Le portrait du batteur Stephen Morris (et, à l’intérieur du boîtier, ceux des autres membres du groupe) sur la pochette du précédent «
Low-Life » paraissaient correspondre à une idée de personnalisation, autour de l’importance du rythme. Fallait-il déduire, de la sobriété grise de la pochette de «
Brotherhood », que
New Order reviendrait à la cold wave ? Non, cette dernière demeurerait loin derrière eux. Ce gris métallique, pour froid qu’il soit, relève aussi bien de la solidité que de la synergie, et l’ambiance nordique ne se traduit jamais chez
New Order par une froideur totale, qui renverrait aux moments les plus sombres de
Joy Division ou à un rock industriel auquel les intéressés ne se sont jamais essayés. Leur remix de Nine Inch Nails, qui fera surface bien plus tard, ne suffit pas à contredire ce point.
Il se dégage de leur musique une chaleur discrète dans laquelle se reconnaissent, contre toute attente, certains musiciens folk (on l’a vu précédemment à travers les reprises de « Love Vigilantes ») ou, dans un autre registre, la scène funk des années 1980.
New Order se rapproche parfois de cette scène comme, venant du sens opposé,
Prince s’est parfois rapproché de la new wave, de manière allusive, toujours à la limite. Cette proximité reste assez perceptible à travers le rythme de « Bizarre Love
Triangle » ou celui du non moins excellent « Angel Dust », bien sûr, mais quand on écoute attentivement la section rythmique de « Paradise », y compris la mélodie de la basse, on observe des similitudes avec « Torture », l’un des titres les plus rock des Jacksons, sorti deux ans plus tôt.
Le parti pris de « Paradise », de « Weirdo », de « Broken Promise » et de « Way of Life » s’avère d’ailleurs plus orienté vers le rock que vers la musique électronique, et si une dualité s’impose alors, c’est avant tout celle entre la basse de Peter Hook et la guitare de Bernard Sumner, dont la voix, par ailleurs, s’adapte habilement à la tonalité grave des instruments, faisant corps avec elle. Autant dire que l’album est déjà assuré à 70 %, si l’on ajoute à cette première liste la ballade électrisée, très rock elle aussi vers la fin, d' «
As It Is When It Was ».
En admettant, de bon gré, que la douceur d’ « All Day Long » réunisse guitares et claviers à leur zénith, et que les six minutes de «
State of the Nation » offrent à cet opus la meilleure des conclusions, fédérant le funk et le rock, il n’y a plus que la mauvaise plaisanterie d’ « Every Little Counts » pour entamer l’ambiance. Ils auraient pu faire de cette chanson une belle ballade, tout simplement. Il suffisait d’assumer. Résultat : au lieu d’être excellent, «
Brotherhood » est juste très bon. Ce groupe est vraiment désespérant.
D. H. T.
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