Midnight Oil maintient son rythme de croisière quant à sa productivité, à savoir 1 album par an, et nous livre donc en cette année 1981 son nouvel opus, le dénommé
Place Without a Postcard. Cet album se démarque pour plusieurs raisons. En effet, c’est la première fois que le groupe enregistre hors d’Australie avec, en plus, un producteur de renom, Glyn Johns qui a travaillé avec les plus grands (Beatles, Stones, Who,
Led Zeppelin…). Le groupe rompt avec le noir de rigueur pour les précédentes pochettes. Le line-up est pour la première fois modifié avec l’arrivée d’un nouveau bassiste en la personne de Peter Gifford, à la solide réputation. On peut encore noter une participation collégiale quant au travail de composition, on verra que, plus tard sur ce point, le duo Hirst – Moginie prendra l’ascendant. Enfin, cet album est le dernier de la première période du groupe.
Cet album, sur le plan musical, est une continuité des précédentes productions, il n’y a pas vraiment de rupture comme on en connaitra plus tard. En effet, le groupe, maintient le cap d‘un rock puissant et énergique. Ne croyez pas qu’il s’agit d’un vulgaire copié – collé des productions précédentes. Que nenni. Ca serait faire injure au talent de nos cinq musiciens qui savent parfaitement se renouveler. Qui plus est, on aurait bien tort de leur reprocher de poursuivre sur cette voie car à l’écoute de cet album, ils avaient encore des choses intéressantes à nous dire et leur recette musicale est plus que jamais au point. Les titres, à la construction variée et intelligente, sont tous excellents et s’enchainent parfaitement bien. Les paroles sont, quant à elles, toujours engagées et s’adressent notamment aux australiens et leur mode de vie, à l’Australie sans oublier quelques piques sur le business musical.
Chez
Midnight Oil, chaque album a une identité sonore bien à lui et là on sent un gros travail notamment au niveau des guitares. Entre sons claires, distordus, saturations, une petite pincée de guitare acoustique, les sonorités sont multiples et plus diverses que sur les précédents albums. La basse de Peter Gifford est bien mise à l’honneur, parfaitement audible, ce qui est très appréciable. C’est, d’ailleurs, l’une des particularités du groupe qui n’a jamais relégué la basse au second plan en lui réservant toujours un rôle important. Rob Hirst, le batteur, fait montre de tout son talent, son jeu à la fois explosif, dynamique mais toujours subtil fait merveille sur l’ensemble des titres. Enfin, Peter Garrett est toujours égal à lui-même avec son chant plein de foi qui habite chacune des chansons.
D’entrée, le groupe prend l’auditeur à la gorge pour ne plus le lâcher avec un «Dont’ Wanna Be the One» énergique et atypique par rapport aux autres compos car les claviers, plutôt discrets jusqu’à présent notamment sur les deux précédents albums, sont cette fois très présents et disputent la primauté aux guitares. Avec ce titre accrocheur en diable, le groupe n’a plus qu’à dérouler par la suite et c’est ce qu’il fait. S’ensuit «Braves Faces» à la construction astucieuse passant par de multiples chemins pour déboucher sur un final complètement noisy (quand je disais que
Midnight Oil était un peu précurseur du noisy rock…). On poursuit avec «Armistice Day», assez lente, une basse puissante et menaçante sur laquelle se pose un chant incantatoire. Afin de maintenir l’emprise sur l’auditeur, le groupe nous envoie ensuite une salve de trois chansons ultra efficaces et aux rythmes enlevés. Pour ma part, j’aime beaucoup le traitement du deuxième couplet de «Someone Else to Blame» et les instruments qui arrivent ensuite par couches successives. J’apprécie également l’intro tranquille de «Basement Flat» qui laisse la place ensuite à un déferlement sonore. Le traditionnel harmonica n’est pas oublié sur «Written in the
Heart». Le groupe revient à des tempos plus lents pour nous livrer l’une de ses plus belles chansons. «Burnie» est tout en tension palpable, en puissance contenue mais qu’on sent prête à exploser à chaque instant, entre guitares déchirantes et propos d’une conviction sans faille teintés d’une pointe de désespoir. Le groupe nous délivre ensuite un tir groupé de quatre chansons durant lesquelles il reprend sa cavalcade. Le duo «Quinella Holyday » et «Loves on Sale» qui pourrait ne faire qu’une chanson ne laisse pas de répit et est mené tambour battant. «If Ned Kelly was King», aux paroles équivoques sur le Robin des Bois australiens et au ton mordant, est à mes yeux la seule composition un peu en deçà. Enfin, «Lucky Country» clôture parfaitement cet album, tant cette chanson en est une quasi synthèse : guitares tranchantes et cinglantes, basse omniprésente, batterie inspirée, chant possédé, tout y est.
Cet album fait la démonstration de tout le savoir-faire de nos cinq musiciens et de leur originalité dans le monde du Rock. Leur musique et leur démarche ne ressemblent à aucunes autres, d’où le fait qu’ils ont souvent été en marge et difficiles à classer. On n’est jamais tenté de dire que tel morceau nous fait penser à tel groupe. La formation arrive donc à une complète maturité et est tout a fait prête pour s’élancer vers d’autres territoires musicaux. Encore une fois, les amateurs d’un rock adulte et sans concession pourront prêter une oreille plus qu’attentive afin de redécouvrir ce groupe.
Midnight Oil, sur bien des points, n’a jamais rien eu à envier à bien des groupes renommés.
J'ai soumis la chronique de Dr Feelgood pour Down At The Doctors dernier de Lee Brilleaux.
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