Comment chroniquer un album directement écrit pour une bande originale de film ?
En reliant la musique aux émotions, à notre intimité mise à jour, admettre que nous tenons-là quelque chose d’une grande intensité spirituelle comme l’est ce «
Into the Wild».
Soyons clair : l’auditeur ne trouvera musicalement en ces lieux, dans ce vieux bus perdu au fond de l’
Alaska, que quelques morceaux accrocheurs dépourvus de toutes fioritures, avec cette voix chargée d’émotion si propre à Monsieur Vedder, chanteur charismatique de
Pearl Jam qui occupe le devant de la scène depuis plus de vingt ans. Groupe mythique rescapé de la grande époque grunge, au coude à coude avec
Nirvana, Mother
Love Bones et autre
Stone Temple Pilots.
Voilà une dizaine de chansons, chacune accompagnant une scène du film. Les paroles accompagnent l’image.On est même dans la narration du film qui défile avec des morceaux comme "Hard Sun", "Far Behind" ou "Guaranteed", à tel point que sur certains passages du film les paroles sont incrustés en sous -titres. Le réalisateur démontre par-là toute l’importance qu’il a donnée à la musique et à l’écriture d’
Eddie Vedder.
On trouve des couplets/refrains classiques, des constructions simples ne se voulant offrir rien d’exceptionnel mais empruntes de générosité. Des morceaux mi-tempo avec "Setting Forth", "Far Behind" et "Hard Sun". Ce dernier est sûrement le plus entraînant et apporte une bouffée d’air frais à un ensemble qui amène quand même l’auditeur à frôler la mélancolie. "Tuolumne", une ballade juste exécuté à la sèche, berceuse rassurante qui nous ramène à notre enfance. L’electro acoustique, en grande part, imprime la rythmique (la batterie reste toujours en retrait ,quand elle est présente) et s’exprime sur la plupart des morceaux à l'exception de "The Wolf" qui n'offre qu’une « complainte » voix/synthé.
En fait, ce cri de dévotion prend source dans "Hard Sun". Cette complainte reprise lors de la tournée solo «
Water on the Road » sous le titre « Arc », Eddie nous la livre en un essai réussi de nappes de voix samplées les unes sur les autres, tel un chant polyphonique. C’est vraiment à découvrir : les poils se dressent, surtout lorsque nous connaissons les images qu’elles accompagnent dans le film. Nous ne pouvons qu' être ému de voir le frontman s’offrir à cet exercice totalement à fleur de peau devant son public
On retrouve aussi du ,banjo, ou des consonances s'en approchant difficiles à évaluer sur "No Ceiling"; un autre morceau au ukulélé qui présage déjà de l’enregistrement du dernier opus d’
Eddie Vedder «
Ukulele Songs » (ce petit instrument traditionnel accompagne le chanteur partout depuis longtemps, servant à nombre de compositions pour son groupe
Pearl Jam). L’ensemble des chansons inscrivent la trame de l’album dans un contexte presque unplugged. L’auteur-compositeur et interprète offre-là son fort intérieur. Il n’y a pas de place pour un rapprochement avec son groupe mythique. Ce sont des morceaux qu’on ne pourrait inclure dans un
Pearl Jam tant l’intimité des compositions rapproche l’auditeur du compositeur.
Eddie a écrit chaque chanson directement en visionnant des scènes du film, après avoir lu et relu l’histoire de Christopher. Sean Pen l’ayant choisi justement pour sa capacité à véhiculer les émotions, on ressent toute la fragilité d’un grand frontman, proche d’un Jim Morisson ou d’un
Robert Plant dans son chant tout le long de l'album. Deux morceaux se distinguent par leur charge émotionnelle : "Garanteed" et "Society". Ils résument à eux seuls le film autant par les paroles que par les sentiments qu’ils véhiculent. Leur profondeur n’a d’égale que leur simplicité. Des morceaux vraiment touchants. "Guaranteed" offre ce que souvent on considère comme une Joke dans la construction d’une chanson. Le morceau écrème 7m22, or au bout de 3m10 le silence se fait long, sans pour autant être pesant mais au contraire apporte une quiétude incroyable. Le duo guitare/voix ne reprend qu’à 4m22 (la rumeur, la légende (déjà) voudrait qu’Eddie, ayant tellement été ému lors de l’enregistrement, n’ait
pas pu continuer la chanson et c’est repris après cette longue minute… mais ce n’est qu’une rumeur…)
Il est difficile d’analyser ces chansons sans les superposer au film. Ayant vu celui-ci avant l’écoute, les deux sont directement imbriqués. Attention nous n’avons pas vraiment là une BO, mais incontestablement un album d’
Eddie Vedder fait pour un film. Aucune différence me direz vous ? Je mettrais la différence sur l’implication du compositeur, son souci de coller à l’œuvre cinématographique et le cœur qu’il y a mis.
Il manque bon nombres de morceaux présents dans le film. On en découvre la liste complète dans le book du dvd . Pour compléter la BO, il faudra trouver l’album de Michael Brooks qui a enregistré tous les interludes entre les morceaux d’Eddie (je l’ai téléchargé sur Itunes car il n’existe aucun support cd à la vente de cet album). Pour ma part les uns ne vont pas sans les autres et ces interludes s’intercalent
parfaitement avec les chansons de sieur Vedder.
Quand de grands musiciens s’attellent au cinéma, c’est par amour du film; nous avons là
un témoignage émotionnel et intime. Je rapprocherais cette œuvre d’un « Dead
Man » enregistré par
Neil Young, lequel manie une extraordinaire et mystérieuse guitare répétant le même riff pendant plus
d’une heure en nous envoûtant sans jamais lasser et sur laquelle sont plaqués des poèmes lus par Johnny Depp... Après des années, «
Into the Wild » reste un album de chevet et je suis d’autant plus heureux que l’intégralité de ce disque ait été repris sur la tournée "
Water on the Road" d'
Eddie Vedder.
Cela lui redonne un coup de fouet en live, humanise plus qu’elles ne le sont déjà ces chansons
qui servent dans leur globalité l'histoire et la courte vie d’un jeune homme aux valeurs hors normes pour son âge. C’est dire l’attachement que porte Mr Vedder pour Christopher McCandles et il ne s’en cache pas. Un grand merci à Monsieur Sean Penn d’avoir su trouver le compositeur et l'interprète idéal : simplicité, générosité et le cœur qui va avec.
Quoi qu’il en soit, la compréhension totale de l’œuvre musicale ne passera que par la
séance ciné bien calé devant ce film. Vous l’aurez compris, c’est pour moi un must à posséder si l’on est amateur de spiritualité, d’émotions et de cœur bien sûr.
Putain ayé j'ai vu le film !!! Et du coup l'album tourne en boucle depuis... Il était temps ! Magnifique disque en effet, et chronique absolument juste ! Merci mec.
Waouh !!! Quel timing ecxellent !!! 6 ans ,Je suis toujours aussi fan du film que de sa B.O.F.C'était ma premiére chronique .Tu as de la chance de le découvrir aujourd'hui ,de bon instant en perspective !!
Petit plaisir, me le suis commandé en vinyle il y a quelques jours ! ;-)
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