TV On The Radio est un groupe de rock atypique dans le meilleur sens du terme, d’une grande richesse musicale à tous les niveaux, également capable d’ascèse à bon escient, et leur cinquième album «
Nine Types of Light » en offre un exemple particulièrement abouti. Compte tenu de cette richesse, justement, et du fait que tous ses membres sont multi-instrumentistes, il importe de s’intéresser à ce que chacun donne au projet pour bien en apprécier toutes les nuances.
Tunde Adebimpe, le chanteur principal, s’est imposé comme un touche-à -tout accompli : également dessinateur et acteur, il aime, dans la musique, les synthétiseurs et les boucles sonores. Ayant collaboré avec d’autres groupes, on l’entend fredonner et murmurer, de sa voix grave, entre les soubresauts rythmiques du titre « Dragon
Queen » des
Yeah Yeah Yeahs. Il y a au moins deux façons d’aborder la soul pour un chanteur : la plus classique des deux est explicite, quand l’autre réclame moins d’efforts. Parfois l’émotion demande peu, et Tunde possède l’intelligence de cette habile économie de moyens. C’est ce qui lui permet de naviguer entre les courants. Voix économe et contrastes rythmiques sont présents dans «
Nine Types of Light » dès « Second Song ».
Kyp Malone, le deuxième chanteur, est aussi guitariste, bassiste, claviériste, flûtiste et clarinettiste. Sa voix, souvent plus aigüe, complète celle du leader du groupe. Kyp entretient des rapports plus intenses et plus risqués avec le chant. Il faut l’avoir déjà entendu, accompagné d’une simple guitare, pour se convaincre définitivement du fait que la musique, chez lui, est un moyen de s’adresser directement au ressenti des auditeurs, et de le bouleverser. Il sait chanter grave aussi, comme en témoigne, par exemple, « Give Blood » de Rain Machine, l’un des autres projets auxquels il participe. Le refrain du méditatif « Keep Your Heart » met admirablement son talent en valeur, un constat qui tend à s’appliquer en règle générale.
David Andrew Sitek officie en tant que producteur, guitariste, bassiste et claviériste. Sur l’album « The Great Escape Artist » de
Jane’s Addiction, en particulier sur le titre « Underground », il gère à la fois la basse, les claviers ainsi que la programmation, ce qui souligne la valeur que certains groupes attachent, davantage que d’autres, à la transition entre le rythme et la mélodie, dans un esprit de cohésion. On pouvait dire la même chose, entre autres nombreux disques depuis que le synthé existe dans le rock, du travail de Simon Gallup sur l’album « Disintegration » de
The Cure.
TV On The Radio a des affinités avec cette méthodologie, propice aux sonorités chaudes qui donnent l’impression d’envelopper les chansons. Sur « Will Do », on distingue bien la basse grondante faire corps avec les sons synthétiques, à part égale avec le chant.
Il convient de citer, enfin : le bassiste, organiste et claviériste
Gerard A. Smith, décédé d’un cancer en 2011 et à qui la chanson « Killer Crane », nourrie de l’influence nostalgique des années 1960, rend un hommage anticipé ; le batteur, guitariste, organiste, claviériste et bassiste Jaleel Bunton ; le percussionniste Dan Huron (Stuart Bogie, Superhuman Happiness, Antipop Consortium, Basya Schechter, etc.) ; les violonistes Gillian Rivers, Lauren Weaver et Kenny Wang, qui apparaissent sur « Forgotten » ; la chanteuse folk Priscilla Ahn, qui en 2016 comptera déjà huit albums solo à son actif ; et d’autres encore. Cet opus, en plus d’une réussite artistique allant de la violence à la joie en passant par l’amertume et l’empathie, montre que les bons managers savent miser sur le leadership naturel et créatif de leurs collaborateurs, et que de fortes personnalités ont tout à gagner ensemble quand elles parviennent à s’entendre.
D. H. T.
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