Nous sommes en 2002.
Johnny Cash est en studio, aux côtés de Rick Rubin, producteur de génie et qui a déjà aidé L'Homme En Noir a accoucher des trois premiers opus de sa série
American Recordings. Comme ses prédécesseurs,
American IV : the Man Comes Around contient essentiellement des reprises de titres qui évoquent à Cash sa maladie et sa vie passée. Si les albums de reprises sont pour la plupart bon, Cash se place ici largement au-dessus de la barre.
Peut-on vraiment parler de reprises pour cet American IV ? Selon moi, le terme le plus approprié serait plutôt réinterprétation, car si le choix des titres n'est pas anodin, le traitement l'est
Encore moins.
Cette nouvelle galette de Cash sent un mélange de mélancolie, de souffrances passées et de libération. "
Hurt" illustre parfaitement ce que je veux dire. Le titre de Trent Reznor (Nine Inch Nails) évoque en effet la déchéance d'un homme accro aux substances illégales (dont Cash a beaucoup abusé dans sa jeunesse) et qui voit partir loin de lui tous ceux qui lui sont chers. Si la chanson originale avait pour atout la voix torturée de Reznor et une interprétation glauque, ici la voix de
Johnny Cash et son jeu de piano tire la chanson dans le registre mélancolique et en fait donc une "nouvelle" chanson possédant sa propre âme et son propre style. "In My
Life" des Beatles passe également à la moulinette Cash, troquant la clarté du chant de l'original contre une interprétation plus grave et rêveuse, comme un voyage à travers les pensées de l'artiste.
American IV permet aussi à Cash d'enregistrer avec toutes les personnes qu'il admire. Cet album est ainsi l'occasion d'entendre Cash chanter le "
Personal Jesus" de
Depeche Mode avec le guitariste émérite
John Frusciante à la guitare acoustique, "
I'm so Lonesome I Could Cry" en compagnie de Nick Cave et même une sublime reprise de "Bridge Over Troubled Water" avec
Fiona Apple, hommage à toutes les personnes qui vous soutiennent dans les moments durs. Chacun des ces titres décrit véritablement un des moments de la vie de L'Homme En Noir.
Malgré toutes ces reprises,
Johnny Cash ne s'oublie pas et pense à reprendre certains de ces propres titres, notamment "Give My
Love to Rose" et en compose même un spécialement pour l'album, "The
Man Comes Around". Ce dernier s'écarte des nombreuses ballades de l'album et revient au style country, comme si Cash avait voulu faire un dernier retour aux sources.
American IV : the Man Comes Around fut le dernier album à sortir du vivant de
Johnny Cash (celui-ci décédera quelques mois plus tard, en 2003). Cet opus reste un album très personnel en dépit de son statut "d'album de reprises", surtout à cause des thèmes. C'est un homme proche de la mort qui nous fait part des dernières confessions sur sa vie mais qui se sent désormais libéré, ce dont témoigne la pochette entièrement noire à l'exception d'un
Johnny Cash humble mais lumineux, comme si cet album l'avait libéré. Le meilleur de ses albums ? Peut-être bien.
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