Voyager, entreprendre, découvrir, apprendre, s’apprendre, parler, rencontrer.
Rocky Singh (Asian Dub Foundation) et le producteur David Husser (Y Front et producteur pour Universal, Naive, Mute…) ont jeté leur dévolu sur l’Inde. Un voyage ponctué de rencontres, humaine avant d’être musicale. Débarqués en 2009 à Bombay, les deux compères travaillèrent en étroite collaboration avec de nombreux artistes locaux.
Mumbai Queen est née.
Par la suite, c’est un autre voyage qu’effectuera le groupe. Au Studio Blue Frog de Bombay pour les instruments traditionnels, la batterie au Raw Britannia Studios de Londres (qui a notamment vu défiler
Pink Floyd), les guitares à la Ferme de Sainte Marie-aux-Mines avant qu’Alan Wilder (
Depeche Mode…) ne prenne le relais. Paul Kendall (
Depeche Mode ou Nine Inch Nails) puis Pierre Attyasse (au studio parisien Pixel) s’occuperont des voix.
Trois ans furent nécessaires pour imprégner leur musique de l’art Indien et faire de
Mumbai Queen un projet ambitieux et raisonné, mélangeant habilement musique traditionnelle et rythme plus « radical » à l’Occidentale. Au-delà du concept musical, on trouve des textes. Là aussi brut, violent, tranchant. Les manipulations des Etats, les silences des médias, le Nouvel Ordre Mondial devront se frotter à leurs verbes, si profonds de vérités et d’engagements.
Il y a un an, devant 5000 personnes,
Mumbai Queen donnait sa première représentation. Aujourd’hui, c’est à nos oreilles que l’album éponyme de ce groupe résonne. Quelques notes électro ponctuées de légères sitars et d’une trompette locale et déjà ce chant si groovant, presque rap, tout en chuchotements, introduit l’album. « As Long As You’re Paying for » se fait la parfaite intro, déversant ce qui sera concrètement la base de ce disque. Un voyage entre l’ailleurs et l’ « ici ».
Il y a des titres bruts. « Darkness » place une musique plus puissante au premier plan, un peu plus pop sur ces refrains un peu pompeux, mais toujours bien accompagné de la superbe voix de Rocky. « Terror Got Stars, Terror Got Stripes » déverse guitares massives, rythme de sitar hypnotisant, chants haranguant la populace, violence verbale et subtilité musicale entrecoupée de samples vocaux de journalistes ou de politiciens. « Oh Lord », toujours sur le même schéma musical accompagné d’un chant plus mélodique et de chœurs plus envoûtants. On apprécie également les diverses interventions de la basse, terriblement groovante. «
Can’t Make It, Fake It » déverse un impeccable rythme, presque dansant, duo parfait entre art occidental et oriental bien accompagné par une performance vocale intense et remuante et un refrain qui squattera votre cervelet en moins de temps qu’il n’en faut.
Il y a aussi des titres bien plus sombres. « Ikanuna » laisse davantage s’imposer la musique indienne, sitar à l’appui et quelques notes de pungi (flûte utilisée par les charmeurs de serpents) ici où là et basse pour la profondeur pour accompagner un chant magnifique, à la croisée d’envolées somptueuses et de passages plus lancinants. On apprécie également la batterie qui, sans déverser un jeu incroyable, captive l’attention avec talent. « The Art of Keeping Faith » accentue davantage sur le pungi et l’aspect mélancolique de
Mumbai Queen. Moins de guitares, plus d’Orient. Le titre de conclusion, « The
Man Behind the Curtain » tranche aussi avec une atmosphère plus pesante, une basse plus lourde, quelques petits coups de corde, un chant très attristé…
Puis si vous préférez une atmosphère plus « joyeuse » (difficile de parler de joie dans le cadre textuel très engagé de
Mumbai Queen), « You Don’t Know What It’s Like to Be Your Woman » est présente. Opposant un contraste très important entre le ton des paroles et le caractère très groovant et enjoué du trio basse-sitar-guitare, ce titre en demeure l’un des plus impressionnants de cet album. Directement suivi par la très funky « What You Wanna Do », le chant en anglais est cette fois-ci d’une impressionnante facilité de compréhension. Un titre plutôt fun (toujours en contraste avec ces textes) qui fait beaucoup de bien.
La magie de
Mumbai Queen atteindra aussi le romantisme effréné de « You Turn Me on ». Des solos de guitare remplis de maîtrise et d’émotions, un chant juste et entraînant, une basse incroyable de présence… Les diverses interventions de musique indienne se feront avec un talent rare. L’autre surprise majeure de cet album provient de l’étonnante reprise de
Prince « Purple Rain ». Finalement très semblable à l’original, cette reprise a donc le mérite de ne pas dénaturer l’original, ni de l’égaler. Une bien belle reprise, sans trop de différences, mis à part les quelques discrètes notes orientales, voilà tout.
Mumbai Queen ouvre de nouvelles possibilités au Rock Français, pour un premier album, la maîtrise est là, les musiciens se débrouillent à merveille, les diverses notes orientales ne sont jamais en surplus, toujours idéalement placé au cœur de la musique. Douze titres très diversifiés et accrocheurs, que demander de plus ? Un petit livret avec les textes, peut-être… Dans le cadre très engagé dans lequel
Mumbai Queen revendique une place, ne pas comprendre l’intégralité des chansons reste frustrant…
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