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Songs from the Road est la façon dont nous souhaitons tous nous rappeler de lui: souriant, rigolant, et jouant et chantant avec son cœur'.
Jeff Healey nous a quitté le 2 Mars 2008 des suites d'une longue maladie, pour utiliser une tournure qu'il est de coutume d'employer pour ne pas citer cette saloperie de 'crabe', et c'est par cette formule que Cristie, sa veuve, introduit ce live posthume piochant dans des prestations du divin guitariste aveugle en Norvège, à Londres et à domicile, à Toronto. Ces titres, assemblés par le fidèle bassiste Alec Fraser, font suite à "
Mess Of Blues", album faisant déjà figure de testament pour le génie canadien de la six-cordes.
Composé d’un CD et d’un DVD, ce dernier étant intégralement saisi lors du Nottoden Blues Festival 2006 en Norvège, "
Songs from the Road" a le bon goût d’éviter les doublons entre les 2 disques, seul "I’m Ready" et l’incontournable "Angel Eyes" ayant les honneurs de l’audio et du visuel. Ce qui nous permet de profiter de 17 titres interprétés par Jeff et son ‘
Jeff Healey Blues Band’, composé d’Alec Fraser, gros nounours au physique de camionneur qui s’empare du micro le temps de la reprise du "
White Room" de
Cream, assez fidèle à l’original, et du claviériste Dave Murphy, véritable joker sautillant, grimaçant, dégainant l’harmonica sur des titres tels que le monumental "Hoochie Coochie
Man" de Willie Dixon, voyant également
Randy Bachman (
The Guess Who, Ironhorse,
Bachman-Turner Overdrive…) se mêler aux réjouissances, et assurant le chant sur plusieurs titres. Avec son timbre légèrement éraillé, il propulse le "Come Together" des Beatles, le "Whipping Post" du Allman Brothers Band ou le "Soul
Man" d’Isaac Hayes, avec puissance et est carrément bluffant sur un "Highway To Hell" inattendu et saisissant parfaitement l’énergie de l’original, chose assez rare pour être signalée. Ajoutez à cela les soli que le maitre laisse exécuter à un Dan Noordermeer relativement discret et vous avez la preuve que
Jeff Healey se comporte plus comme le membre d’un groupe que comme un leader centrant le feu des projecteurs sur lui.
Pourtant, c’est bien lui qui illumine l’ensemble de sa voix chaude et de ses éclats de rires, mais surtout de ses interventions touchant au divin. Sa technique lui confère une telle fluidité qu’il dégage un feeling unique, véritable pourvoyeur d’émotions fortes. Faisant pleurer sa guitare sur "Angel Eyes" ou sur "How Blue
Can You Get", exhalant un groove irrésistible sur "I Think I
Love You Too Much", "Stop Breaking Down" ou "Shake Rattle And Roll", ou délivrant une énergie hors du commun sur un "
See the Light" laissant le public bouche-bée. Ce dernier est d’ailleurs régulièrement sollicité pour participer aux refrains et ne s’en prive pas ("Come Together", "While My Guitar Gently Weeps"…), complètement hypnotisé par le quintet et aux anges après chaque titre. Il n’y a qu’à regarder les visages sur la partie DVD, voir les corps entrer en transe, pour constater le pouvoir de séduction du Canadien et de ses compères, la complicité étant également de mise sur scène, Jeff éclatant de rire à plusieurs reprises et Dave Murphy se comportant comme le pitre de service.
Quel défaut trouver à "
Songs from the Road" ? Probablement celui d’être trop court et de nous rappeler à quel point
Jeff Healey nous manque. A quel point son talent semble inégalable et sa sincérité et son éclectisme artistique étaient uniques. Qui à part lui pourra encore mélanger le Hard-Rock d’AC/DC ("Highway To Hell") et le Jazz festif d’un chant de Noël ("Santa, Bring My Baby Back (To Me) ") au sein du même concert sans que personne n’en soit choqué ? Qui pourra n’offrir qu’une seule composition ("
See the Light") au milieu de reprises qu’il s’est tellement approprié que l’évènement passe inaperçu ? D’où il se trouve maintenant, Jeff voit sûrement enfin la lumière, mais pour nous, elle brille désormais un peu moins, et les yeux de l’ange pleurent son absence !
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