C'est en voyant le très beau clip de "Babayaga" -qui n'est pas une reprise des terribles métalleux de Slaughter To Prevail, que je me suis intéressé à Embers : son aspect enfantin et fait main avec poésie m'avait envoûté, avec ses arpèges touchants, dans un dénuement de notes précises qui cherchent les cordes sensibles.
C'est un duo assez atypique, formé en 2020 autour de Julien T. (The Great Divide, SaaR, Throane, Ovtrenoir) à la batterie et au chant, et de Tibo F. à la guitare. Pour les concerts, d'autres musiciens viennent compléter ce noyau. Il y a peu d'informations à se mettre sous la dent au sujet d'Embers, si on ne prend pas le temps de gratter à droite et à gauche ; on pourrait même dire que le groupe entretient un certain mystère.
Le patronyme d'Embers (braises, en anglais) n'a pas été choisi au hasard, c'est une manière pour le duo de mesurer le chemin parcouru depuis les années fougueuses de leur adolescence, et de garder les braises vivaces. C'est un projet créé pour pouvoir faire de la musique "à la maison", sans pression, sans chercher à coller à un style particulier, et pour Julien une occasion de pouvoir explorer le chant clair.
Chez lui, Tibo a composé les bases des morceaux, maquetté les parties de guitare et de basse, et envoyé les textes et lignes de chant à Julien pour qu'il puisse poser ses vocaux dessus. Par la suite, ils ont bénéficié du soutien actif de Francis Caste, du Studio Sainte Marthe, qui a épaulé le groupe pour qu'il trouve son son, et améliore ses compositions avant de pouvoir finaliser l'enregistrement. Pour l'artwork de la pochette et les vidéos, c'est Dehn Sora qui a illustré tout l'aspect visuel lors d'une collaboration où il a mis en exergue l'essence du projet. Cet EP autoproduit de six titres est sorti le 14 mars 2023.
On découvre un rock nostalgique, presque solennel, où l'émotion est portée par les mélodies du chant et des guitares. Ces dernières sont finement ajourées autour de thèmes simples en arpèges et d'accords qui se gravent avec facilité dans la mémoire, avec une bonne part de sons clairs et crunchs. C'est avec les refrains que la pédale de saturation est enfoncée, avec un son bien plein et chaud. Si Embers se revendique farouchement rock, il possède un pan metal marqué, on ne se refait pas, sachant sonner heavy quand il le faut, comme sur le refrain de "Kopayoko".
On a vraiment affaire à des chansons, bien écrites concernant les textes comme les lignes vocales : la voix est centrale, ici. Le chant de Julien T. est posé, sobre, avec une voix très à l'aise dans les graves, dans le registre d'un… rhaah, impossible de mettre le doigt dessus.
C'est en écoutant la ballade nostalgique "Without You", où son timbre prend des inflexions à la
Chris Isaak, que j'ai trouvé le truc : même sensibilité à fleur de peau, même chaleur veloutée, mais sans aucun tic sixties du célèbre crooner, quoique sur l'intro en trémolos de guitares de "Quartier Lointain", son influence devient assez évidente. Parfois les vocaux sont doublés d'une ligne plus aérienne et lointaine ("Without You"), mais souvent la voix du chanteur se suffit à elle-même, proche de l'auditeur.
La batterie est dans un mid tempo tantôt droit, tantôt groove à la Deftones, et peut faire gronder les toms de manière tribale ("Without You"). Le coté pesant de la musique du groupe peut donner une inertie qui donne l'impression d'homogénéité trop plane sur l'ensemble du disque ; il y a des montées d'intensité franches, mais pas vraiment d'accélérations, par exemple.
La production de Francis Caste est, comme toujours parfaitement dosée, c'est décidément une valeur sûre sur le marché français quand on veut avoir l'assurance de bien sonner. Le son est puissant, chaud et vivant, autant dans les parties calmes et intimistes que les moments plus rentre-dedans.
C'est un bel EP nostalgique et intimiste que nous livre Embers, avec six titres qui s'écoutent de manière fluide. Son rock emprunt de gravité prend le temps de laisser vagabonder ses mélodies, et possède déjà une identité affirmée. Et je suis curieux de voir ce que cela pourrait donner sur scène sous la forme d'un groupe…
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