Après le retentissant
My Generation, les Who doivent faire face à un changement d’époque évident. Les mods perdent le pouvoir au profit des hippies, le rock psychédélique devient l’attraction du moment et supplante le R’N’B british très en vogue encore un an auparavant. Néanmoins, difficile d’identifier clairement le changement d’orientation dans ce Quick One, contrairement au
Revolver des Beatles il ne fait pas vraiment son entrée dans le psychédélisme, et est en majeure partie constitué de titres pop assez conventionnels. Pour beaucoup considéré comme un demi-échec,
A Quick One compense son déficit créatif par un sens de l’accroche gardé intact et surtout un côté second degré typique du groupe.
On reconnait d’emblée que des titres comme Run Run Run ou Don’t Look Away ne cassent pas la baraque, en plus de paraitre parfois brouillons à cause d’un son des plus loupés, et le côté niais de I Need You et So Sad About Us commence même sérieusement à inquiéter en plus d’énerver. Heureusement l’album contient quand même de belles réussites, à mettre au crédit de
John Entwistle, ici au sommet de sa forme. Sa première composition, Boris The Spider, est un model d’humour noir, porté par une ligne de bass des plus glauques et un refrain grogné presque comme un death metalleux. Sa deuxième, Whiskey
Man, est moins délurée, mais parvient à séduire grâce à un chant original et une mélodie arrivant à se démarquer du commun des titres du genre. Et puis en terme de pop, See My Way ne s’en sort pas mal malgré sa mélodie un peu banale, l’accroche est garantie. Keith Moon propose le fanfaresque Cobwebs And Strange, coloré de cuivres et doppé à la fin par un duel guitare-batterie de plus en plus rapide et démontrant les qualités techniques des musiciens. Décevant sur ses autres compositions, Pete Townsend se rattrape à la fin avec son opera rock
A Quick One While He’s Away. Ce titre, malgré une intrigue assez peu originale, peut se vanter d’être l’un des plus vieux opera rock de l’histoire et offre en plus des thèmes musicaux franchement intéressants, combinant le côté festif et jovial habituel à une embryonnaire approche lyrique qui explosera au grand jour dans
Tommy 3 ans plus tard.
Si
My Generation, sans être bien élaboré, proposait une puissance assez corrosive, ici les 3/4 des titres baignent dans un moule pop rock 60’s en grand manque d’originalité et surtout un peu épuisé en cette année 1966 (après 4 albums des Beatles dans le genre), et on se demande même pourquoi le groupe n‘a pas intégré les singles
Happy Jack et
Substitute qui n‘auraient pas fait de mal à l‘ensemble. Néanmoins, le quart de titres restant est plein de promesse et montre des Who capables de rebondir avec beaucoup d’idées originales, certains sans lendemain mais plaisantes et d’autres qui ne demandent qu’à être exploitées et ça viendra vite.
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