Après une longue dégringolade dans le top 50 français dès les années 90,
Indochine s'est vu maintes fois menacé de dissolution totale: de la formation initiale il ne restait plus que les frères Sirkis, Nicola et Stéphane, assistés par le bassiste Marc Eliard, le guitariste Boris Jardel et le claviériste Oli de Sat fraîchement débarqués. Puis le 24 février 1999 Stéphane tira sa révérence, achevé par une hépatite, et Nicola se retrouva seul au commande de l'album "Danceteria", pas un must mais juste ce qu'il fallait à la formation pour décider de poursuivre l'aventure...
2001 nous offrait un live à guichet fermé, "
Nuits Intimes" où les meilleurs morceaux du groupe étaient joués unplugged et symphoniques, où quelques nouveautés apparaissaient dans une atmosphère certes intime mais aussi plongée dans le recueillement. L'année suivante marquera la fin du déclin et un souffle musical nouveau du groupe.
"
Paradize", un titre qu'il faut comprendre comme une exploration des thèmes chers de Sirkis (sexe, les émois et difficultés de l'adolescence, la religion et nouveauté la mort de Stéphane). L'ambiance de cet album est par moment scintillante, lumineuse ("Electrastar", "
Paradize", "
Punker") avant de sombrer dans une atmosphère plus tranquille, baudelairienne, sombre et torturée ("La Nuit des Fées", "Le Manoir", "Dark").
la chanson éponyme "
Paradize" débute sur une ligne de basse trottante agrémentée de distorsions et de grands coups de synthé,
Nico posant une voix juste et calibrée, passant avec aisance du ténor au mezzosoprano comme une guitare du clean à l'overdrive. On retrouve un
Indochine plus mûr, moins enfantin, qui se veut grave mais insouciant à la fois.
"Electrastar" est emplie de bips électroniques origaux avant de nous captiver avec un riff envoûtant, musique légère hantée par une pointe de regret et de mélancolie ("Je voudrais te revoir, briller l'électrastar, j'ai envie de te voir, et cracher sur la gloire...") pour ce frère que
Nico a perdu. On compatit devant ce bel hommage.
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Punker" débute avec un célèbre air viêtnamien en sample, puis c'est le riff frénétique et accrocheur qui donne déjà le ton du morceau, aux paroles subversives et crues, appuyé par les claviers de Oli de Sat, un morceau comète qui a sa place pour démarquer le beau du sublime.
Sublime caractérisé par "Mao Boy" et le fameux "J'ai demandé à la Lune".
Le premier commence avec un bel ensemble de violons suivi par des riffs en montagnes russes et une rythmique bien rock.
Nico retrouve sa voix d'éternel adolescent, claire et cristalline pendant qu'Oli enrobe le tout avec un son de piano électrique enchanteur.
"J'ai demandé à la Lune", pourquoi développer sur ce titre passé en boucle sur RTL2 que tout le monde a entendu au moins une fois dans l'hexagone ? une ballade calme et bien écrite, très proche de l'univers du groupe bien qu'issue de l'imagination de Mickaël Furnon (
Mickey 3D) !
"Dunkerque" est plus progressive, tapageuse et étrange. L'électro sature le morceau dans le bon sens, nous donne l'impression d'écouter des sirènes de ports modulées et passées à l'envers-à l'endroit (en fait du trombone).
Nico module de même sa voix, entre celle que nous connaissons le plus et une autre sur une plage de basse qui réhausse la sensualité dégagée par cette composition.
Le très distordu "Like A Monster" est un pamphlet vraiment satyrique des sectes.
Nico impressionne avec sa voix de gourou hypnotisante, rassurante et trop mielleuse pour nous faire tomber dans le panneau. Les paroles idéalistes et hédonistes refluent des vapeurs empoisonnées saveur vitriol. Les claviers sont plutôt mis en avant, la guitare offrant simplement un petit accompagnement mélodique sympa.
