Blackfield est un projet musical né de l’amitié entre Aviv (musicien israélien militant pour la paix) et Steven (membre britannique du très célèbre
Porcupine Tree). Dès 2001, le groupe a commencé à composer des morceaux qui ont intéressé les maisons de productions. Après cinq singles distribués en Israël et en Angleterre, le reste du monde peut enfin connaître
Blackfield à travers leur premier album officiel, «
Blackfield », qui va connaître un succès énorme dès les premiers temps de sa sortie.
Le style de
Blackfield est donc résolument anti-metal. Ceux qui connaissent Anathema depuis « Alternative 4 » conviendront d’une veine commune. Mais si l’on doit comparer la musique de
Blackfield avec une autre, c’est plutôt avec celle de
Porcupine Tree : les inspirations sont communes, bien que
Blackfield soit franchement moins "hard" que son grand frère.
Mêlant piano, claviers divers, violons etc. à un rock mélancolique, Aviv et Steven parviennent à toucher un public très vaste : les compositions sont vraiment intelligentes, recherchées et poétiques, les musiciens doivent être nés avec leur instruments greffés entre les mains comme en témoignent les subtilités de jeu, jouant à la fois sur la maîtrise et sur les sentiments des auditeurs (et les leurs certainement).
La plupart des titres travaillent l’alternance calme/puissance, donnant parfois un côté lunatique sympathique qui permet de se voir confronter à un énervement soudain de la musique, sans que l’on s’y attende.
Comme on peut le remarquer à l’écoute, les inspirations sont plus vastes que de la seule sphère de
Porcupine Tree. Certains titres rappellent plus que fortement « A Natural Disaster » d’Anathema, d’autres sont plus trip hop, ou, comme par exemple « Pain », font penser à
Placebo (particulièrement pour le chant).
Puisqu’on parle du chant, il s’agit d’examiner les paroles (elles sont également sur le site officiel – où des extraits de toutes les chansons et de vidéos sont disponibles, soit dit en passant). La plupart des textes ont pour sujet principal des amourettes romantiques, mais trois textes retiennent particulièrement mon attention : tout d’abord « Cloudy
Now », la huitième piste du disque que je pourrais passer en boucle, où l’on ressent un pessimisme extrême, plus palpable que chez la plupart des groupes de black dépressif. La critique du monde actuel et de sa violence est simple (d’apparence) mais tellement bien posée… la phrase culte de cette chanson résume très bien toute l’actualité en quelques mots : « We are a fucked up generation ». Vient tout de suite après (dans l’ordre du disque) « The
Hole in Me », moins dramatisant, mais qui exprime bien un malaise profond, mais dans d’autres ordres d’idées… à lire. Le troisième, « A Perfect World » - qui figure sur le disque bonus sur l’édition anglaise – prolonge à mon avis le pessimisme annoncé dans « Cloudy
Now », mais en étant plus optimiste tout de même : la dernière phrase n’est pas aussi alarmante que sur l’autre morceau, et laisse plutôt présager d’une fin heureuse : « A wish will be reborn to a perfect world ». Même si c’est pas acquis, le souhait est là.
Cet album est selon moi l’une des meilleurs sorties de 2004, tous styles confondus. Rarement la poésie du rock aura été aussi bien mariée à un esprit aussi ouvert, tout en restant relativement proche d’un certain esprit du metal (évidemment, pas le même que chez Xasthur ou Paysage d’Hiver…) Un esprit pessimiste plus adapté à son temps, non pas tourné vers le passé mais vers l’avenir. Recommandé à toutes et tous.
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