Tandis que la Cité de la Musique à Paris académise la dépouille du Punk sur ses murs, différents signaux nous parviennent d’un peu partout pour nous indiquer que le rock libertaire n’a pas encore rendu les armes et qu’il serait même plutôt en train d’affuter ses nouvelles lames. Cette année il y a déjà eu par exemple le noise rock furibard de Guerilla Toss, le post-punk sombre et engagé de Savages (chroniqué ici-même) et maintenant Barb
Wire Dolls. En dehors du fait que tous ces groupes sont là pour secouer la léthargie globalisée de notre époque prise en otage, ils ont comme autre point commun d’être menés par des femmes. Et bien oui, en 2013 le punk porte des talons aiguilles ! Pendant que ces messieurs ressassent le passé, s’ajustent la mèche ou font du skateboard, toutes ces demoiselles s’activent et expriment leur ras-le-bol !
Barb
Wire Dolls c’est un peu une histoire d’heureux hasards. En 2010 le groupe reçoit une invitation pour participer au show « Rodney On The Roq », il ne se fait pas prier et quitte sa Grèce natale pour s’installer à Los Angeles et, après avoir donné des tonnes de concerts et avoir fait tourner la tête à tous les rockeurs des USA, c’est Steve Albini himself qui enregistre leur premier album, lequel vient récemment d’être réédité sur les terres européennes par Wolverine Records. Bref, c’est le buzz ! certains médias n’hésitant pas à taxer Barb
Wire Dolls de « renouveau du punk » ou de « meilleur groupe de punk de ces vingt dernières années »…
Slit, un titre tranchant (et peut-être un clin d’œil à The
Slits) collé sur une photo sulfureuse. L’artwork de ce premier album ne fait pas de mystère et met tout de suite dans d’ambiance. Onze titres d’une efficacité et d’une énergie redoutable avec en toile de fond l’âge d’or du punk (The Germs et les
Sex Pistols sont des influences évidentes), le son grunge hérité des années 90 avec ici ou là une petite touche hard-rock/heavy glam issue des 80’s. Et c’est peut-être le problème de Barb
Wire Dolls, il n’arrive pas à choisir son camps et s’emmêle les pinceaux dans ses références : "Shut up Slut", "I Wanna Know" ou encore "Walking Dead" brandissent fièrement la bannière du punk tandis que "Revolution", "Devil’s Full Moon" auraient pu figurer dans le répertoire de
Hole. Il faut bien le dire, ce côté indécis rompt l’unité du disque et se révèle un peu casse-pieds à la longue. Ça et la prod’ labellisée « Steve Albini » peut-être trop propre et puissante pour du punk… en même temps on n’est plus en 1977, le monde a changé, les préoccupations sont différentes, les possibilités offertes par un studio d’enregistrement ont évolué, il faut donc faire la part des choses…
Mis à part cet aspect « girouette » décrit plus haut, ne pas reconnaître tout le talent et la volonté d’en découdre dans la plus belle tradition punk de Barb
Wire Dolls serait de la pure mauvaise foi. Isis
Queen mène sa barque avec une rage et un charisme qu’on ne voit pas si souvent de nos jours, on en pleurerait presque de joie ! Tour à tour vendeuse de poissons et femme fatale, elle harangue les foules avec ses messages de liberté et de rébellion et semble à elle seule porter la cohésion du groupe. Pour être claire : elle beugle comme si sa vie en dépendait. Mais elle fait également preuve d’une flexibilité impressionnante pour varier les registres et exprimer une sensualité à fleur de peau. Malgré quelques gimmicks un peu répétitifs parfois, le particulièrement réussi et plus calme "
Wild Child’s Diamond" lui permet d’exposer toute l’étendue de son talent. On adhère à 200%. En seconde ligne, guitare et batterie ne sont pas en reste et ne s’embarrassent pas de détails inutiles. Pour les solos à mille notes faudra repasser car de toute évidence ici les power chords ont le dessus : la simplicité est toujours le chemin le plus court vers l’efficacité ! Pyn Doll écorche ses cordes avec une conviction presque religieuse et Krash Doll, déchaîné, tabasse ses fûts sans reprendre son souffle, jamais. En trois mots comme en cent : c’est du punk !
Alors ? Barb
Wire Dolls « new wave of punk-rock » ? Peut-être… Vous rêviez d’un croisement entre les Ramones et
Nirvana ? La bande à Isis
Queen l’a fait !
Slit est un premier album parfaitement réussi et efficace qui balance un coup de pied bien senti et inespéré dans la fourmilière emo/pop-punk à mèches tout en clouant le bec aux fossoyeurs du punk et du rock. Le groupe a clairement tous les atouts en main pour devenir « the next big thing », mais pour l’instant on se contentera d’applaudir la prestation et de saluer d’un air complice la volonté de
Queen et ses sbires de faire bouger les choses. S’ils maintiennent le cap et parviennent à prendre leurs distances par rapport à leurs modèles alors oui, on y croira !
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