Monsieur Steve Wilson ne fait rien au hasard..
Depuis le collège Steve écrit, compose, mixe, sample, joue de la guitare, toujours désireux d’innover dans le son. Il collabore, réalise et travaille pour nombre de groupes : Opeth,
Marillion,
Anathema. On peut largement qualifier ce musicien de mélomane. L’expression de l’art est à un tel point présent qu’on ressent bien quelque chose d’exceptionnelle dans chaque œuvre de
Porcupine Tree et, en 2012, leur discographie commence vraiment à être de bonne facture. Les artworks s’entremêlent mais depuis le début gardent une certaine cohésion avec le contenu. Il me semblait que pour ce Métanoia l’impasse total avait été faite sur la pochette qui, au premier abord, semblait... comment dire.. minable. Et bien oui, soyons rude. Alors que …
Dans le film documentaire "Insurgentes" nous suivons Steve Wilson dans ses déplacements, dans ses peurs, son passé, ses rencontres avec le monde de la musique, son dégoût pour le mp3 et l’amour qu’il porte au vinyle. Nous comprenons à quel point chaque détail a son importance quant à la construction d’un l’album et à ce qui l’entoure. Steve ne laisse rien au hasard.
Artwork, design, couleur, l’ensemble ce doit d’être homogène et la pochette, le cover prend une importance capitale quand à la compréhension de l’œuvre, ou du moins à la cohérence du packaging complémentaire à l’œuvre musicale créée.
Mr Wilson ne comprend pas qu’on puisse faire de la bonne musique avec des pochettes ‘à ch… ‘
Si l’on prend en compte ces données on peut à juste titre, pour quelques lignes, s’arrêter sur ce pseudo album sorti en 1998 pour sa première édition en double vinyles. Il a été depuis réédité deux fois : en 2001 (version cd) et en 2006 (cd remasterisé). Deux morceaux déjà proposés sur une offre fan club ‘
Insignifiance’ ont été inclus sur ces versions. Certains y verront là des opérations marketing, ce n’est pas le sujet de la chronique.
Un pseudo album ? me direz-vous. Le terme ici ne revêt pas un caractère péjoratif mais désignerait plutôt une parenthèse. En effet, sorti après l’album
Signify en 1996 et le double live
Coma Divine en 1997,
Metanoia est l’enregistrement de sessions d’improvisations effectuées lors de la conception du précité album
Signify. Notons que sur le site officiel du groupe, cette galette entre bien dans la discographie, n’est ni un Ep ni une édition limitée.
Allons donc regarder ce
Metanoia de plus près. Penchons-nous sur cette album instrumental à la pochette d’une tristesse à pleurer avec ce dégradé glissant du violet au bleu à un rose rouge. Un design de pochette des plus simplistes et minimalistes basé sur un dégradé en deux couleurs donne le ton de cet album : ‘ l’introspection’.
Rien n’est imposé, à chacun de laisser ressortir les émotions que vont remuer les 7 morceaux de
Metanoia. Vous me direz ‘de toutes façon un album instrumental ne peu qu’évoquer sans imposer’, d’accord sauf que là on peut aller un peu plus loin dans l’introspection. Le titre de l’album comme les morceaux qui le composent ainsi donc que la pochette n’ont qu’un objectif : mettre l’auditeur entre deux eaux, comme dans un coma (
Coma Divine, une hypnose). Mais il y a huit titres, pas sept ? La huitième plage ‘Milan’ n’est qu’une interview de deux minutes effectuée dans une cafétéria par Steve Wilson avec comme sujet la bouffe de la cafét…cherchez l’erreur... il n’y en a pas. Déplacé et incongru, deux minutes volée dans la vie de ses acolytes.
Mais revenons à notre
Metanoia. Un terme enraciné et propre à la religion.
Metanoia signifie en grec ‘repentir’, ’changement de mentalité ou d’intention.’ Nous voilà donc dans l’introspection précitée. Un même titre ‘Mesmer’ découpé en trois morceaux I, II et III nous hypnotise et nous plonge ainsi dans un rêve distordu. Mesmer était médecin, il est le fondateur de la théorie du magnétisme animal : « Un fluide physique subtil emplit l'univers, servant d'intermédiaire entre l'homme, la terre et les corps célestes, et entre les hommes eux-mêmes; la maladie résulte d'une mauvaise répartition de ce fluide dans le corps humain et la guérison revient à restaurer cet équilibre perdu. Grâce à des techniques, ce fluide est susceptible d'être canalisé, emmagasiné et transmis à d'autres personnes, provoquant des « crises » chez les malades pour les guérir. » (Source : Wikipedia)
En résumé Mesmer a inventé l’hypnose, le brave homme !
