Varsovie : État Civil

Post-punk / France
(2009 - Infrastition)
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Les paroles

1. ÉTAT CIVIL

Tu traînes ton exactitude
À contre-courant des nuances
Que l’évidence écrit parfois
Un dernier verre
Et tu prends forme
À faire sonner les dissonances
Au moment même où dans tes veines
C’est le flou qui parle pour toi
Et si quelqu’un calque ses pas
Sur les tiens
Et que ces pas sont dans ta tête
Tu rejoins ton système solaire
Et revois l’ordre des planètes
L’instant d’après si loin d’ici
Tu te fous bien de savoir si
La route est longue
Avant de revoir la lumière

Là tu te passes de commentaires
Soit tu prends feu
Soit tu prends fin
Tu connais l’art et la manière
Ça
L’air de rien

Tu réduis ton incertitude
À remonter les contresens
Que l’indulgence a planté là
D’un geste absent
Tu t’examines
À réorchestrer le silence
Au moment même où sur tes lèvres
C’est le feu qui couvre ta voix
Et si tu dois prendre le large
À l’anglaise
Et que la marge est assez nette
Tu redéfinis les frontières
Et t’exerces à la reconquête
Puis tu vacilles éperdument
Tu te fous de savoir comment
T’en foutre encore
Sans avoir à quitter la terre

Là tu te passes de commentaires
Soit tu prends feu
Soit tu prends fin
Tu connais l’art et la manière
Ça
L’air de rien


2. ÉTAT D’URGENCE

Demain est un accident comme un autre
On aura vu valser les rideaux de fer comme les filles
On aura décrété la tiédeur en loi martiale et déraciné les réverbères
On aura vu crever tout ce qu’on aimait jusqu’à s’en foutre
Au point de faire semblant de mourir aussi
Dans une des ces capitales-musées
Et ça sans même un scandale à se mettre sous la dent

Bei dir in der Feindlichkeit

On a pleuré des chats des chiens
Quelques rats de laboratoire
Des enfants mort-nés trois fois rien
Des petits matins sans grand soir
Et des putains de ton espèce
Pas foutues de croire à la chance
Des partis sans laisser d’adresse
Perdus d’avance

Bei dir in der Feindlichkeit

On a prié dans les brancards
Longé les sorties d’autoroute
Fermé les yeux pris dans les phares
Ôté quelques ombres sans doute
La ville est un grand hôpital
Où l’on arrive en ambulance
On aurait pu finir moins mal
État d’urgence


3. CLANDESTINE

Du narthex à l'abside
Ma ligne de conduite
S'étend d'un bord à l'autre
De tes pieds aériens

Messaline – anesthésie volontaire

Les anges ont le vertige
Asthénie sous acide
Si près du point d'impact
Il ne nous reste rien

Messaline – anesthésie volontaire
Messaline – tant que ton corps expire

Je ne sais pas
À quoi tu penses
Tu ne veux pas
Rester en place
Tu ne veux pas
Mourir
Comme une ombre
Le monde est vide
Et les jours calcinés
Sombrent comme des secondes

Reste la seule ivresse
Qui s'accorde à mes veines
Sans m'éloigner de moi

Amour périphérique
Trace un sillon vermeil
Entre la terre et toi

Sans m’éloigner de moi

Messaline – anesthésie volontaire
Messaline – tant que ton corps expire


4. LENINGRAD

Ton sang
N'enraye la machine
Qu'en rêve Sergueï
Essenine – autant partir
Adieu – Leningrad
Orpheline
Oubliera
Qu'un chien qu'on assassine
N'aurait pas trouvé mieux

La peur sert d'écrin au courage – Leningrad
Vivre et mourir comme un orage – Leningrad

Le vent se souviendra d'Isadora Duncan
Orfèvre en mise à mort Octobre en dilettante
L'alcool et la folie pour ultime scandale
L'amour de la Russie comme une mère absente

La peur sert d'écrin au courage – Leningrad
Vivre et mourir comme un orage – Leningrad


5. MADEMOISELLE ELSE

Le cœur sanglé plus rien devant
Le temps de compter jusqu’à dix
En avant pour tomber d’accord
Avec le fond du précipice
Tu traces ton chemin de croix
Perpendiculaire au hasard
Jusqu’à dix

Le long d’un rythme aléatoire
Le temps de compter jusqu’à dix
Pas l’ombre d’un soleil voilé
Tu sais te passer de complice
Exaltée par la trajectoire
Esquisse un sourire en sortant
Jusqu’à dix

Les dents serrées la nuit s’étend
Le temps de compter jusqu’à dix
Tu rejoins l’envers du décor
Et les rendez-vous en coulisse
Tu dis qu’il faut savoir partir
Ne pas déserter pour autant
Jusqu’à dix

Plus rien n’existe

Tu veux donner de la hauteur
Le temps de compter jusqu’à dix
Rejouer Phèdre en crinoline
Accentuer l’ombre au tableau
T’élancer là comme une actrice
Le corps tendu comme un couteau
A fendre la foule en plein cœur
Et finir la scène en morceaux

