Un an après un "Live… With A Little Help From Our Friends" sur lequel il faisait étalage de son art de l’improvisation à travers des jams d’une qualité rare, Gov’t Mule nous revient avec son troisième album studio intitulé "
Life Before Insanity". Après les orgies instrumentales de son prédécesseur, cet album nous surprend par son caractère plus compact et par la présence d’invités de marque tels que
Ben Harper, Johnny Neel (claviers de
The Allman Brothers Band) ou Hook Herrera (harmoniciste réputé), ouvrant le power-trio à de nouveaux instruments.
Cependant, il paraît nécessaire de rassurer les amateurs en précisant, qu’en dehors d’un "Bad Little Doogie" au riff boogie-rock direct et efficace, le reste de cet album est loin d’un format radio que le mot 'compact' pourrait laisser craindre. C’est plutôt à l’ambiance générale que ce terme s’adapte le plus. En effet, même si le blues-rock puissant de Gov’t Mule se voit mâtiné de diverses influences, l’ensemble est assez sombre et mélancolique, et il faut attendre la reprise de Robert Johnson, "If I Had Possession Of Judgement Day", cachée en fin d’album, pour ressentir un peu de joie et de bonne humeur dans la musique du trio. Dès le titre éponyme, oscillant entre ballade et mid-tempo, il est rapidement palpable que l’émotion sera profonde, mais ne tendra pas à la franche rigolade. A ce titre, les passages acoustiques de "Tastes Like Wine" ou "In My Life" laissent apparaître toute la sensibilité d’un
Warren Haynes aussi écorché que sa voix. C’est comme si ce dernier pressentait le drame qui frappera le groupe quelques mois après la sortie de cet album et dont nous parlerons plus tard.
En effet, si Gov’t Mule sait varier les ambiances, nous flottons dans une triste mélancolie la plupart du temps. "Fallen Down" nous enveloppe dès son intro aux accents soul-jazz et ses couplets calmes avant de nous surprendre sur les accélérations de son refrain, alors que "Far Away" use du même stratagème de variations des tempos au sein d’un même titre, dans une ambiance désertique où les brumes de chaleur troublent l’horizon. Il est d’ailleurs extrêmement rare de voir un titre s’écouler sur le même tempo du début à la fin et les accélération finales sont de mise sur un "World Gone Wild" où guitares tranchantes et claviers sont propulsés par les rafales de batterie d’un Matt Abts mitrailleur en chef, ou sur un "No Need To Suffer" qui voit Allen Woody lancer l’orgasme instrumental d’un riff de basse lourd et rond.
Au milieu de cette pénombre artistique, les rares rayons de lumières viendront d’un "Lay Your Burden Down" voyant l’intervention de
Ben Harper au chant et à la steel guitar, ou d’un "I Think You Know What I Mean" très southern, aux paroles pleines d’un humour caustique envers le monde politique, et illustré d’interventions d’harmonica du maître Hook Herrera. Mais même sur ces titres, nous restons loin des ambiances festives d’une soirée arrosée, les paroles de Haynes traitant la plupart du temps de sujets sociaux ou d’introspection des sentiments.
"
Life Before Insanity" est donc une œuvre intense dont il est difficile de ressortir indemne, et son ambiance est d’autant plus pesante lorsque l’on sait qu'Allen Woody sera découvert sans vie dans sa chambre d’hôtel, quelques semaines après la sortie de cet album. C’est à se demander si la fusion artistique palpable entre les musiciens n’avait pas débordé sur des domaines plus insondables de l’esprit, laissant envisager d’aussi sombres destinées au groupe lors de la phase de composition des titres de cet opus.
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