Quand on dit « Krautrock », on pense au rock herbeux des années 70s, quand l’Allemagne (alors de l’Ouest) proposait sur le marché de l’art musical des groupes comme
Eloy,
Popol Vuh,
Can, Krafwerk (à leurs débuts),
Guru Guru et l’énigmatique Amon Düül 2. Nom issu de la fusion des noms de deux divinités, le groupe s’affuble d’un 2 final significatif puisqu’il s’agit du second groupe musical regroupant des gens de la petite communauté d’artistes fondée à Munich en 1967 et dont j’ai déjà commenté l’album "Psychedelic Underground".
Pour appréhender correctement un groupe qui nous est inconnu, rien ne me semble meilleur que de s’attaquer à une compilation. On peut espérer y retrouver le meilleur de ce que peut produire un groupe, même si l’éclectisme d’un assemblage de titres peut déplaire à ceux qui aiment analyser des albums dans leur totalité, dans leur uniformité. Avec un best of, on a des échantillons posés les uns à côté des autres et on picore un peu partout. "
Surrounded by the Bars", c’est une sorte de long buffet qui nous propose 12 titres chantés, quand ils le sont, en anglais : 3 créations et 9 titres composés entre 1969 et 1976.
La pochette de cette compilation, trouvable en CD sous le label Spalax Music, montre, sous un aspect mouillé, un homme bizarrement coiffé d’un chapeau à plumes tenant la visière d’un heaume énorme peu identifiable. A l’intérieur, une photo d’une troupe de joyeux drilles au pied de la tour
Eiffel permet d’identifier, à condition de bien connaître les membres de ce groupe au line-up sans cesse changeant (ce qui fait que leur musique n’est jamais de la redite), quelques piliers d’AM2; à savoir
Chris Karrer, Renate Knaup, John Weinzierl ou encore Daniel S. Fischelscher.
Mais voyons d’un peu plus près certains titres ! Il me semble justifié de commencer par le redoutable « Archangel Thunderbird ». L’Oiseau-Tonnerre est un grand volatile des légendes nord-américaines et c’est à lui qu’il faut s’adresser, nous dit le texte de la chanson, quand on cherche l’Empereur du Ciel. Hymne proto-métal sorti en 1970 sur l’album "
Yeti", c’est un titre qui met en avant un rythme puissant et une ligne de basse très nette, support pour la partie vocale de Renate. Elle y parle aussi d’Egdar Allen (Poe), de Dieu dans son jardin d’
Eden et d’une mystérieuse Maison de Cire. Sans refrain, la chevauchée dure quatre minutes et nous fait découvrir des terres surréalistes.
Egalement issu de "
Yeti", « Cerberus » est un morceau qui commence avec un type qui boit son café : un ‘slurp’ décalé qui introduit un savant jeu de cordes et de tambourins dans des couleurs très orientales. Nul doute que
Chris Karrer, ancien jazzman et grand amateur de musique arabe, soit pour quelque chose dans la composition de ce titre.
Maîtres ès titres foldingues, Amon Düül 2 propose également « A Short Stop at the Trans-Sylvanian Brain Surgery ». L’écoute de ce morceau fait ressortir trois parties de ses quelques cinq minutes trente. Les deux premières, purement instrumentales, sont assez dérangeantes : on n’a vraiment pas l’habitude d’entendre ce genre de sons très distordus, grinçants, effrayants même ! La troisième partie, plus standardisée, est chantée et peut tout à fait être reprise en concert (c’est d’ailleurs le cas sur "
Live in Tokyo" de 1996 où cette troisième partie est reprise sous le titre « Dry Your Ear »). En farfouillant dans la discographie du groupe, on découvre bien vite que ce titre est tiré d’un morceau de 19 minutes et demie, le symphonique et complexe « Restless Skylight Transistor Child » sur "
Tanz der Lemminge" (1971).
Plus vifs et plus joyeux, « Kronwinkel 12 » et « C.I.D. in Uruk » permettent de voir qu’Amon Düül 2 joue, dès l’album "
Carnival in Babylon" (1972) dont ces titres sont issus, de manière plus construite et plus professionnelle. Ils sont passés les temps des improvisations interminables : ici, les titres, bien que longs (mais d’une longueur raisonnable), sont mieux produits. C’est plus moderne et plus direct, les arrangements sont de meilleure qualité parce qu’on a appris de ses erreurs passées ; la voix de Renate est davantage mise en valeur et exploitée. Quelques extraits des albums "Wolf City" (1973) et "
Vive la Trance" (1976) confirmeront cette progression, avec respectivement « Surrounded by the Stars » et « Wolf City » pour le premier et « A Morning Excuse » pour le second.
Bonne introduction à la musique complexe d’Amon Düül 2 (qui, soit dit en passant, tire ses trémas non pas de la mode lancée par Blue Öyster Cult mais de l’origine turque de son nom, Düül étant le nom d’une ancienne divinité lunaire de la région), "
Surrounded by the Bars" permet d’approcher ce groupe allemand qui fait de la musique d’abord pour se faire plaisir. La musique d’Amon Düül 2 est vaste et variée ; "
Surrounded by the Bars" est donc un moyen intelligent de se faire une idée générale du potentiel des allemands au travers d’une poignée de titres, pas forcément les meilleurs d’ailleurs (il faut écouter les albums cités ci-dessus pour se faire une vraie bonne idée), mais suffisamment accrocheurs pour qu’on ait envie d’en savoir plus.
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