Au milieu des années 90, en plein triomphe de la Britpop dont l'un des plus grands représentants est le groupe
Oasis, apparaît dans le paysage musical une sorte d'OVNI. Composé de Brian Molko, Stefan Olsdal et de Robert Schultzberg,
Placebo vient, avec son album du même nom, de poser la première pierre d'une carrière qui dure jusqu'à aujourd'hui avec "
Loud Like Love", dernier album en date sorti en septembre 2013, et dont le succès ne s'est jamais démenti au fil des années.
Petite analyse du succès de cet album qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs:
Une des forces de cet opus est sa musique relativement simple, exécutée en majorité par le trio guitare, basse et batterie, qui donne une impression d'aller à l'essentiel sans fioritures inutiles tout en donnant un caractère authentique, voire "artisanal" aux chansons. Ensuite, si certains groupes réalisent parfois plusieurs albums avant de trouver véritablement leur créneau, ce n'est pas le cas de
Placebo qui, dès son premier opus, a trouvé sa ligne directrice, à savoir mélancolie, rage, sans oublier la célèbre trilogie sex, drugs and rock'n'roll. On ne pourrait pas parler de
Placebo sans évoquer la voix si particulière de son chanteur, un brin nasillarde, et dont on ne sait pas trop s'il s'agit d'un homme ou d'une femme à la première écoute. Et enfin, une attitude un peu provocante des membres du groupe et un sens maîtrisé du scandale (qui tend à s'effacer aujourd'hui) ont achevé de faire leur renommée.
Le disque est constitué de dix chansons et d'un instrumental caché à la fin de la dernière piste. Dès "Come Home" qui ouvre l'album (le titre était sorti en single auparavant mais il était passé inaperçu) le ton est donné : il sera placé sous le signe de la rage avec son intro martelée à la batterie et ses riffs de guitares. L'album se poursuit avec une succession de titres dont certains sont punchy comme "36 Degrees", avec sa série de chiffres mystérieux, la voix perçante de son chanteur et son riff de guitare imparable ou encore "Bruise
Pristine" et sa batterie martelante, ainsi que ses paroles fatalistes ("Bruise
Pristine, Sereine, We were born to lose"). D'autres, sont plus apparentés à la ballade, c'est le cas de "Hang On To Your IQ" avec ses percussions douces et la voix plus apaisée de Brian, (mais attention, il ne faut pas se fier aux airs faussement gentils de cette chanson qui cache plein de petites allusions d'ordre plutôt grivois), de "Lady Of The Flowers" ou encore de "I Know" toujours empreint de fatalisme.
Bien que d’apparence très classique, l’album se distingue par l’utilisation, sur certains titres, d’instruments peu courants dans ce genre de musique, à savoir du xylophone sur « Hang On To Your IQ », mais aussi du didgeridoo sur « I Know ». Reste aussi quelques chansons pour le moins étranges comme "Bionic" qui inaugure un style de chanson récurrent chez
Placebo : celui du mantra, à savoir un couplet qui est répété à l'infini, sans variation sur une musique tournant en boucle de la même manière renforçant ici le côté robotique, mais pouvant renforcer un effet de prière dans des chansons comme plus tard "
Taste in Men" ou "English Summer Rain". L'autre morceau déroutant est "Swallow", dernière piste avant le morceaux caché "H.K Farewell". Une musique discrète qui tourne en boucle, la voix de Brian qui parle au lieu de chanter et qui semble passer au travers d'un téléphone, accolée à des paroles plus ou moins obscures avec des phrases incomplètes dont je ne me risquerai pas à donner mon interprétation.
Très efficace, l’album contient déjà quelques morceaux mythiques pour les fans, qu'il s'agisse de "36 Degrees", "Bruise
Pristine" ou encore du sulfureux "Nancy Boy", que le groupe est encore parfois "obligé" de jouer pour faire plaisir aux fans, et qui doit sans doute son succès à son parfum de scandale ainsi qu'à sa musique grinçante et saturée. Évidemment, on peut trouver quelques points noirs à cet opus, notamment le fait que la palette vocale de Brian soit plus stridente, moins développée qu’aujourd’hui et que la musique puisse paraître un peu plus dépouillée que dans les prochains albums, mais qu’importe : le résultat est prometteur et annonce la suite d’une carrière qui va durer.
Epuré, spontané et efficace, "
Placebo" dispose d'une base solide et cohérente qui se distingue des futurs opus par la quasi absence d'éléments électro qui seront beaucoup plus présents à l'avenir. On peut noter aussi que c'est le seul album avec le batteur Robert Schultzberg, bientôt remplacé par Steve Hewitt (qui apparaît dans le clip de "Nancy Boy" mais avec le visage flouté parce qu'il était sous contrat avec une autre maison de disque à ce moment-là) pour cause d'incompatibilité de caractère avec Brian. Quoi qu'il en soit, le groupe est lancé et rien ne pourra plus l'arrêter. Plus d'une décennie plus tard,
Placebo est encore là, peut-être un peu assagi, mais toujours aussi rageur et romantique.
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