Il est d’usage, lorsqu’un groupe sort son premier album, d’envisager qu’il va progresser et que ses prochains albums n’en seront que meilleurs.
The Black Crowes font partie de ces rares combos ayant réussi le tour de force d’offrir un chef d’œuvre dès leur premier opus. Cependant, ce genre d’exploit a pour effet de mettre son auteur sous pression pour son album suivant, car le public accepte rarement de voir la qualité baisser entre deux offrandes.
Malgré leur jeunesse, les frères Robinson, leaders du groupe, semblent avoir parfaitement géré les attentes, même s’ils ont pris prêt de 2 ans pour bichonner leur nouveau rejeton. Et le fait est qu’ils ont parfaitement réussi leur coup, continuant sur la lancée de "
Shake Your Money Maker" sans pour autant tomber dans la redite. En effet, même si l’ensemble sonne toujours southern rock, cet album est d’une richesse foisonnante, réussissant à marier hard-rock, blues-rock, southern-rock et soul. Rien de moins !
La touche soul est particulièrement due à un
Chris Robinson en état de grâce, et soutenu par des chœurs féminins du meilleur effet sur plusieurs titres. Ainsi, le refrain de "Remedy", où
Chris et ces chœurs se répondent en décalé, vient s’incruster dans votre mémoire pour ne plus en sortir. Mais c’est sur la power ballade bluesy "Sometimes Salvation" que le frontman atteint des sommets, en particulier pendant le final où ses cris passionnés débordent d’émotion. Quant à Rich, il rayonne sur tout l’album, mais nous offre un petit bijou de solo sur ce même titre, prouvant au passage que les cordes de guitares peuvent elles aussi traduire des sentiments intenses. Il est d’ailleurs à noter que sa performance sur cet opus lui vaudra la reconnaissance de plusieurs magazines spécialisés renommés.
Cependant, la qualité des interprètes, si elle est incontournable, n’est pas suffisante pour faire un grand album. Elle n’est rien sans des compositions de haut niveau, et il est inutile de vous dire que cet opus est particulièrement bien fourni en la matière. Sans pouvoir être classés dans la catégorie du progressif, chaque titre est d’une fausse simplicité, pouvant aussi bien être doté d’une montée en puissance délicate et parfaitement dosée ("Thorn In My Pride" où le jeu de Steve Gorman est d’une finesse et d’une précision envoûtante), que d’une structure à tiroir comme le heavy blues-rock de "Black Moon Creeping" passant allègrement d’une intro aux accents cajuns à un refrain claquant et immédiat. A ces structures vient s’ajouter une variété des styles et des tempi, dynamique et entraînant ("
Sting Me"), émouvant et légèrement psyché ("Bad Luck Blue Eyes Goodbye") ou sautillant («"Hotel Illness" avec son harmonica virevoltant et ses interventions de slide), pour finir sur la reprise d’un obscure titre de Bob Marley ("Time Will Tell") que les Crowes s’approprient à la sauce southern-folk acoustique, tout en en conservant le groove reggae.
Le seul point négatif de cet album pourrait être la frustration qui habite le pauvre chroniqueur ne réussissant pas à vous en donner tous les détails sans risquer de déboucher sur un titre à titre rébarbatif qui en ternirait la richesse foisonnante. Car il s’agit bien d’un voyage musical et émotionnel à travers le sud des Etats-Unis auquel nous convient les Black Crowes. Ce genre de voyage dont vous ne pourrez pas sortir indemne. En effet, une fois inhalées, les senteurs de cet opus sont à l’origine d’un phénomène de dépendance vous obligeant à des écoutes régulières pour ne pas souffrir de symptômes typiques de l’état de manque.
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