Fraülein Else – T’élancer là


6. CASSANDRE

Cassandre incandescente
Tu joues avec mes nerfs
Comme un détail froissé
Sur ta chair encore ivre
Rêvant d’un poison froid
Qui t’aime et te délivre
En t’irradiant se meurt
S’écarte et se resserre

Ta cendre incandescente
A fendre les ténèbres
Accentue l’assurance
Que tu prends sur le soir
Voilà comme on se perd
Au détour d’une histoire
Que ton goût du silence
A rendu trop célèbre

Dans le matin glacé
Tâché de souvenirs
Ton souffle à bout portant
Prolongeait nos écarts
Comme un miroir brisé
Sur le bord du trottoir
Résumant
L’immortelle raison
D’en finir


7. RETOUR DE FLAMMES

Tu voulais redonner un sens
T’inscrire en lettres capitales
Deux options
Radicales

Sans inverser la tendance

Tes bras cadencent
Au rythme assourdissant des balles
Quelques romances
Avant qu’on ne parte en rafale

Marianne
Retiens tes larmes

Tu soignais tes longueurs d’avance
Empruntant les voies transversales
Contre point
Cardinal

Où la mort
Entre en dissidence

Tes yeux condensent
Le rouge éblouissant des lames
Et l’arrogance
Des nations privées d’idéal

Marianne
Retiens tes larmes


8. LA PROMESSE

Charlotte
Ton faux air
De madone
Flirte avec l'invisible
Solidaire
Du vide entre les astres

En automne
Tu réclamais l'automne
Tu m'as donné ta main
Comme on donne la mort

Charlotte
Ton sourire
De salope
Se fond dans les détails
Du portail
Sous lequel on m'emporte

En automne
Tu m'avais dit l'automne
L'hiver crachait son fiel
Et j'attendais encore


9. DEMAIN EN SEPTEMBRE

Des nuits d'été déterminées à terminer les restes
Des gardes à vue que l'on retient planté devant la glace
Des mots secrets que l'on ressasse avant de disparaître
Des coups d’état sous des fusées dont on perdait la trace
Des vendettas que l'on défait jusque sous nos fenêtres
Des souvenirs par où ton nom se manifeste En septembre…

Des couvre-feux dans les discours esquintés jusqu'à l'âme
Des idéaux que l'on exerce à l’abrasion des lames
Des intuitions que l'on voudrait masquer pour se surprendre
Des souvenirs pour s’abstenir et se laisser descendre

En septembre…

Des nuits d'été déterminées à terminer les restes
Des mots secrets que l'on ressasse avant de disparaître
Des coups d’éclat que l’on condamne à limiter la casse
Des rendez-vous sur des sommets conquis par ceux d’en face
Des coups montés sur des printemps chevauchant l’herbe tendre
Des souvenirs pour s’enflammer sans négocier les cendres
Des souvenirs pour souvenir et demain en septembre
Des souvenirs pour souvenir et demain en septembre


10. L’ART DE LA FUGUE

Ton rouge à lèvres sur la vitre
Accentue la froideur tragique
Du paysage
Tu les vois déjà les sous-titres
Le long des lignes électriques
Ton maquillage
Comme un bras d’honneur au décor
Ponctue d’un fou rire écarlate
Et suicidaire
Ta course effrénée vers le nord
Priant pour que la vitre éclate
En mille éclairs

Tu reviendras

Ton regard vert désabusé
S’attache à creuser l’horizon
Qui se dérobe

Faisant crisser tes bas filés
La peau lacérée de frissons
Là sous ta robe

Ton rouge à lèvres sur la vitre
Fait ricaner les bolcheviques
Tu restes sage

Tu les vois déjà les sous-titres
Aux abords de la mer Baltique
Fin du voyage

Tu reviendras

Tu voudrais que ça déraille
T’allonger sous les étincelles
Dans un fracas d’acier froissé
Là sur le quai noir et glacé
Parmi la poussière et les flammes
Disparaître
Sous la verrière encrassée
Tu regardes le train partir
Dans les nuées fuligineuses
Et sur la vitre
S’en vont les pensées délétères

Chaque amour doit mourir
Afin de renaître en musique

Tu reviendras


11. INERTIE

Enlinceulée d'ombre et de souvenirs, elle s'avança crépusculaire vers l'unique fenêtre de la chambre qu'elle ouvrit grande et grinçante sur des gonds éreintés. Les notes anesthésiaient l'espace ouvert sur l'automne et paraissaient s'étourdir à travers la ville éteinte par les journées d'averses. Les battements de son cœur, une fois de plus, s'étaient calés sur les systoles de la musique, imperturbables et scintillantes comme les éclipses d'un phare au bout du soir cadencent la fin du voyage.

Elle frissonna.

Au-dessus de la dentelle acérée des toits, la lune tentait péniblement de se frayer un chemin parmi la nuit, entraînant avec elle la flore fuligineuse d'un nuage. En bas, toute la crasse du monde semblait sourdre de la rue noire où suintait l'éclat désabusé des réverbères. Elle se pencha, crépusculaire, de l'unique fenêtre de la chambre.

Inertie.

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