Côté instruments, honneur à la guitare électrique dès les premiers accords, vite rejoints par les autres contributions, y compris le clavier, qui aurait vocation à tempérer, bien que le son reste lourd comme on l’aime. Côté voix,
Patti Smith laisse couler lentement la mélodie, et le feu intérieur brûle toujours. Côté paroles, on ne peut pas dire que ce soit la fête, et il n’y a pas lieu de s’en plaindre, car l’ambiguïté, l’évocation conjointe de la dépression et de l’espoir intriguent dans le bon sens, donnent envie de creuser un texte qui résiste à la première lecture et laisse à chacun le soin d’en tirer ses propres conclusions : « If you believe all your hope is gone down the drain of your humankind, the time has arrived, you'll be waiting here as I was ». Voilà ce que l’on peut dire, en gros, de « Waiting Underground ».
Prenant sa suite, « Whirl Away » donne un exemple de reggae en mode grisaille. Plus rock, «
1959 » nous invite à être attentifs aux quelques apparitions, en finesse, de la guitare acoustique. « Spell » s’intéresse davantage à la poésie, quelque part entre la création musicale et la lecture littéraire, mais naturellement, sans trop en faire. C’est plutôt l’ambiance de ronde nocturne, rituelle, qui en ressort, ainsi que les quelques notes de clarinette jazz que l’on doit à la chanteuse elle-même. « Don’t Say
Nothing », à la fois triste et dansant, mélange inspiration soul et rythme saccadé. On croit parfois se souvenir de « Let’s Stay Together » d’Al Green, en plus pessimiste.
Si l’on cherchait davantage de distorsion, on attendrait « Dead
City ». Car, disons-le simplement, avec un titre d’album comme «
Peace and Noise »,
Patti Smith aurait pu faire beaucoup plus de bruit. « Blue Poles » et la guitare folk s’enfoncent un peu plus dans la désolation, réconfortés par l’harmonica du batteur Jay Dee Daugherty. «
Death Singing » n’en finit décidément pas de regarder tomber la pluie, aux abords d’un son plus garage.
« Memento Mori » veut revenir aux longs développements caractérisant les titres de gloire des années 1970, mais la même retenue dont on parlait plus haut complique les choses. Les paroles prennent trop d’importance par rapport à la guitare électrique, toujours en retrait, contrairement à ce que le début de l’album pouvait laisser penser. Seules les deux dernières minutes se réveillent, et
Patti Smith redevient modérément punk le temps d’une conclusion qui, avouons-le, se faisait attendre. Quant à « Last Call », même si cette chanson est quand même agréable, ce n’est pas ce qu’elle a fait de mieux dans une veine plus dylanesque.
Les points forts de ce disque : son homogénéité, son style noir de café. Ses points faibles : les mélodies sous-exploitées (autant que les instruments), une guitare électrique finalement trop timide. Le verdict final : maîtrisé mais relativement anecdotique, comparé à «
Gone Again ». Dans les années 1990,
PJ Harvey a pris la relève, ce que
Patti Smith a d’ailleurs bien accepté : pour avoir elle-même contribué au renouvellement du rock, elle a toujours su que le temps viendrait où d’autres à sa place se saisiraient du flambeau de la créativité.
D. H. T.
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