Voilà des sujets bien confortés qui donnent l’essence de l’œuvre musicale. Et la redondance des rythmiques est bien là pour nous mener à la transe.
Le maître mot de ces enregistrements d’improvisations est rythmique. Si je devais résumer l’ensemble je dirai débauche basse/batterie. Les deux instruments mènent la danse ou plutôt la transe. La guitare de Steve vient, au gré de son humeur, poser une nappe inquiétante ou alors ouvre l’espace sonore et taille dans la rythmique (un chant langoureux et rêveur) cassant ou déchirant dès lors le système métronomique de notre section basse/batterie. Seul sur ‘
Metanoia II’ la guitare va venir s’accrocher à la rythmique. On la retrouvera orientale sur ‘
Insignifiance ‘, inquiétante et perçante sur ‘Mesmer II’. L’ensemble des différentes nappes et ajouts de samples se fondent littéralement dans les morceaux et ne retiennent pas notre attention au premier abord. Les lignes de basse sont clairement orientées slap, à certains moments on s’attendrait presque à entendre
Lee Claypool bassiste au panthéon des bassistes, frontman de
Primus.
Sur ‘Mesmer I’ une guitare teintée de funk vient picorer sur la rythmique jouant à faible dose d’une wah-wah très soft. Sur la deuxième partie la rythmique s’accélère, la guitare s’accroche, se perd dans des brumes de nappes de synthé très …film SF genre série B des années 60-70 style ….’Mars Attack’ ou ‘Le jour ou la terre s’arrêta’, inquiétante comme la guitare sur ‘Mesmer II’. Mais le bassiste Colin Edwin et le batteur Gavin Harrison, eux, ne planent pas; le système métrique est carré. Ils sont la matière, le côté réel du rêve, les éléments avec lesquels on le compose. La guitare et les nappes de synthé sont plus gazeuses, plus brumeuses, moins accessibles. Elles sont l’anti-matière, elles sont la distorsion de notre esprit sur notre rêve. L’ensemble nous donne une impression de vide, d’abandon, nous étreint comme si on visitait des lieux autrefois plein de vie mais aujourd’hui oubliés, poussiéreux, emplis d’anciens bruits d’échos... Oui, l’ensemble guitare/synthé, lui, nous laisse juste un écho de ce qui aurait été.
Et comme sorti du passé l’on voit surgir un arlequin….si si écoutez bien ‘Mesmer III/
Coma Divine’ et dites-moi si ce synthé ne vous rappelle pas un incroyable cimetière chanté par MM. Descamps, chanteurs du goupe
Ange, formation sacrée dans le monde du progressif français et qui officie depuis 1969. La ressemblance de l’ambiance est troublante. Steve aurait-il déjà écouté un album de
Ange ?
"Door to the River" reste le morceau le plus ambiant, presque new age. Quelques nappes, des coups de cymbales, une guitare qui n’en a que le nom, mais peut être est-ce seulement la basse.
L’important serait de savoir après tout ça si Monsieur Wilson à simplement fabriqué l’ensemble après séquençage ou si les enregistrements de ses improvisations prévoyaient déjà l’œuvre et son concept ?
Sorti trois ans après les enregistrements, je pencherais pour la première version. Steve a récupéré et accommodé les sessions, leurs a donné des titres et a construit l’album autour du Métanoia et de l’hypnose. Voilà un gars qui avec des bouts de ficelle (sacrés bouts de ficelle on lui accorde) créé un album conceptuel sur l’hypnose et la transcendance de l’être. Un album d’improvisations en marge de la discographie de
Porcupine Tree mais en écoutant de plus près on y retrouve absolument toute l’essence de ce qui fait
Porcupine Tree.
Un album difficile à découvrir mais incontournable dans la discographie, peu connu mais en totale adéquation avec le monde de Steve Wilson. On y retrouve les bases de Porcupine, de Bass Communion et un peu de Insurgentes premier projet solo de Steve Wilson. Alors, au bout du compte, cette pochette est en adéquation avec le contenu et ces sessions d’improvisation sont très bien montées.
Bon voyage à l’auditeur qui aura trouvé la clé pour entrer dans un tel album ! Voyage qui pour Monsieur Wilson semble sans retour perdu dans les brumes inquiétantes du progressif à notre grand bonheur. Un maître, un des grands artistes de notre décennie.
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