En 1970,
Paul McCartney annonce, à peu près au moment de la sortie de son premier album solo (McCartney et sa pochette aux cerises, et ses "Junk" et "Maybe I'm Amazed"), dans un communiqué de presse en forme de questions/réponses (c'est lui qui faisait les deux, et pas un journaliste), qu'il quittait les Beatles, que les Beatles, c'était aussi mort qu'un poisson échoué sur la grêve, que le jour où il serait surpris à rejouer avec les Beatles il pleuvrait de la merde de cachalot sur le Kentucky et en Irlande du Nord. C'est imagé, hein, et vous pensez bien qu'il ne l'a pas dit comme ça (à la question 'les Beatles rejoueront-ils ensemble un jour ?', il répondait d'un 'NON' sec et en majuscules). A ce moment-là, donc, son premier opus solo sort. Mal accueilli par la presse, mais un beau succès commercial. La même année, Ringo, Harrison et Lennon, dans cet ordre, publient aussi leurs albums solo, et le jeu, pour un fan du groupe, est alors de se constituer un album des Beatles virtuel en prenant le meilleur de chaque disque solo (pour le Lennon et le Harrison, c'est difficile, leurs albums étant si réussis...). La même année, évidemment, sort Let It Be, ultime disque des Beatles, enregistré avant Abbey Road (1969) cependant.
The dream is over. En 1969, beaucoup ne voulaient pas y croire ; en 1970, tout le monde a accepté, bon gré mal gré, le fait accompli.
En 1971, Macca sort Ram, son deuxième opus solo, enregistré avec sa femme Linda (officiellement créditée à ses côtés ; on y a vu une pique au couple Lennon/Ono, et de son côté, Lennon se foutra de la gueule de Macca en reprenant, en la parodiant, la pochette de Ram pour une photo de son Imagine de la même année : on remplace le bélier par un gros porc...en 1971, la subtilité et Lennon, ça faisait 48). Encore une fois, le disque est mal accueilli par la presse, et même Ringo dira ne pas aimer (bah alors, Ringo ?). Commercialement, Ram, moins évident que McCartney mais totalement réussi, marchera fort, y compris aux USA. Il sort en mai.
En août, Paul et Linda décident de poursuivre l'expérience solo par la création d'un groupe : les
Wings. Linda s'occupe des claviers et choeurs, Paul du chant, de la basse, d'un peu de guitare et de claviers ; ils engagent Denny Laine (guitare, basse, claviers, percussions, choeurs) et Denny Seiwell (batterie, percussions), et ça y est, les
Wings sont formés. Ils enregistrent
Wild Life, leur premier opus, qui sort en décembre. Peu de succès, en partie parce que Macca est moyennement visible sur la pochette (une pochete à la
John Lennon/Plastic Ono Band, très forestière) et qu'il n'est pas crédité (l'album est crédité aux
Wings, tout simplement ; évidemment, Macca est indiqué comme membre et auteur/compositeur, au dos, mais...). Aussi, l'album est bon, mais pas extraordinaire (il offre "Bip Bop", dont le riff de guitare acoustique sera repris par Souchon et Voulzy pour "J'Ai Dix Ans"). Mais c'est surtout le fait que les gens ne savaient pas vraiment que c'était un groupe dirigé par Macca, qui a fait que
Wild Life n'a pas marché, et pour l'album suivant, Macca retiendra la leçon. L'album suivant, enregistré en 1972 (entre mars et octobre, en plusieurs périodes) et sorti en mai 1973 (un mois plus tôt aux USA), c'est
Red Rose Speedway, ce disque. On voit bien, sur la pochette, que Macca a pigé la leçon : le disque est, sur la tranche, crédité aux
Wings, mais sur la première page du livret intérieur (photos, crédits et, au dos, paroles), c'est crédité à
Paul McCartney &
Wings. Et surtout, Macca apparait en gros plan sur la pochette, regard éberlué et rose rouge dans la bouche, devant une belle bécane (une sorte de rébus pour le titre de l'album, non ?). L'album sera, une première pour un album solo de Macca (en vrai solo ou avec les
Wings), bien accueilli par la presse, et sera, et là ce n'est pas une première, un succès commercial. Il offre 41 magnifiques minutes de son pop/rock bien balancé, les
Wings accueillent un nouveau-venu (Henry McCullough à la guitare, choeurs et percussions), on a Hugh McCracken et David Spinozza (guitare, pour les deux) en guests sur certains titres...
