Qu’est-ce qu’il a grandi notre petit bout-de-chou. Né sans pousser le moindre cri en 1996, « bébé
Lordi » a prononcé ses premiers mots en 2002, avec l’album «
Get Heavy », puis il a commencé à faire ses premiers pas en 2006, l’année de la représentation et victoire à l’Eurovision. L’« Horrorvision » rebaptisée alors rien que pour notre «
Lordi », qui lui a néanmoins permis de devenir l’une des figures les plus médiatiques et emblématiques du hard rock actuel. Et voilà que notre « joli petit bambin » à la peau bien rose et tout joufflu (dieu qu’il est beau) est en train de passer à une nouvelle étape dans sa croissance. Que voulez vous que je vous dise; les enfants, ça pousse trop vite.
«
Babez for Breakfast» couvée de 2010 fait suite à «
Deadache », soit deux ans plus tard après ce dernier. «
Deadache » avait fait germer quelques doutes chez certains (les affreux). On y voyait même une fin de sevrage un peu trop précoce. Malheureusement pour moi, je n’y connais strictement rien en puériculture et préfère de ce pas entamer ma description de ce nouvel album, à la couverture très années 80 (peut être un indice?).
L’introduction de cette nouvelle visite au pays des monstres a de quoi laisser pantois. Un clavier nous met à sa merci dans un air assez intimidant, paysage de tombes, de chapelle hantée. Puis soudain, au beau milieu de tout ça, on se retrouve dans une salle de maternité, à devoir assister à un accouchement (ce sont de véritables monstres). Une impressionnante giboulée de coups de batterie nous tombent dessus, s’ensuit, et c’est surprenant, des riffs old-heavy metal, sans que cela soit franchement savoureux. Le refrain nous offre quelque chose de plus posé, emballant au premier abord, mais trop souvent répété, presque comme un slogan, donc l’efficacité ne sera plus que temporaire. Un titre d’en-tête d’album qui pêche en plus d’un manque de paroles. C’est un mauvais présage pour la suite en général. Mais passons.
«
This Is Heavy Metal » autre titre considéré comme « phare » de l’album nous redonne cette mauvaise impression de faire dans les récitations de morceaux des années 80, à commencer par le riff de départ, déjà mille fois entendu. Un titre qui pourra probablement satisfaire les inconditionnels de «
Lordi » ou ceux qui ont ignoré la musique de la grande période.
Bébé aurait-il de la fièvre? On sent sa musique réchauffée. L’écoute de la tendre ballade « Call of the Wedding » pourtant écrite en baptême avec le guitariste Bruce Kulick (
Grand Funk Railroad, ex-
Kiss) ou du titre « Give your Life for Rock’n Roll », bâti pour devenir un hymne n’apportent qu’une surdose de clichés. Pour le dernier titre cité, on se serait attendu à quelque chose de véritablement fort. L’entame de batterie nous avait pourtant si bien préparé. Puis tout ça tombe un peu à plat, et les voix féminines en fin de piste n’apportent pas non plus grand-chose. Mais ce que l’on croyait être des signes avant-coureurs d’un début de maladie, n’était en faite que quelques gargouillis d’indigestion aux années 80. Ouf! Quelques battements de Kita sur le ventre de « bébé » et ça ira mieux. Quand «
Lordi » fait du «
Lordi » ça donne vraiment autre chose. Des titres à la construction très basique avec une progression en 3 étapes dans l’intensité: un passage tout en finesse et souple de la part des instruments et du chant graveleux de Monsieur lordi sur les couplets, un stade supérieur et généralement l’allumage grandiloquent des claviers en pré-refrain, puis « boum », le refrain.
Sur la première partie de l’album (la plus controversée à mon humble avis), on pourra retenir quelques titres entrainants comme « The
Rock Police » arrivant sirènes hurlantes, très relâché et détendu sur les couplets, jouant ainsi subtilement pour nous faire connaître un réel moment fort et revigorant sur le refrain. Que dire aussi de « Discoevil » ou la fièvre du samedi soir version «
Lordi », à la fois scintillant et des plus détonants. On retient encore l’intelligence de l’approche modérée sur les couplets avec un fonctionnement à compte à rebours comme pour nous faire pressentir l’imminence d’une explosion. « Zombie Rawk Machine » n’est pas mal lui non plus. Il tombe au milieu du ventre un peu mou de l’album. C’est un hard un peu dépouillé. Le riff du début (déjà entendu à toutes les sauces dans le passé) et un refrain trop court sont toutefois des éléments assez gênants à l’écoute.
A ce stade on ne connait en définitive rien de cet album « monstrueux ». On pourrait même devenir injustement sévère après nos joyeux petits garnements, mais comme toutes les grandes fêtes le plus lourd et le plus calorifique arrive en fin de repas, et ça commence sur « Non Stop Night » pour aller jusqu’à la fin. Là, bébé nous envoi sa purée en pleine tronche. Des titres aux guitares acérées, qui déménagent. La poussée d’un gros rot de la part de « bébé » mettant fin à tous ses maux de ventre. On retient des refrains dotés d’une dose de kitsch et de dynamite. Les chœurs ici sont en complète coordination avec Monsieur
Lordi créant ensemble le moment transcendant que l’on attendait.
Le petit instrumental acoustique sur «
Amen’s Lament to Ra », nous fait tranquillement patienter avant de passer à la roulette sur « Loud and Loader », une bombe à fragmentation à très forte puissance d’impact. L’ambiance change un peu à partir du frissonnant « Granny’s Gone Crazy », où un chant murmuré nous fait prendre conscience du danger que représente la nouvelle créature décrite sur cette piste. Un son à la fois inquiétant et ébranlant de puissance. Dans la même veine « Devil’s Lullaby », plus théâtrale (ou cirque) dans son approche, s’illustre par un jeu plus libre et inconstant. Des airs d’orgue de fête foraine, une voix qui prend de faux airs de pitié. Il est alors inutile de lire le texte ou d’écouter attentivement les paroles pour s’imaginer l’histoire qui y est racontée, et c’est toute la force de «
Lordi ».
«
Babez for Breakfast » est un album des plus déroutants. Il exige la réécoute pour se faire un réel point de vue. Des titres « années 80 » déséquilibrent ce nouvel opus néanmoins pourvu de grands et surprenants atouts, et d’un étalage de titres à qualité supérieure. On saluera d’avance la grande quantité de titres offerts (quand on pense qu’ils ont été retenus sur 44 morceaux conçus). Et oui « bébé » grandit vite et fera plus tard un « beau » jeune homme.
15/20
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