Les années passent, les styles se multiplient, mais certaines situations se reproduisent à l’infini.
Radiohead a vu loin avec son chef d’oeuvre
OK Computer, qui a ouvert la voie à un rock indé atmosphérique particulièrement inspiré et novateur, mais le groupe est désormais dans une position que tous les grands noms ont connu, l’après. Et peu importe l’époque ou la qualité musicale, il semblerait que les groupes éprouvent toujours les mêmes difficultés à trouver une suite à un album qui a atteint des sommets, en témoigne les 3 longues années de silence qui ont suivi
OK Computer. Durant cette période,
Radiohead se fait oublier et cherche sa voie. Finalement,
Kid A arrive en 2000 et suscitera la déception des critiques et de certains fans. L’explication est simple,
Kid A n’a rien de commun avec
OK Computer, l’ambiance mélancolique laisse ici place à un vent électronique glacial et sans émotion, mais c’est
Justement pour cela que
Kid A est brillant.
Effectivement, des titres comme Everything in Its Right Place,
Kid A ou In Limbo n’ont rien d’attendrissant, et sont au contraire l’expression d’un univers futuriste qui sombre dans le néant, mais c’est au fil des écoutes qu’on s’y laisse entraîner, au point de s’y enfermer pour mieux l’apprécier. Certes de la mélancolie, il y en a dans
Kid A, mais de manière nettement plus noire et sans-espoir que dans
OK Computer, How to Disappear Completely ou le sublime et jazzy Morning Bell sont des tourbillons de noirceur sans aucune concession, anéantissant tout espoir, et ce n’est pas le vaillant Optimistic qui remettra du baume au coeur, espérance illusoire qui au final sonne aussi agonisant que les autres titres, et où
Thom Yorke incarne à merveille ce sentiment avec sa voie implorante au bord du gouffre. Le rythmé Idioteque ajoute un peu d’énergie à l’ensemble, sans pour autant nuire à l’atmosphère générale, bien au contraire, les mélodies électroniques y sont plus froides que jamais. Mais le titre qui plane au dessus des autres, celui qui fait passer
Kid A au rang des grandes réussites, c’est
The National Anthem, conduit par une bass lancinante, assez proche des premiers albums de
Simple Minds, combinant parfaitement groove et désespoir, conclu par des cuivres chaotiques, un vrai bijou.
Si
OK Computer attendrissait,
Kid A est arrivé dans une volonté de destruction de tout sentiment humain, pour se noyer dans un océan électronique sans vie et pourtant tout aussi fascinant. Qu’on ait aimé ou pas, chacun peut reconnaitre la grandeur et l’audace d’un album comme
Kid A qui tourne radicalement le dos à ses prédécesseurs pour s’ouvrir vers de nouveaux horizons, moins accessibles et plus expérimentaux, qui confirment le génie créatif de
Radiohead.
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