Mariusz Duda n’a pas fini de nous surprendre. Et toutes les bonnes surprises méritent patience. Après un très expérimental «
Anno Domini High Definition », on pouvait s’attendre à tout de sa part. Peut-être pas à ce qu’il reprenne de bonnes vieilles formules des années 70. Remarquez, ce n’est pas le premier groupe de metal progressif à rompre à cette mode du retour aux années peace and love. « Opeth » s’était déjà converti au vieux rock psychédélique en 2011 avec son album « Heritage ». Là ce serait au tour des polonais de «
Riverside » de suivre la tendance. Les passerelles entre « Opeth » et «
Riverside » auraient tendance à se multiplier quand on sait que l’illustrateur
Travis Smith est un familier de ces deux formations. L’auteur de la couverture de l’album « Heritage », qui a été à l’origine de maintes controverses, signe un dessin tout aussi étrange et intéressant pour le cinquième opus de «
Riverside ». Quatre années séparent « A.D.H.D » de ce «
Shrine of New Generation Slaves ». On fait pourtant un bon de près de 40 ans en arrière entre les deux.
Ce retour dans le passé ne se fait cependant pas dans l’immédiat. Il faudra attendre l’action des coups de semonces de guitare foudroyants et le chant limpide de Mariusz qui débutent « New Generation Slave », pour faire cette rencontre inédite. C’est peu avant la moitié de piste qu’elle se produit. L’orgue Hammond s’égosille alors. «
Riverside » opère un changement psychédélique à la manière d’un vieux «
Deep Purple ». Ce vieillissement soudain gagne même la guitare de Piotr. La dimension années 70 se s’avère être convaincante dans la musique des polonais. Ils savent vraisemblablement la manier et même la coupler à leur metal progressif plus familier. Et c’est parfois par une composition plus simple et aérée comme semble le prouver un assez pop rock « Feel Like Falling ». Les riffs y sont directs, persistants, dans une fibre groove même. « Coda » reprend d’ailleurs les airs de « Feel Llike Falling » mais sous la forme d’une courte ballade éthérée. Tout est fait pour que chacun se sente à l’aise dans cette nouvelle formule.
Le mélange entre les différentes époques va atteindre son paroxysme sur l’alambiqué « Escalator Shrine ». On y croise de nouveau «
Deep Purple » durant la cinquième minute du morceau, faisant suite à une ambiance feutrée et bluesy. Le groupe s’amuse à monter et à descendre la température, l’éclaircie succède à la pénombre. Ils oseront même jusqu’à utiliser une orchestration pour clôturer le titre en beauté. Le réglage va rester bloquer sur « chaleur caniculaire » sur le très seventies «
Celebrity Touch ». Les riffs y sont particulièrement acérés. La nervosité est palpable également dans le chant. Nous nous échapperons de cette ambiance old school par un passage contemplatif lors du dernier tiers piste. «
Riverside » paraitrait curieusement apaisé, plus humain. L’intervention de ces sons puisés dans le temps pourrait gêner certains amateurs de la formation. On pourra reprocher un manque d’imagination et d’originalité. Ce qui est une accusation grave en matière de rock ou de metal progressf, bien que l’on observe, qu’avant, les polonais suivaient très amoureusement les compositions de
Steven Wilson. Cela dit, hormis cette inclinaison de mode à la musique de papy, rien de fâcheux pour la troupe de Mariusz Duda. La musique y est à la fois délicieuse et prenante.
Il sera question du «
Riverside » à la «
Porcupine Tree » que l’on connait bien, sur quelques titres. Une manière en soit d’équilibrer le volume face à la chaleur dégagée par certains bons morceaux. « The Depth of Self-Delusion » nous remet à l’esprit les premiers efforts du groupe, par ses tendres palpitations, par ses airs souples et fortement mélancoliques. La voix du leader y est à la fois élégante et subtile. Niveau douceur, « We Got Used to Us » va en remettre une couche. C’est au tour du piano de reproduire l’oasis de fraicheur nécessaire pour se désaltérer. Ses notes donnent la mesure au raffinement et la pesanteur est intrinsèque à « We Got Used to Us ». Le candide instrument nous protège, il prend soin de nous durant ce cheminement flou et solitaire. Il sera question de la solitude, celle que l’on rencontre au quotidien, celle d’un homme en rendez-vous avec ses propres désillusions, sur « Deprived ». Morceau étiré, dépressif, nous donnant la sensation de flotter, de suivre lentement un courant. Un désespoir qui souffre parfois de longueurs. Heureusement un saxophone ira nous sortir de notre torpeur dans sa dernière minute. Nous nous sommes assoupis. Il est l’heure de se préparer pour sortir affronter les rouages de la vie moderne.
Le public n’est pas venu nombreux pour assister à la prestation offerte par le groupe au Hellfest cette année. Dommage ! Vous avez manqué quelque chose. De même, on ne se presse pas pour ce cinquième ouvrage de «
Riverside », formation considérée comme une des valeurs sures du label progressif InsideOut. Vous manquerez quelque chose également. «
Shrine of New Generation Slaves » a de quoi déstabiliser les fans de la première heure, mais aussi ceux qui n’avaient juré que sur le très élaboré « A.D.H.D », sans pour autant les brimer. Retour à la période des coupes afro et aux pattes d’éph. L’orgue Hammond est venu jouer les troublions dans les pensées si pessimistes de monsieur Duda. On reproche à notre quotidien d’être monotone, il est pourtant riche d’événements. On ne prend tout simplement pas le temps d’y faire attention. Dans notre quête insoluble au bonheur, il est important de se contenter de tout.
15/20
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