La musique et en particulier le rock est un art du mouvement qui se vit. Il s’agit bien d’un art « vivant », et pourtant, à la différence du théâtre ou de la danse, le rock depuis sa naissance a besoin d’être « refroidi » et enregistré pour obtenir une reconnaissance et une médiatisation. Comme si on demandait au danseur d’être reconnu, à la seule condition que le plan de sa chorégraphie se vende bien. Et au fond, c’est une des problématiques d’un artiste comme
Jérémie Droulers. Comment nous faire partager un art qu’il a pour une grande part créé en condition live. Ce nouveau disque de Droulers vient à point nommé car il était temps que la musique de cet artiste atypique nous vienne aux oreilles.
En effet, notre bonhomme est un guitariste, auteur compositeur qui a commencé la musique il y a plus de 20 ans, et qui a fait une grande partie de sa carrière au Canada. On pourra sans doute regretter cette longue absence de nos contrées, tant il est capable de nous montrer des qualités dignes des plus grands.
C’est sûr, Droulers n'est pas de ces artistes qui accumulent des enregistrements pour tenter de trouver leur chemin et surtout leur personnalité. Mais c’est encore moins le produit artificiel d’une maison de disques qui cherche d’abord la rentabilité en sortant un opus déjà trop vite abouti et qui sera bien trop rapidement jeté aux oubliettes.
Jérémie Droulers est un artiste authentique, loin des turpitudes du business musical qui a bourlingué plus de 20 ans entre Lille, Montréal et Paris. Il en a fait des bars parfois un peu glauques dans lesquels, les musiciens jouent dans des espaces si petits qu’ils peuvent à peine poser une batterie ou un clavier. Ses compositions, il a eu le temps de les peaufiner, de les travailler, de les tester auprès des publics, parfois pas très attentifs au départ mais qui finissent toujours par se laisser emporter par la musique. C’est une sacrée école pour progresser et pour vivre sa musique. Droulers est d’abord un musicien instinctif et chaleureux qui aime partager avec ses amis et sa famille. Il les a d’ailleurs associés à la conception de cet album. Après donc ces années de joie mais aussi de galère, il était temps pour ce guitariste à la voix cassée de se poser et de nous offrir une démonstration de son savoir et de son expérience.
Le chroniqueur est toujours tenté, surtout lorsqu'il s'agit d’un musicien encore peu connu, d'aller chercher les sources et les inspirations chez les plus grands. Mais si la comparaison permet de mieux identifier le style musical, elle risque d'atténuer la personnalité de l'artiste. Sans déflorer l'analyse des différents titres, on peut annoncer que
Jérémie Droulers est un amateur de rock, et de blues-rock qui ne rejette pas les sonorités plus pop. Mais il nous montre également qu'il est un excellent guitariste, ce qui laisse espérer des représentations live de qualité.
On peut distinguer différentes approches dans cet album : une majorité de titres pop rock dynamiques. Deux morceaux plus folks, où la sensibilité est à fleur de peau. Enfin on croise des moments de « méditation » musicale dont les constructions semblent plus complexes.
Avec What It’s All About qui introduit l’album et qui donne lieu à un très bon clip, le ton est donné. Les corps se déhanchent et les pieds tapent le rythme. On retrouve ce même état d’esprit avec Right
Now qui est cependant plus rock. Les amateurs des années 80 prendront leur pied. L’ambiance rock est également au rendez-vous avec l’excellent Polish Irish Girl, titre qui se trouvait déjà sur l’EP précédent de l’artiste, mais qui ici prend une tout autre dimension. We Will Land est un de mes titres préférés. C’est encore dans les années 80 que l’on est transporté avec ce rock agrémenté de délicieux claviers qui relèvent juste le goût sans l’étouffer et avec des riffs dignes de Téléphone. Quant à Sens of
Love, c’est un titre folk, rythmé par les percussions, comme si les musiciens ne pouvaient pas s’empêcher de nous inviter à danser.
Il y a aussi des moments de douceur dans cet ouvrage.
Spain Spleen au goût Louisianais est une jolie ballade acoustique que l’on prendra plaisir à écouter au bord d’un feu de camp. Quant à cette voix pleine de fragilité, accompagnée au piano sur God Is on My Trail, c’est une invitation à clore en douceur cet opus.
La musique est un fort créateur d’émotions. Il y a celles qui vont directement au cœur : le blues ou les belles ballades en sont un vecteur. Puis il y a les émotions qui passent par la raison et qui peuvent avoir besoin d’un temps de réflexion. Par exemple, l’intro planante de Henry Jones nous guide vers une autre dimension. La voix occupe alors plus d’espace et lorsque le chanteur s’efface, la guitare acoustique, nous balance de jolies pincées de blues. Avec You May Say, le ton est plus grave, la voix plus fragile et les riffs plus lents. Mais l’intervention du clavier et surtout d’un super solo de guitare nous ouvre une porte vers un monde plus éclairé. Enfin, In Your Room est probablement un des moments forts de l’album. Ce morceau savamment construit avec une accélération progressive du rythme, commence à l’acoustique et se transforme en un rock envoûtant où les voix et le clavier s’entremêlent pour donner une formidable composition.
Vous l’avez sûrement déjà compris,
Nowhere fait partie de ces albums rares qui sont capables de vous emporter sur des rythmes excitants et qui dans le même temps, vous révèle de nouvelles facettes, à chaque écoute. C’est vraiment mon coup de cœur du moment…
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