L'album (qui offre, au verso de pochette vinyle, en haut à gauche, un court message en braille : We love ya, baby, dédié à Stevie Wonder) aligne des merveilles, des classiques : "Big Barn Bed", "
My Love", "Little Lamb Dragonfly". "
My Love", qui parle de Linda, sera un succès. Deux chansons sont issues des sessions de Ram ("Little Lamb Dragonfly", chanson parlant d'un des moutons de la ferme McCartney, et qui sortira en single, "Get On The Right Thing"). Au su
Jet de Ram, encore, signalons qu'à la fin de "Ram On (Reprise)", sur ce disque de 1971, on entendait vaguement des bribes du début du futur "Big Barn Bed" ! Et que Spinozza et McCracken jouaient sur Ram, de même que Denny Seiwell...
Mais revenons à
Red Rose Speedway. L'album, il faut le savoir, devait être double, à la base. Il existe même des acétates (disques de cire, premiers
Jets, très fragiles et généralement destinés à un usage interne au sein des studios et compagnies de disques) le prouvant, ainsi qu'un tracklisting différent de celui de l'album définitif (qui offre 9 titres). A la base, 17 titres étaient prévus, pas mal des laissés-pour-compte ne sortiront pas, certaines sortiront en faces B de singles, et sur les 9 titres de l'album définitif, 8 se trouvaient dessus (pas de présence des titres du "Medley" final). Au final, Macca décidera de faire un disque simple. Afin de rajouter du matos aux 8 titres conservés, il rajoute un "Medley" final de 11 minutes, incluant 4 morceaux, aucun de ces morceaux n'aurait fait partie du double album si ce dernier avait été l'album définitif. Ce "Medley" final fait un peu penser à celui d'Abbey Road, en plus court, et est vraiment réussi, même si le premier titre, "Hold Me Tight", est sincèrement répétitif à outrance, au point d'en être insupportable parfois. Pour le reste, c'est efficace ("Power Cut", "Lazy Dynamite"...), au même titre que le reste de l'album : "Loup (1st Indian On The Moon)" est un instrumental à la
Pink Floyd, qui se prolonge d'ailleurs sur le début du "Medley" (il se trouve juste avant), Single Pigeon est amusant et attachant, "One More
Kiss" de même, "Get On The Right Thing" est bien rock, "When The Night" est délicieusement kitsch, avec ces contrepoints vocaux de Linda...
Au final,
Red Rose Speedway est une réussite absolue des
Wings, un disque qui semble annoncer le futur
Band on the Run qui sortira dans la seconde moitié de 1973 (une fois
Red Rose Speedway sorti, les
Wings, qui perdent Seiwell et McCullough entre temps pour des raisons financières, se barrent vers le Nigéria, à Lagos, pour enregistrer leur nouvel album) et sera un carton (et le meilleur album des
Wings ; et sans doute le sommet de la carrière solo de Macca, tout compris ; et mon préféré de lui). Puis, il y aura
Venus and Mars en 1975, autre carton, et clairement, les
Wings seront envolés bien haut. Ce disque de 1973, ce
Red Rose Speedway, est important pour eux, car il est la jonction entre un début de carrière (je parle des
Wings) difficile et le futur succès mondial de
Band on the Run et
Venus and Mars. Un disque qui lance la machinerie. Un disque remarquable qui, j'ai le regret de le dire, est à l'heure actuelle, comme l'ensemble (
Band on the Run excepté, il est en CD réédité depuis 2010) des albums des
Wings, quasiment introuvable, sauf en vinyle d'occasion. Ou alors, dans son ancienne édition CD, mais dans ce cas, à quel prix ! Apparemment,
Venus and Mars,
Wings At the Speed of Sound (1976) et
Wings Over America (live de 1976, triple à sa sortie) devraient être réédités en CD dans les mois (ou années ?) à venir, mais pour
Wild Life et
Red Rose Speedway, à l'heure actuelle, rien ne filtre et n'est prévu. Procurez-vous le vinyle, donc ! Consolation : si vous aimez I-Tunes, sachez que le disque est téléchargeable sur ce site payant ! Privilégiez le vinyle, quand même...
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