On a droit, dans la compilation «
Still », à une dimension du dialogue entre
Joy Division et Martin Hannett complémentaire du double héritage que représentent «
Unknown Pleasures » et «
Closer ». Les deux premiers titres sonnent punk, « Ice Age » plus encore qu’ « Exercise One », mais même le plus lent «
The Sound of Music » donne dans la nervosité, grâce à une section rythmique lourde appuyée par une guitare incisive. « Glass », bien qu’avec une ponctuation instrumentale plus aigüe, prend place dans cette homogénéité volontairement confuse, privilégiant l’agressivité de préférence à la pureté du rendu final.
Idem pour le très sombre « The Only Mistake » ainsi que pour les percutants « Walked in Line », « Kill » et « Something Must Break ». Ian Curtis, de sa voix grave, s’impose au milieu des martèlements et des accords ravageurs, constant jusqu’au bout dans sa détermination, y compris quand il crie au plus intense de « Dead Souls ». Viennent ensuite les titres enregistrés en public à l’université de Birmingham, à l’exception de «
Sister Ray » (Moonlight Club de Londres), dont la tension ne se relâche d’ailleurs pas pendant les sept minutes au cours desquelles la distorsion, sur cette reprise, rend hommage à l’esprit du
Velvet Underground. L’interprétation vocale de «
Ceremony » est pleine d’émotion (en tout cas, dans sa partie audible), pendant que le reste du groupe fait preuve d’une maîtrise égale à celle que l’on entendra au détour de la version studio du titre figurant sur «
Substance 1987 » de
New Order. L’ambiance de «
Closer », au fil d’ « A Means to an End » et de « Passover » prend naturellement la suite de « Shadowplay », et le chanteur crache ses tripes entre deux accalmies faisant la part belle à la musique. Du coup on attendait au tournant « New Dawn Fades », qui convainc l’audience, marquant un temps fort en public comme en studio. «
Transmission » aurait alors mérité une interprétation plus mélodieuse tout en conservant la même brutalité. Ian Curtis y semble trop présent, et trop en retrait sur les deux premières minutes de «
Disorder ». La scène fait un excellent accueil au synthétiseur d’ « Isolation », l’ambiance fonctionne à tous les niveaux. C’est le moment de tester « Decades », défi particulièrement difficile à relever en live compte tenu de la subtilité des arrangements de ce titre ; pas la peine d’épiloguer plus que de raison sur un échec aussi cuisant, qui sonne faux du début à la fin : un vrai massacre, couvert par la bienveillance des applaudissements chaleureux. Quand l’enragé « Digital » se termine, on est partagé quant à l’ensemble du disque : un témoignage intéressant quand on aime
Joy Division, sans être objectivement à la hauteur des piliers de leur brève discographie ; à déconseiller, donc, chez les non-initiés, qui auront raison de lui préférer «
Substance » ou même la réédition des enregistrements de
Warsaw.
D. H. T.
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