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Deux enfants nous regardent : le ptit punky se montre menaçant avec le poing serré et une bouteille de verre cassée, pour protéger sans doute la petite fille se tenant à ses cotés. Cet ange vêtu de blanc nous observe fixement, de son air mélancolique, sans crainte... Les usines, les grillages nous plombent dans un décor peu enviable ; un monde où les mômes n’ont pas leur place. D’ailleurs, ces deux là se retrouvent plus tard, près du port : lui, plongé dans un ennui et une tristesse certaine, le regard perdu sur l’horizon tandis que la fillette se retrouve en position de gagnante, les deux pieds bien plantés sur le sol, une main sur la hanche, un bras tendu devant elle ; il y a cette lumière vive au bout de sa main dirigé vers son acolyte... Est-ce le pouvoir des femmes à changer le cœur d’un homme ? Va-t-elle parvenir à l’emmener loin de ce désastre ? Mais qui protège qui finalement ?

Lorelei a certainement eu ce rôle pour notre parolier. Nous voici en présence d’une des plus célèbre prostituée de la chanson française, qui deviendra le tube de HFT (« avec la fille du coupeur de joints » ; cf : l’album « Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir »). Elle est ce réconfort auprès duquel on s’accroche lorsque l’on se retrouve au fond du trou : la sexualité, amie fidèle pour s’extirper de son oppressant quotidien. Ce besoin de se confier pour ensuite oublier sa vie dans un coït médicamenteux. Un air léger, des percussions, des rythmes sensuels et des claviers nous dévoilent l’intimité de cette chambre d’hôtel.

Les textes de cet album sont toujours assez sombres, bien que beaucoup moins oppressants que dans «Dernières balises avant mutation». Nous sommes face à un homme qui cherche le moyen de se sortir de sa situation, nous le sentons moins pessimiste. Mais évoquer le bonheur lui parait encore une chose étrangère au vu de ses textes chargés de mélancolie, de plaisir facile, du désir de drogue.

Des musiques moins sombres s’enchaînent avec quelques touches mélancoliques suspendues aux cordes d’une guitare. Un orgue discret fait son apparition sur plusieurs morceaux apportant de la fraîcheur et de la légèreté ; nous voici à nouveau face à un changement musical. Décidément, on nous surprend à chaque album ; même si les textes sont reconnaissables au vu de l’écriture si particulière de Thiéfaine, la musique quant à elle évolue, elle ne stagne pas et ne déçoit pas pour autant. Alors nous restons dans le rock, la pop, la chanson française, mais les instruments utilisés, la façon de jouer, de mettre en avant les textes ne s'opère jamais de manière identique.
Claude Mairet ayant composé les morceaux avec son ami (tout en s’occupant également des arrangements), ceci pourrait expliquer cette nouvelle fraîcheur et cette note positive que nous percevons au son des guitares et des claviers sans pour autant intégrer des sonorités folk comme dans les premiers albums. Les deux derniers marquent définitivement une rupture avec les membres du groupe Machin et avec Tony Carbonare..

Voici un très bon album, soigné, aux textes touchants. Sans doute plus parlant pour la majorité, faisant bien souvent référence à des moments de nos vies. Un bon album où trouver de la profondeur et une écoute durant laquelle on se voit régulièrement accompagner au chant un Hubert-Félix Thiéfaine toujours aussi convainquant.