... Here... at the glass. All the usual problems, all the habitual farce... Cette introduction... Ceux qui, nés dans les années 50-60, ont eu le bonheur de voir arriver
Godbluff s'en souviennent certainement.
Tonight.... it all seems so strange - my spirit feels rigid, my body deranged... Cet écho voyageant vers l'éternité,
Peter Hammill murmure, susurre et invite l'auditeur à arrêter le temps.
Godbluff est là, et pour beaucoup restera l'oeuvre ultime du générateur.
Petite rétrospective nécessaire, Vdgg pour les intimes a connu un succès bien moindre que
Yes ou
Genesis aux USA, il n'y a guère en Europe du sud que les britanniques sont largement parvenus à se démarquer de la concurrence. Ceci serait notamment dû à ces textes fouillés et acerbes, à ces moments de tension instrumentales, contrastant avec les nombreuses plâneries Crimsoniennes parfaitement à la mode. Vdgg affichait-il déjà un air post-moderne, qui marquera de son hégémonie la musique populaire des 80'? Pourquoi pas.
On pourrait aussi parler de l'absence d'héroïsme pompeux et la guitare de Hammill essentiellement rythmique et acoustique. Effectivement, la plupart des musiciens auront beau être diplômés de conservatoire, le mouvement d'ensemble reste primordial, chacun mettant son instrument au service de la musique, ce qui offre à l'instrumentalisation de Vdgg une homogénité incroyable, une mélodicité mise sans arrêt en avant. Rythmiquement souvent complexifiées, les ritournelles se métamorphosent au fil des mesures, cela rend la musique du groupe d'une efficacité bluffante tout en lui permettant de changer progressivement d'allure. Face à cette virtuosité paraissant sous-jacente et pourtant bien présente, aux nombreuses improvisations aléatoires qui parsemaient leurs concerts avant 1976 contrastant toujours plus fort avec la musique taillée au millimètre des ténors du prog des 70, Vdgg, malgré son nombre d'innovations apportées, occupera longtemps une place secondaire en matière de popularité.
Mais cela n'a pas empêché le groupe d'obtenir un statut culte bien mérité, et ce dès The Least we can do jusqu'au légendaire Pawns Hearts ( 1971 ). Et la première séparation du groupe en cette période ne dura finalement que 3 ans. Juste le temps à Hammill de convaincre ses compagnons de son songwriting inébranlable et de son charisme vocal totalement singulier par le biais de 4 albums solo.
1974... le groupe entre en studio. 1975... tombe le pavé dans la marre. Pourvu du même line-up que son prédécesseur, à savoir l'auteur-compositeur
Peter Hammill, le saxophoniste David Jackson - virtuose monstre et véritable icône de scène -, l'organiste de formation Hugh Banton remplissant les mesures de sa puissance et le batteur Guy Evans,
Godbluff apparaît. Nouvelle césure et éternelle perle noire.
Les quatres pièces qui composent ce joyaux sont d'une cohérence à toute épreuve, une montée vers la poussée d'adrénaline, amorcée en douceur par The Undercover
Man, titre introductif de plus de 7 minutes. La production bien plus éclaircie que sur Pawns
Heart permet davantage de cette lisibilité nécessaire pour saisir la foulée de subtilités qu'incarne la musique de Vdgg. Longues lignes mélodiques en constante évolution, climats profonds et pourtant volontairement instables et enfin le fantastique chant théatral de Hammill reconnaissable au premier coup d'oreille.
Mais... que se passe-t-il? A ce premier morceau plein de surprises mais encore foncièrement rassurant suit Scortched Earth... et là c'est le drame. Une tension naît dans l'instrumentation, le chant se durcit. A mille lieues des créations champêtres et mystiques récurrentes au prog de ces années, le son de Vdgg devient froid, hystérique, dérangé. La rythmique explose, Jackson se cambre sur son instrument et n'hésite pas à y ajouter une distorsion pour en assassiner toute texture racoleuse, Peter attrape une boule amère dans la gorge, la mélodie se pare d'une noire fourrure, tout en se permettant des écarts à l'allure folk trad, signes à l'inspiration originelle de Hammill.
Bientôt, une aura de folie entoure le groupe, qui usera même de dissonances malsaines pour sonner le gong de la fiévreuse montée en intensité de Scortched Earth. Toujours progressif, toujours aussi pensé et élaboré, le groupe prend parallèlement des allures presque punk en délivrant une rage terrifiante, des rythmiques binaires folles furieuses et des phrases mélodiques stridentes que seules les constructions harmoniques semblent encore contrôler.
Aucun aspect démonstratif, une technique plus présente que jamais mais dont l'expression se veut très sobre,
Godbluff est une élévation d'ensemble au climat désormais déchiré et dont l'apothéose survient sur Arrow.
Arrow... cette introduction macabre où Jackson fait une nouvelle fois des merveilles, cet air désolé et dépressif, cette ritournelle sinistre et ce chant plus écorché que jamais de Hammill, tenant souvent plus de la sauvagerie qu'autre chose. Arrow est brutale, Arrow est révoltée jusqu'à l'os, axée sur un thème récurrent sur lequel viendront se greffer les interventions malade de Jackson, pour un final hallucinant et ce retour étrange au calme encore souffreteux, laissant l'auditeur soufflé et étourdi par cette explosion d'énergie.
Derrière ce pilier en obsidienne, le plus long Sleepwalker procède un léger retour au calme, tout en sachant qu'il ne nous mettra pas à l'abri des montées de colères de Hammill. Sous ses traits d'humour noir, le titre est davantage marqué par l'empreinte progressive de Vdgg, à savoir davantage de couches instrumentales, variations plus marquées. Cet atterrissage en douceur et abandon clôture une expérience bouleversante.
Plus fort que le rouge du roi pourpre,
Godbluff et sa thématique concentrée autour de la folie sans limite de l'esprit humain semble avoir comme une volonté de rendre dingue son auditeur, voltigeant entre murmure et férocité, prenant sans arrêt à revers. Avec le recul et en se remettant dans le contexte de sa sortie, ce disque était déjà en avance sur son temps. Entre prog en routine et punk embryonnaire, s'extirpant des carcans bienséant à la scène la plus apparente, il prenait doucement la route des trubilons sauvages qui feront la gloire du rock des années 80.
Mais il reste surtout une oeuvre sincère, débordante d'émotion et de pouvoir. Encore aujourd'hui.
How long the night is - why is this passage so narrow?
How strange my body feels, impaled upon the arrow.
Je ne suis pas certain que la comparaison avec Red de King Crimson soit pertinente, mais je connais mal VDGG et je suis fan absolu de KC ^^
T'inquiètes que KC, j'en suis fan aussi, Lark's tongue in aspic et red sont mes préférés.
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