Voici donc le fameux album qui a contribué, en première ligne, à donner de
New Order l’image d’un groupe pionnier dans l’évolution du son entre rock et house. Concernant cette réputation discutable, on se reportera de nouveau à
Primal Scream ou aux Happy Mondays, plus convaincants à ce titre. Non pas que
New Order n’ait pas joué un rôle central et fédérateur à Manchester (autour du club The Haçienda, fermé en
1997 suite au décès d’une jeune consommatrice d’ecstasy) et ailleurs dans le monde. Peter Hook prétendrait encore que, avec le club de foot,
New Order aura été l’un des deux moteurs de l’économie mancunienne de ces dernières décennies.
Mais, musicalement, les relations entre les différentes scènes dans leurs productions relèvent davantage de la juxtaposition que de la fusion harmonieuse. L’aspect racoleur, la lourdeur de «
Fine Time » et de «
Round & Round » plaident en faveur d’une interprétation de leurs qualités mélodiques dont la mélancolie, plus ancrée dans le rock, d’ « All the Way », de « Love Less », de « Guilty Partner » et de « Dream Attack » aurait fourni un meilleur modèle. Seulement, l’audace aurait semblé moindre, et l’album ne se serait pas appelé «
Technique ». « Mr. Disco » réussirait mieux cette prétendue synthèse entre la musique des concerts et celle des boîtes de nuit, au prix cependant d’une trop grande ressemblance avec «
State of the Nation », qu’il n’égale pas.
Et les défauts ne s’arrêtent pas à l’auto-plagiat, ils ont déjà franchi la ligne du plagiat via « Run » (comme le rappelle, entre autres, Sébastien Michaud dans son livre «
New Order : des larsens sur le dancefloor »), même si l’affaire a abouti à un accord avec John Denver, l’auteur de « Leaving on a
Jet Plane ».
Soyons justes, au-delà des ressemblances troublantes entre les deux chansons, il est vrai aussi que le groupe y exprime sa créativité d’une manière qui va au-delà de la simple reprise déguisée : le texte original, la distorsion des instruments, la richesse des couleurs (nappes de synthé, saturation, arpèges de guitare acoustique, chœurs de Gillian Gilbert), le rythme en équilibre subtil, pour le coup, entre la fosse et la piste de danse, l’affection sincère et perceptible des musiciens pour ce titre, tout cela suscite l’enthousiasme et suffit à justifier, au final, la paternité (fût-elle partielle) de
New Order.
Quant à « Vanishing Point », l’autre grand moment, il excelle à tous les niveaux dans le plongeon qu’il effectue au sein de l’univers techno, quitte à créer un abîme par rapport aux autres titres. Là encore, on se dit que ce morceau aurait pu être le remix d’une version rock préalable.
La réinvention du disco n’est pas une affaire facile, c’est même une belle impasse, où les disques foncent et se cassent en deux. En même temps, si
New Order a pris cette place risquée, c’est parce qu’il y avait une place à prendre, et que
Blondie n’avait pas tout dit. Donc ils n’ont peut-être pas réussi à 100 %, mais ils ont su faire preuve, tout en gardant leur âme, d’une certaine imagination qui mérite d’être saluée, d’autant plus que l’ensemble,
Techniquement, a bénéficié d’une production redoutable, d’un professionnalisme à toute épreuve, due au groupe lui-même.
D. H. T.
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