Un split album est un évènement commun à la vie. Comme une sorte de voyage qu'on ne veut pas faire tout seul, comme une route que l'on veut emprunter avec un ami cher à notre cœur. Un voyage vers un lieu que l'on désire montrer, un voyage vers un calvaire dont on sait qu'on ne ressortira pas indemne. Et pour l'occasion, notre trio Lyonnais « Les Discrets » entame cette route avec un trio italien baptisé « Arctic Plateau ».
« Les Discrets » jouissent déjà d'une belle renommée dans le milieu, distillant leur Post-Rock totalement mélancolique avec une aisance et une émotion palpables. Après un split avec « Alcest », nos français ont su toucher le cœur de leurs auditeurs avec un splendide « Septembre et Ses Dernière Pensées » où Fursy Teissier (Amesoeurs, Phest) a accompagné cette tristesse ambiante de sa voix planante, limite désabusée. « Arctic Plateau » est un groupe peu renommé à l'inverse. Ils disposent d'une création : «
On a Sad Sunny Day », sorti en 2009. Mais au regard de ce disque, leur collaboration avec « Les Discrets » semble totalement logique, les deux groupes mélangeant habilement une mélancolie ambiante, une tristesse vocale et surtout, une grande maîtrise de leurs genres.
Seulement cinq titres composent cette courte galette et ce sont « Les Discrets » qui ont l'honneur d'ouvrir le bal. « Le Mouvement Perpétuel » commence comme leurs classiques à savoir, une introduction extrêmement lente, douce où ces courtes notes laissent entrevoir l'explosion émotionnelle qui ne tarde guère à arriver. Comme tout bon « Discrets » qui se respecte, la production est impressionnante, les guitares se font très puissantes sans pour autant étouffer le reste de la musique. Fursy chante toujours de sa voix si pesante et triste, bien qu'il tente différents timbres plus aigus à certains moments avec une belle réussite, permettant ainsi de distiller quelques atmosphères supplémentaires. L'écrasement ambiant se fait plus intense sur cette grosse saturation, mélange de double pédale et de guitare surpuissante. Mais le tout reste extrêmement cohérent et les chœurs apportés par cette magnifique voix féminine ne font qu'accentuer la tristesse d'un morceau montant crescendo dans la puissance avant de finalement s'éteindre de la même manière qu'il a commencé... Et de s'ouvrir sur « The Persuaders ». Les connaisseurs se souviendront ainsi d'une série encore indémodable: Amicalement Vôtre, bien sûr.
Et puis « Les Discrets » s'arrêtent et nous continuons ce voyage avec la fraicheur d' « Arctic Plateau ». Pas d'intro ici, « Music's Like » s'ouvre sur cette voix mélodieuse et délicate de Gianluca Divirgilio avant de laisser place à un accord si triste que l'on pourrait croire que la guitare pleure ces notes. Aucun superflu ici, nos musiciens se contentent de remplir les six minutes de cette mélodie de guitare aussi pesante que légère, de voix si triste, mais si souriante parfois, la batterie ne fait ni plus ni moins que ce que l'on attend d'elle, un rythme efficace, variant les tempos avec efficacité. Quant à la basse, elle est bien mise en avant ici afin de transmettre cette lourdeur ambiante tout le long de ce morceau. « Amethyst to #F » et « Ivory » sont deux démos (de deux titres qui sont déjà sortis sur l'unique album du groupe) et ne disposent pas de la même qualité d'enregistrement que les trois morceaux précédents. Ici, la basse prédomine tout si bien que ça en devient assez embêtant par moments. Oui, il faut de la lourdeur dans ce genre de musique, mais on a bien plus l'impression d'avoir une énorme migraine qu'autre chose. Et pourtant, ces deux morceaux sont particulièrement bons. Le premier pour ce rythme aussi répétitif que prenant, s'occupant de faire monter une pression toute particulière, jusqu'à un final encore plus lourd que le lourd lui-même... Le second pour une force plus présente, moins triste, semblant légèrement plus énervée mais sans jamais quitter cette tristesse vocale, s'enfonçant de plus en plus au rythme de cette guitare qui distille sans temps mort une puissante aura sombre sur ce terminus musical.
Deux émotions palpables, deux univers différents mais qui se complètent d’une fort belle manière: voilà comment on pourrait clôturer cette chronique. Même si l’on pourrait regretter la mise en retrait du chant de Fursy Teissier et le caractère assez brouillon des deux derniers titres d’ « Arctic Plateau », ce voyage est une réussite en tout points.
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