Joan Baez est une grande dame dont on ne saurait en quelques mots résumer la carrière, autant artistique que militante. Chanteuse de folk, elle est actrice de la renaissance de la scène folk dès 1958, une musique dont elle va devenir la figure emblématique.
Ce mouvement de renaissance était déjà en marche depuis le milieu des années 50, mais elle a largement contribué à l'amplifier en amenant le folk au grand public. C'est donc là l'importance de ce premier album de
Joan Baez présenté ici : avant cela, malgré le succès de groupes tels The Kingston Trio ou The Brothers Four, aucun album de folk n'avait su toucher un public aussi large. Cet album et le suivant seront certifiés Disque d'Or.
Joan Baez eut également toute sa vie durant une grande importance dans beaucoup d'actions militantes, et notamment dans les années 60 dans la lutte contre la ségrégation et les discrimination.
Il convient ensuite pour comprendre l'envergure du personnage de voir la façon dont les deux pans de sa vie se sont liés, son action artistique lui donnant une visibilité qui servit son action militante, ce qui donna plus de visibilité encore à son action artistique qui devint alors elle-même militante.
Historiquement, musique folk et militantisme ont toujours été plus ou moins liés : Woody Guthrie au cœur de nombreuses luttes sociales depuis les années 30, qui avait écrit sur sa guitare "This machine kills facists", ou Peter Seeger, auteur du subversif "If I Had a Hammer" (oui, cette chanson dont Claude François fera un tube après avoir gommé des paroles toute trace de militantisme), n'en sont que deux exemples un peu plus saillants que les autres.
C'est dans les campus universitaire qu'au milieu des années 50 a démarré le mouvement de renaissance de la musique folk, avec le militantisme qui lui est associé. Des étudiants qui ne se retrouvaient plus dans un jazz devenu trop compliqué, parfois aux limites de l'abstrait, ni dans un rock au paroles souvent trop adolescentes voire infantilisantes, ont créé divers clubs dans lesquels ils militèrent ou chantèrent, et souvent firent des recherches pour retrouver d'anciennes chansons traditionnelles.
C'est donc sur ce terreau qu'a grandi
Joan Baez, c'est dans ces clubs qu'elle commencera à expérimenter et créer son style, et qu'elle se fera une voix : son vibrato rapide tout à fait caractéristique est quasiment devenu un stéréotype, repris par la majorité des chanteuse de folk de sa génération, de même que son style et sa façon de s'approprier les textes, qui aura la plus grande influence sur de nombreux artistes. Mais c'est surtout dans ces clubs qu'elle rassemblera un riche matériel qu'elle incorporera au cours des prochaines années à son répertoire.
Rapidement repérée, elle enregistra ce premier album à l'âge de 19 ans dans les conditions les plus rustiques qui soient, dans la salle de bal d'un hôtel, avec deux micros, un pour la voix, l'autre pour la guitare. Malgré ces conditions, la qualité du son de l'album a été soulignée à de multiples reprises.
La simplicité de l'album, qui le rend très accessible, est certainement une des clés du succès qu'eût cet album : juste une guitare (et l'appui d'une seconde guitare sur quelques titres) et la voix pure et transparente de
Joan Baez, s'éloignant des habituels clichés du genre (les banjos, les voix de soutien etc). Cet album apparut à sa sortie comme une révélation, la jeunesse et la sincérité de l'artiste vint apporter une fraicheur immense dans un style de musique que certains ne s'étaient pas encore appropriée. D'autre jeunes artistes suivront bientôt, au nombre desquels
Bob Dylan, que
Joan Baez présentera elle-même au public.
L'album est un recueil de chansons traditionnelles issues du folklore britannique ou américain, certaines venant du 20ème siècle, d'autres du 19ème siècle, quelques unes plus anciennes encore. Même si l'album ne présente aucune chanson politiquement ou socialement engagées, comparé à certains albums qu'elle produira plus tard, on peut déjà trouver dans certains textes la dénonciation de l'injustice sociale qui deviendra son combat pour toute la décennie.
Certains parmi nous reconnaîtront la mélodie du titre "
House of the Rising Sun", dont
Johnny Hallyday fera un de ses plus impérissables succès, et celle de "Donna Donna", sur laquelle Claude François écrira des paroles sans aucun rapport avec la chanson originale (et oui, encore une fois) pour en faire lui aussi un tube.
Alors même si le folk, je n'aime pas vraiment ça, pour ma culture personnelle je suis très heureux d'avoir écouté cet album, c'est un moment important dans l'histoire de la musique, un tournant déterminant dans l'histoire de l'art en tant que support de la contestation et de la revendication sociale : le phénomène n'est certes pas nouveau mais va désormais prendre une dimension nouvelle. C'est également un très bon recueil de musiques traditionnelles, un concentré d'histoire et de culture traditionnelle britannique et américaine, et qui plus est le très influent premier album d'une très grande dame.
Bref, c'est un incontournable jalon culturel, il est important d'avoir écouté cet album dans sa vie.
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