Ahhh, "Le Grand Secret"... une intro distorsion (décidemment^^) à vous faire fondre, un synthé qui balance ses nappes planantes, un fondu qui débouche sur un piano où il faut, quand il faut. Et là, surprise ! une voix féminine douce et apaisante attaque lentement le morceau. L'invitée guest-star ici, c'est
Melissa Auf Der Maur, artiste québécquoise et ex-bassiste de Hole (le groupe de Courtney Love) et des Smashing Pumpkins (rien que ça !), qui officie au chant et à son instrument de prédilection. Nico ajuste sa voix d'adulte pour ne pas créer de décalage dans ce titre au grand potentiel; si vous aimez les slows langoureux et Indochine, vous avez trouvé le bon compromis.
"La Nuit Des Fées" contraste avec la chaleur de la piste précédente, de par son aspect glacial et angoissant. La guitare revient sur le devant de la scène. Les paroles parlent d'elles-même là encore, sur la peur de vieillir et de la mort, de l'infantilisation jusqu'au-boutiste. Un morceau torturé mais séduisant.
"Marilyn", question drums, là je dis chapeau ! Une rythmique puissante et très heavy metal mêlée à des guitares et des textes évoquant le glam rock, parlant du désir amoureux intense, guidé par la voix amplifiée de Nico et un refrain récurrent qui résume le thème de la chanson "Nous on veut vivre, encore plus fort". Eh bien si cette chanson vous plaît, vous vibrerez d'autant plus.
"Le Manoir" nous donne l'impression d'entrer dans l'intimité de deux tourteraux d'un poème torturé de Baudelaire. Un "Roméo et Juliette" passionné et violent, accompagné par une mélodie habilement jouée. La guitare se veut plus nette, moins distordue, la basse est plus marquée, et les claviers nous livrent de petits tintillements succédés par des nappes oniriques. RAS sur ce morceau sonnant avec authenticité Indochine.
"Popstitute" est effrénée et menée par une guitare qui embraye de manière cavalière. Nico inaugure comme il le fera sur "Pink Flowers" de l'album "Alice et June" le passage français/anglais avec des textes qui prônent l'indépendance et la vie à 300 à l'heure ("juste envie d'aller faire un tour en enfer, we want to be alive..."). Un refrain qui finira peut-être par agacer au bout d'un moment, mais l'instru mène bien la danse.
"Dark" fait songer à une messe noire dans laquelle Nico souhaiterait apparement faire son mea culpa sur la période "Wax" quand il était encore avec son frère et Dominique Nicolas. Les textes sont meilleurs que la musique en elle-même, un peu redondante, mais cependant essentielle pour que l'on capte le sens même de cette ballade aussi noire que du côte d'or 98%.
"Comateen" nous attire avec son clavier et sa basse cinglants et obsédants, introduisant doucement les paroles recherchées de Sirkis, dont la voix est soumise à une réverbération ajoutant de la profondeur à cet hymne par la suite plein d'espoir et de foi sur l'importance de la vie et de la liberté de nos choix. Révolté, affirmé, un titre séduisant au demeurant.
Et puis le final avec une chanson écrite par Jean-Louis Murat, toujours éclectique, "Un Singe en Hiver" (tirée du film éponyme ?) est le seul morceau où le piano est l'unique instrument mis en valeur. Dur de traiter ce morceau, dans la mesure ou chacun l'interprète à sa sauce. Mention cependant à l'air entêtant joué au piano, qui apporte un peu de douceur dans l'album.
"Paradize" est vraiment la renaissance tant attendue des fans du groupe. Il achève la trilogie post-glam "Wax-Danceteria-Paradize" avec sa poésie surréaliste à la Rimbaud, son instru alternant entre violence et douceur. c'est un album mature et contrastant totalement avec le son 80's d'Indochine: le début des années 2000 surfait sur la vague de la musique indus et la formation n'y coupe pas (on dit merci Oli de Sat, inspiré par Nine Inch Nails et Marilyn Manson!). Si vous voulez rendre ses lettres de noblesse au mythique groupe français, vous savez quoi faire.
Même si je préfère " Alice et June ", le chef d'œuvre d'Indochine pour moi, cet album est une bombe.
Sublime.
Je vous conseille Paradize, J'Ai Demandé à la Lune, et Like a Monster...
Cela fait 10 ans que j'ai découvert Indochine avec ce cd (j'en ai 17 :) ), et j'aime toujours autant sa ^^ !
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