Après
Foxtrot qui a accentué les espoirs placés en
Genesis, le moment était venu pour la bande à Gabriel de se placer une fois pour toutes parmi les légendes du rock, et c’est justement l’année de Dark Side of the Moon de
Pink Floyd que
Genesis décide de prendre une telle ampleur. De
Trespass à
Foxtrot, on baignait dans un prog rock old school façon
King Crimson, mais cette fois le groupe a élargi son domaine, en incluant à la fois des influences néo-classiques et un matériel de synthétiseurs très moderne. Cela donne
Selling England by the Pound, on retrouve certaine thématique des albums précédents (surtout Get 'Em Out by Friday qui semble être un précurseur de l’album), des titres miraculeux et une structure habile, en bref l’album prog idéal.
L’album repose sur 4 gros morceaux, agrémentés de 2 titres plus courts, un intermède instrumental et une conclusion. Le premier acte est Dancing with the Moonlit Knight, qui commence avec la voix de
Peter Gabriel a capella, puis vient la guitare de Hackett, assez bluesy (!!?) et on entre progressivement dans l’univers de l’album, avec un passage épique dans lequel la voix de Gabriel est plus théatrâle que jamais, puis un étonnant passage où le riff et le solo de guitare rappellent fortement le heavy metal à la Malmsteen, le tout servi par une batterie d’un Collins qui martelle ses fûts comme un taré, et ça nous donne le moment le plus metallique de toute l’histoire de
Genesis, sans oublier que les choeurs qui viennent ensuite confirment cette impression. Malgré ces passages plus « puissants », d’autres passages plus mélodiques d’orgue confirment la grande maîtrise et la qualité de ce premier acte. Arrive ensuite
I Know What I Like (in Your Wardrobe), qui deviendra un standard en live, plus simple mais néanmoins de grande qualité. Le deuxième acte, Firth of Fifth, est probablement LA chanson de l’album, intro au piano à la technique invraisemblable, passage lent chanté par un Gabriel toujours aussi transcendant, puis le passage intru, quelle claque, entre les synthés qui donnent l’impression d’une grande modernité et les passages baroques à la flute ou à l’orgue qui nous replongent 3 siècles en arrière, sans oublier le solo de Hackett à la Gilmour, quel génie, quelle technique et quel sens de la mélodie et de la construction, ce titre est tout simplement renversant.
More Fool Me est plus pop et vient contrebalancer les envolées épiques de Firth of Fifth, un moment de calme très agréable. Troisième acte, The Battle of Epping
Forest, véritable démonstration de batterie de
Phil Collins, avec un synthé digne des années 80 (non péjoratif), très avant-gardiste, un épisme toujours aussi affirmé, et des passages intrigants comme celui où
Peter Gabriel se met à rouler les R à la
Jethro Tull. Un peu à la manière de Horizon’s dans
Foxtrot, After the Ordeal est un intermède instrumental très beau qui annonce le dernier acte de l’album, The Cinema Show, plus déroutant, peu de paroles, à part au début où les airs sont sublimes d’ailleurs, le titre part ensuite dans des univers qui mêlent musique électronique et néo-classique, la structure est moins évidente mais la créativité est impressionnante. La conclusion Aisle of Plenty reprend le début de Dancing with The Moonligt Knight, la boucle est bouclée, et l’impression de construction minutieuse est confirmée.
Selling England by the Pound est donc un album extraordinaire, parfait équilibre entre virtuosité technique et qualité de composition, entre avancée électronique moderne et passages néo-classiques épiques absolument géniaux,
Genesis nous offre là un album qui va au delà des attentes. Le groupe a choisi une autre facette du rock progressif, moins planante que celle de
Pink Floyd, avec la présence d’instruments variés (comme la flute) qui en font un album d’une richesse sonore incroyable. L’influence qu’a eu cet album est très éparse, power metal, electro, expérimental, neo prog, tout style à velléités créatives s’est plus ou moins inspiré de certaines fulgurances de cet album, car à ce niveau on ne peut même plus parler de genre, on parle seulement de grande musique.
Le titre le plus interessant étant "the cinema show".
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