Après l’
Apocalypse, le néant, la survie des rats et de quelques hommes hagards au milieu d’un immense désert de dévastation, il existera encore «
Motörhead ». La bête la plus effrayante du rock aura raison du temps, des guerres, de la folie des humains. Le monstre est devenu dieu, déjà quelques années après sa création. Sa vénération s’est perpétuée à raison de la sortie des albums. La discographie de «
Motörhead » est désormais dantesque. Difficile de tout se remémorer. Un disque fait par la bande à Lemmy ouvre obligatoirement les portes de la nostalgie. Beaucoup vont accorder en priorité leur idolâtrie aux anciens ouvrages issus du trio de la mort Lemmy, Eddie, Philty. D’autres se diront qu’il n’y a pas que le passé du groupe à mettre à l’honneur. Parmi les derniers efforts, il y en a qui méritent aussi de figurer dans leur panthéon, tels «
Kiss of Death » ou même le «
The Wörld Is Yours » de 2010. Certains reprochaient à ce dernier de ne pas être innovant, de se baser avant tout sur la tradition. On leur rétorquera qu’il ne s’agit aucunement d’une formation de prog ou expérimentale (bien que Lemmy Kilmister doit se rappeler de son expérience space chez «
Hawkwind »). «
Motörhead » fait du «
Motörhead », et le fait bien.
Peu avant la sortie du «
The Wörld Is Yours » on craignait alors le coup de fatigue dans le trio, Lemmy en tête. Il est vrai que le chant de ce dernier s’avérait de plus en plus limité depuis «
Hammered ». Si la voix a perdu de son agressivité, la basse de l’artilleur est toujours restée aussi efficace. Le groupe fait de nouveau confiance à Cameron Webb pour son 22ème album, comme depuis près de dix ans maintenant. Il est devenu pour ainsi dire un habitué de la maison. Tout s’écoulerait donc comme un long fleuve tranquille. Ils ont déjà eu l’occasion de dissiper toutes les craintes à leur égard. On ne laisse pas non plus présager des divers changements qui pourraient à terme s’avérer une prise de risque totalement inutile, un suicide même. Ils savent ce que leurs fans attendent. Eux ne veulent que du rock n’roll. Pas un de ces vieux rock n’ roll des temps jadis. Mais plutôt, celui que l’on connaît de nos chers britanniques, un rock n’ roll dévastateur qui vous écrase la poire. Il semblerait bien, que vous allez encore vous prendre une mandale avec «
Aftershock ».
Trois ans d’attente, près de 40 ans d’existence, et un son qui botte toujours autant. En plus, ils vous servent la sauce littéralement d’entrée cette fois avec un « Heartbreaker » bien viril. On peut dire que ça déménage avec une rythmique survitaminée. Le seul inconvénient à relever, si s’en était vraiment un, serait un chant pas entièrement dans la lignée de la prodigieuse fougue élaborée par les instruments. Seulement le refrain changerait la donne. C’est décidément l’impétuosité qui marquera cet album, comme le ferait un fer rougi sur la peau d’un veau. « Coup de Grace » va conforter le dynamisme de l’explosif « Heartbreaker ». Ce ne s’illustre pas dans une grande subtilité, mais la puissance n’a que des atouts chez «
Motörhead ». On se rappelle de la vigueur des premiers ouvrages de la formation. D’ailleurs chose troublante on croit détecter l’ombrage de l’illustre «
Ace of Spades » sur le non moins survolté « End of Time ». Le jeu direct et rapide de « Going to Mexico » comme de « Paralysed » nous remémorera la bête du passé. C’est en grande partie grâce à l’excellente dextérité de sieur Phil Campbell, que pour la performance vocale du boss Lemmy.
Il est curieux de constater que le guitariste vole purement et sans ambiguïté la vedette au seigneur Kilmister. Il s’adonne à fond, portant désormais à deux mains l’édifice au détriment d’un Lemmy moins incisif vocalement, peut-être rattrapé par le temps. Le morceau « Do You
Believe » résume à lui seul la situation. Le rock n’roll déjanté produit en grande partie par la guitare affriolante de Phil sème le chant du leader. Heureusement, ce dernier résiste à la confrontation en faisant usage de sa basse. C’est une combinaison à deux (guitare et basse), à haut niveau et sur très haute tension, qui va électriser un «
Queen of the Damned » jouissif. « Knife » renvoie lui aussi l’image d’une parfaite cohésion avec ses riffs particulièrement tranchants. On salue encore la grande réactivité de Phil Campbell, affichant aisance et détermination. Il n’y aura vraiment que pour « Silence When You Speak to Me » qu’il y aurait franchement à redire du rôle des instruments, tellement le titre est bateau dans son rythme, poussif et beaucoup trop axé sur la répétition.
« Silence When You Speak to Me » est issu des quelques morceaux mid tempo du volume. On y compte aussi «
Death Machine » et son groove rampant. C’est assurément la basse grésillante qui y mène la danse. Celui-là ne se montre toutefois pas aussi entrainant et plein de vie que «
Crying Shame », prenant les allures boogie d’un «
ZZ Top » en bonne forme. Les britanniques persisteront dans ce style joyeux, confiant, avec un bien sage « Keep Your Powder Dry ». Comme «
Motörhead » n’aime pas faire les choses à moitié, et qu’il leur faut en plus varier au possible les vitesses, le caractère de leurs chansons, ils se décident à alourdir le tempo, le rendant languissant pour des ballades comme ils savent les concocter. «
Lost Woman Blues » est la première à entrer en scène, nous plongeant dans une ambiance feutrée, sexy. Lemmy prend alors des airs de
Joe Cocker, du moins jusqu’à l’accélération finale. Il se montre parfait, remarquable dans ce genre de situation. On refait connaissance avec le blues plus loin sur «
Dust and Glass ». C’est vrai que ça ne fait pas de mal un peu de volupté dans ce monde de brutes.
Après un tel coup il faudra se relever. Le fan de «
Motörhead » a depuis beaucoup côtoyé le plancher, à raison des disques de ses fameux idoles. «
The Wörld Is Yours » avait remis du baume au cœur après la légère baisse de régime de «
Motörizer ». «
Aftershock » fait de nouveau taire certains spéculateurs téméraires, en misant cette fois sur le jeu expert de Philip Campbell. Le guitariste du trio prend les devants et s’impose de la plus belle des manières, parvenant même à faire fleureter la formation avec sa lointaine époque. On retient également que le groupe a fait le choix de titres courts, quitte à en proposer davantage sur l’album (composé de 14 pistes). Un choix assez judicieux qui évite de tomber dans la redondance, mais qui ne permet cependant pas de délivrer de morceau réellement phare. On songera probablement au démonstratif « Heartbreaker » pour tenter de contredire cette affirmation. Il n’en reste pas moins que dans un combat entre «
Motörhead » et vous, ce sera toujours à vous de vous incliner. Ce rapport des forces est toujours valable en cette fin d’année 2013.
15/20
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