à jouer des reprises, et plus tard encore avec les "
Fabulous Thunderbirds".
Mais Stevie apprend vite, le bougre, et va dépasser rapidement son aîné. Son idole est
Jimi Hendrix, dont il reprend entre autre "
Little Wing" et "Voodoo Child". Il déclare même que Jimi lui parle à travers sa guitare... Il faut dire que Stevie a déjà goûté pas mal de bricoles, et pas toujours de celles qui sont en vente libre.
Repéré par Mr.
David Bowie himself lors du Festival de Montreux, ce dernier l'invite à venir jouer sur son album "Let's Dance". (Le solo de guitare du morceau éponyme, c'est SRV). Mais
Stevie Ray Vaughan a envie d'autre chose : enregistrer son album. Il en parle à Bowie qui refuse tout net. Les musiciens de Bowie restent avec Bowie. C'est à ce moment qu'il se barre, et que l'on commence à se demander qui est ce trou du c.. de texan qui se permet d'envoyer promener
David Bowie ?!
Avec
Chris Layton à la batterie et Tommy Shannon à la basse, il forme SRV And Double Trouble. L'album en question, c'est "
Texas Flood". On peut dire ce qu'on veut, et j'aime beaucoup Bowie, mais c'eut été vraiment dommage que SRV ne fasse que du Bowie, non ?!
Tous les titres de cet album sont des tueries, et sont presque tous écrits par lui. (A l'exception notable de "Mary Had a Little Lamb" de
Buddy Guy, "Tell Me" de Howling Wolf, "Testify" des Isley Brothers.)
Ce son, un peu gras, ces glissés, la vitesse hallucinante de remonter le manche de sa strat, (comme de le redescendre d'ailleurs !), on n'avait pas encore entendu ça. Pas joué comme ça en tous cas sur du blues. L'esprit de Jimi n'était peut-être pas si loin que ça finalement. Sur sa stratocaster, il avait fait monter un vibrato de gaucher, c'est-à-dire que le bidule s'est retrouvé en haut -au lieu d'être en bas- ce qui lui donnait encore plus de rapidité. Et rappelait que Jimi le gaucher avait une guitare de droitier avec laquelle il jouait .. A l'envers ! N'empêche qu'avec ce foutu vibrato, SRV faisait sacrément miauler sa gratte !
"
Pride And Joy" sera classé dans le top 20 américain, et la carrière internationale de
Stevie Ray Vaughan était lancée. Il jouera avec les plus grands, de
BB King à
Eric Clapton, croisera le fer avec les
ZZ Top, dont la légende dit que le manager des barbus leur avait conseillé de ne plus remonter sur scène avec lui !
Bref. Vous l'aurez compris, un virtuose qui a traversé le ciel du Blues comme une comète, et qui finira prématurément dans un accident d'hélicoptère, avec une partie des musiciens de Clapton, en août 1990. D'ailleurs, le dernier mot sera pour Clapton, parlant de SRV : "Personne ne m'avait autant imposé le respect. La première fois que j'ai entendu Stevie Ray, c'était à la radio, dans ma voiture, je ne savais pas qui il était, et je me suis dit : ce gars-là va faire trembler le monde".
J'aime à penser qu'il doit se taper des boeufs avec
Jimi Hendrix, quelque part, et que ça doit être quelque chose !
Belle chronique, très passionée.
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