Dans les profondeurs insondables de l'espace, sans emprise sur notre personne et notre âme, il convient parfois de se laisser porter. Quelques notes, mi-haine, mi-chagrin, entre puissance et délicatesse. Portant un regard bienveillant sur le pauvre être humain que nous sommes,
God Is an Astronaut fait définitivement partie des grands de ce cercle restreint de la musique stratosphérique.
Ne cessant de pousser ses expérimentations d'album en album, trouvant sa culminante quelque part entre la force émotionnelle de « All Is Violent, All Is Bright » et la puissance maîtrisée d'un éponyme tout en nuances, nous avions laissé les frères Kinsella en proie à certaines incertitudes sur un «
Age of the Fifth Sun » n'apposant pas le renouvellement tant attendu par l'apparition de ce quatrième membre, claviériste à "temps plein".
Et si la solution était de revenir au début ? Là où tout a commencé ? Jusqu'au Big Bang de l'univers aérien et spirituel de
God Is an Astronaut. «
Origins ».
Nous avons affaire à un album différent, perturbant. Le sentiment de se trouver dans une terre inconnue déjà foulée, dans des mystères dont nous connaissons la solution sans avoir envie d'une quelconque résolution. Ce sentiment que ce nouvel album n'innove pas, se repose sur ces acquis. On est déçu. On zappe.
Puis on se souvient de «
Age of the Fifth Sun » et de son apparente facilité laissant apparaître une complexité nouvelle au fil des écoutes. Alors on remet «
Origins » sur la platine. On prend notre temps, cette fois. Car cet album d'apparence si simpliste cache un univers onirique bien plus poussé que ça.
On se surprend de la relative facilité de « The Last March ». Les éléments se mettent en place. Mais s'entrelacent un peu trop, pour un rendu plus ou moins brouillon, laissant une superposition musicale trop brute. Le temps que les éléments se mettent en place pour démarrer la combinaison victorieuse de guitare sentimentale et d'une rythmique ... Apaisé. Pas foncièrement joyeuse, mais plus libérée.
Libéré au point de rajouter des voix. Un corps à l'ensemble. Et si
God Is an Astronaut reste avant tout un groupe instrumental, la massive « Calistoga » et son magnifique duo guitare-basse laissera le temps d'un refrain exploser une voix cybernétique, incompréhensible, mais berçant encore davantage notre imaginaire, d'une nouvelle humanité, celle qui prend le temps de planer. Une voix qui prend le temps de revenir, plus désespérée encore, mais si porteuse d'espoir dans la sublime mélodie de « Reverse World », entre boucles de piano et explosion atmosphérique.
Écho lointain sur la profondeur stratosphérique de « Strange Steps », qui prouve que le groupe Irlandais n'a rien perdu de ses appositions de plages ambiantes sur des mélodies tournant continuellement en rond sans jamais lasser, la voix se veut presque plus humaine, moins robotique, mais sans jamais laisser trahir ses mots, dans un environnement presque solennel, un peu comme « Weightless », semblant lorgner ses atmosphères dans des voies se rapprochant subtilement du Shoegaze, même si cette tentative restera beaucoup trop lente dans sa mise en place.
Plus au-dessus, je parle "d'apparente facilité". Le groupe ne se bloque pas pour insuffler diverses ambiances plus pop dans leur musique. On relèvera les balances électroniques de « Transmissions » (qui transite vers un Post-Rock simple, mais diablement efficace dans son déroulement), un « Exit Dream » plus direct dans son approche riffique, guitare au premier plan, "chant" planant, mais relativement téléphoné, passage de guitare lourde rappelant les prises de position de l'éponyme. « Signal Rays » balance une ambiance rock plus rythmée et dynamique, notamment par sa sublime basse qui transite vers des passages atmosphériques très conventionnels, mais toujours dans une beauté sans pareille.
Mais écouter
God Is an Astronaut, c'est également se mettre à nu. La beauté pénétrante de « Autumn Song » vous y aidera. Entre piano émotionnel, guitare acoustique discrète et ambiance feutrée au possible, la relaxation absolue ne sera pas loin.
De la détente à l'énergie, il n'y a qu'un pas franchi par le palier Électro-Rock de « Spiral Code ». Déstructuration et basse sans agression aucune, délimitant un univers torturé entre le planant et la démence, confirmé par la puissance libératrice d'un «
Red Moon Lagoon », aux arpèges tortueux et à l'ambiance bien plus énervée et cohérente, où une guitare turbulente fera sa loi.
Mais il est temps de regagner terre avec la pénétrante « Light Years from Home ». Voix de plus en plus audible, atmosphère chaleureuse dans sa froideur, le Post-Rock de GIAA dans l'une de ses formes les plus primaires, les plus belles, les plus instantanées. Car là est la marque de fabrique du groupe Irlandais. Un sentiment pour un titre, capturé à l'instant T.
«
Origins » divisera, mais ne sera pas non plus un incontournable. Mais comme tout album du genre, il nécessitera de nombreuses écoutes et une dissection lente et délicate pour en extirper chaque parcelle de sentiments. Une simplicité masquant avec talent une complexité que chacun devrait prendre le temps de découvrir.
16/20
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire