On en a eu à toutes les sauces, du Revival années 80, rendant aussi nostalgiques les générations concernées que les plus jeunes qui n'avaient pas connu ce temps-là. Pourtant, au delà de l'effet de mode et de l'opportunisme, il est des groupes qui apparaissent plutôt comme des héritiers légitimes, essayant de perpétuer un certain esprit de l'époque charnière où le rock s'est accouplé à la musique sortant des circuits intégrés des synthétiseurs.
Not Scientists ne sont pas des perdreaux de l'année, puisqu'avant de fonder le groupe en septembre 2013, Ed et Jim, les deux guitaristes, étaient dans les fameux
Uncommonmenfrommars. Si être des "ex-Unco" les a aidés à booker des tournées et à mettre leur nouveau projet dans les starting-blocks, ils sont repartis de zéro artistiquement, avec toute l'excitation que cela comporte.
Depuis leurs débuts, ces lyonnais ont montré une personnalité bien affirmée, un mélange speedé de New Wave et de punk rock, avec deux EPs, puis un premier album "
Destroy to Rebuild", et un deuxième plus varié en 2018, "
Golden Staples" .
Alors qu'ils avaient décidé de marquer une pause pour se reposer du rythme des albums et des tournées, la pandémie et ses confinements leur ont permis de peaufiner la composition de leur troisième LP , qui a été enregistré en deux fois, au printemps puis fin 2021, au studio Ultramarinos Costa Brava, avec Santi Garcia aux manettes. On peut signaler des changements côté line-up, avec le départ de Thibault en 2019 , remplacé début 2021 par Julien Peretti à la basse, et plus tard ajout de Fred (ex-Pookies,
Forest Pooky Full Band) à la guitare.
Ce nouveau disque, sorti le 3 février 2023 chez Kicking Records, est une machine à remonter le temps, vers 1982, 1983, la téléportation arrivant dans le sud de l'Angleterre ouvrière décimée par l'ultra libéralisme naissant.
Leur musique regroupe ici tout le meilleur du rock et de la New Wave, cette renaissance au sortir du nihilisme punk, un No Future qu'il essaie de conjurer . On pense à
The Police et U2 pour les arpèges de guitares claires légèrement crunch, parfois agrémentées d'un delay songeur, à un
The Clash policé en costume trop petit, ou
The Cure sans tranquillisants.
L'influence la plus présente est celle du jeu d'Andy Summers, dont il reprend les accords improbables, la précision et la complexité. D'un autre côté, les synthétiseurs joués par Tommy Rizzitelli, batteur du groupe français Space Art, pionnier de la musique électronique, et la production donnent une patte sonore singulière.
Tout en restant dans un rythme très soutenu, certains morceaux se permettent plus de libertés : sur "
Heart Attack" la basse et la batterie cassent leurs carcans et digressent, s'emballent. Lorsque le groupe ralentit, c'est de manière posée et presque planante, pour les guitares et le chant ("Standing At the Edge").
C'est la voix qui porte toute la révolte, scandée dans les refrains aux paroles désespérées, à rebours de l'univers musical froid comme une gelée matinale dans une usine abandonnée. Je dois avouer que j'ai même versé une larme à un moment (dans la montée de "Like Gods We Feast"), signe que ça a touché des cordes sensibles.
Des titres comme "Rattlesnake" peuvent faire penser à une énergie pop punk des années 90's avec des lignes de chant entêtantes, toujours aussi juvéniles mais un poil désabusées. Il y a un petit côté rock australien sur "%8X5" entre
Men At Work et le
INXS période "Shaboo Shoobah", qui rend la deuxième moitié de l'album plus chaude, variée et énergique, voire sombre et dissonante (le court "Downfall", qui serait pas si éloigné des plus actuels The
Refused). On ressent tout de même un optimisme enjoué sur le morceau éponyme "
Staring at the Sun". La modernité du XXIème siècle peut surgir le temps d'un break, comme celui de "Push", avec cette batterie déconstruite, saturée et hachée par un gate réglé à fond.
Le Basile essayant de taper aussi rapidement et régulièrement qu'un robot dans une usine de montage, il produit une batterie métronomée par ces petits coups de charley secs et calibrés, où la faillibilité humaine transparaît dans ces écarts involontaires laissés par les bras qui tentent de suivre ce rythme frénétique. Aussi, des bruits percussifs marquent les moments forts des textes, et posent l'ambiance sombre d'une histoire angoissée. Le son de batterie est sec, un peu en retrait. Le jeu du batteur peut sembler minimaliste, mais il montre des choses qu'on a plus l'habitude d'entendre, côté roulements, ou sa façon de jouer charley très speed et travaillé en double croche ("Secrets").
La basse est pleine, très présente, parfois avec quasiment un son de synthétiseur ("Like Gods We Feast,,", "Secrets"), et répète à l'infini des riffs simples et obsédants .
L'album est très homogène, presque un peu trop, dans son style, mais aussi sa qualité et le nombre de bonnes idées qui le portent. Il n'y a guère que le dernier morceau "Listen Up" qui se révèle un peu faible ; terminer sur "
Staring at the Sun" m'aurait semblé plus judicieux. Sur ce disque, l'aspect froid et faussement policé (Policé, oui, aussi) de sa musique, contraste avec l'attitude du groupe désinvolte et joyeuse,sur les vidéos, mais aussi avec ses précédents efforts plus modernes. En outre, le groupe affiche un visage beaucoup plus rock en live, où l'énergie pop-punk prend le dessus , plus proche d'un
Fugazi sous speed. De quoi rendre extrêmeent curieux de voir ce que ces morceaux à l'énergie juvénile pourraient donner en concert.
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