On peut envisager «
Cupid », le premier album de
Kat Onoma, comme une invitation à rechercher le murmure d’Ariane, qui n’est pas toujours le fil d’Ariane. Qui est Ariane ? La psychologue Ariane Chottin, qui s’occupait du management du groupe, et qui murmurait donc parfois (« From Pompei »).
Cela ne suffit pas pour conclure que
Kat Onoma s’engageait sur la voie de l’intellectualisation du rock, mais d’autres éléments nous le rappellent, notamment les textes de William Shakespeare (« The Ditty of the Drowned Father »), de Samuel Beckett (« Sam Song »), de Pierre Alféri, fils de Jacques Derrida («
Cupid », « Electric Cant »), de Thierry Grillet (« Mary P »).
Au même moment, en France, ceux qui allaient devenir Dirty District sévissaient déjà depuis deux ans, participant à la création du premier album de la
Mano Negra ;
Taxi Girl n’était déjà plus ;
Marc Seberg sortait « Lumières et Trahisons », Noir Désir « Où Veux-tu Qu'Je R'garde ? » ; Bérurier Noir balançait son troisième album, qui s’imposerait comme le plus grand succès du groupe ; les
Washington Dead Cats tournaient entre deux disques, ainsi que
Parabellum ; les
Roadrunners de Frandol entamaient leur discographie, tout comme les Garçons Bouchers ; les Porte-Mentaux cartonnaient avec « Elsa Fraulein » ; les Thugs commettaient « Electric Troubles » ; Hubert-Félix Thiéfaine allait signer « Eros Über Alles » et Jacques Higelin « Tombé Du Ciel » un an plus tard,
Paul Personne « La Chance », Gérard Manset « Matrice » et
Alain Bashung « Novice » encore l’année d’après ; les
Little Bob Story en étaient à leur huitième opus ; Serge Gainsbourg, sous le titre « You’re Under Arrest », mettait un point final à sa carrière studio, l’année du « Qui Se Soucie de Nous » de Jacques Dutronc.
Autant dire que le contexte se prête à l’émergence d’un groupe comme
Kat Onoma, fortement ancré dans l’hommage de la scène hexagonale à l’Amérique du Nord, jusqu’à la sophistication, défaut que ne lui pardonnera pas le grand public. La revendication d’une culture littéraire (bien que la France soit loin d’être le seul pays à s’intéresser à la littérature, quitte à froisser les prétentions de certains) n’est pourtant pas la seule pierre d’angle de «
Cupid » ni des albums qui allaient suivre.
Il y a aussi le garage rock, deuxième pierre d’angle, à travers la reprise de « Wild Thing » de Chip Taylor, où les cuivres, surtout le saxophone de Lamiral Poirier, s’en donnent à cœur joie. C’est le moment où le disque commence à se réveiller, pour revenir aussitôt à sa léthargie imprégnée de blues (« Aprhodite’s Lizard »), troisième pierre d’angle, mais d’une léthargie dont on passe les excès de silence afin d’en apprécier la chaleur et les intensités d’autant bienvenues.
Si « Electric Cant », « Full Moon, Full Jail » et « Liar » respectent plus ou moins le même cahier des charges, assez inspiré, riche en belles surprises, il faut attendre « A Nice Mess », dans les bonus, pour avoir un aperçu de ce qui aurait pu être leur quatrième pierre d’angle : le punk rock, dont la section cuivre n’est pourtant pas absente. Cette singularité contribue grandement à l’originalité de ce premier essai, qui est un coup de maître, tant il est difficile de départager leurs albums. On n’a pas encore droit, à ce stade, à un titre aussi magnifique et flamboyant que « The Radio », mais la qualité est bien là et elle est très bonne, malgré l’accent discutable de Rodolphe Burger, équilibré par les sonorités rugueuses de sa guitare.
D. H. T.
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