1969 fut une année prolifique pour le Rock et ses dérivés:
Frank Zappa sortit son album «Hot
Rats», et Miles Davis l'album «Bitches Brew», tous deux consacrant le Jazz-Rock; The
Beatles sortirent «Abbey Road», leur meilleur album; et le Rock Progressif apparut avec «
Soft Machine 2» de
Soft Machine, «Monster Movie» de
Can, «Tommy» des Who, mais surtout «
In the Court of the Crimson King» de
King Crimson, album culte du Rock et qualifié de «troublant chef d'oeuvre» par
Pete Townshend (le guitariste des Who) , expression qui me semble tout à fait appropriée.
Fondé sur les cendres du groupe «Giles, Giles And Fripp» par
Robert Fripp, guitariste au jeu unique (sa guitare possède un son acide et violent, bien que ce ne soit pas sur ce CD que cela s'entend le plus), ce dernier réunit sur cet album Greg Lake à la basse et au chant, Ian McDonald au saxophone et à la flûte, Peter Sinfield comme parolier, et conserva Michael Giles à la batterie ; un mini-orchestre en quelque sorte.
L'album débute par «21st
Century Schizoid Man», un titre unique en son genre. Avec des paroles traitant de la guerre du Vietnam, il fallait s'attendre à un morceau violent; et c'est le cas. Le riff de guitare, qui sonnerait presque comme du Heavy Metal (à tel point que certains considèrent ce morceau comme le 1er morceau de Metal) , auquel se rajoute le Saxophone donne au morceau une ambiance à la fois psychédélique et malsaine, ambiance renforcée par le chant de Greg Lake, distordu. Le break instrumental contient un solo de guitare qui illustre à merveille le son acide et écorché de Robert Fripp, suivi d'un solo de saxophone, emprunté au Free-Jazz, les deux se complétant et renforçant l'aspect malsain du morceau. Le reste du break est dominé par le Saxophone. Michael Giles montre tout son talent sur ce morceau, martelant sa batterie comme personne. Par sa frappe et sa rapidité d'action, il renforce l'atmosphère violente du morceau.
Curieusement, le reste du CD est beaucoup plus calme. Le morceau suivant «I Talk to the Wind» est dominée par la flûte de Ian Mcdonald, avec quelques touches de guitares ou de mellotron (un instrument qui est en quelque sorte le précurseur du synthétiseur, il est joué par Robert Fripp sur ce disque). Ce morceau a une forme beaucoup plus simple que le précédent, mais il reste magnifique. La batterie se fait beaucoup plus douce et souple, la voix suave de Greg Lake combinée à la flûte donnent à ce titre un côté relaxant et soporifique (dans le bon sens du terme), le tout étant sublimé par les soli de flûte.
Vient ensuite «Epitaph», morceau d'une tristesse sublime dans lequel on ressent l'influence de la musique classique sur King Crimson. Ici, très peu de guitare électrique, elle est remplacée par une guitare classique. Mais c'est le mellotron qui domine. On sent tout de même que ce dernier n'arrive pas à imiter parfaitement le son des instruments « classiques ». Cela s'entend tout particulièrement vers le milieu, où il imite le son de violoncelles (ou de contrebasses, je ne sais hélas pas différencier le son de ces instruments ) accompagné par la flûte. Malgré tout, comment ne pouvons-nous pas être émerveillés par ces envolées lyriques sur chaque couplet, refrain, et à la fin du morceau ; par le chant de Greg Lake, d'une tristesse infinie ; et par ces paroles, magnifiques (Peter Sinfield signe ici l'un des plus beaux textes du Rock) ?
«Moonchild» est le morceau qui fait débat chez les fans. Fortement influencé par la musique contemporaine, il débute par 2 minutes de mélodie au mellotron et à la guitare renforçant un chant calme et posé, donnant une ambiance nocturne au morceau. Puis, le reste du morceau consiste en une improvisation déstructurée de 10 minutes, très dure à suivre et à décrire. C'est justement cette partie qui fait débat: si pour certains, il s'agit d'une expérimentation inutile, il s'agit pour d'autre d'une preuve de l'inventivité du groupe. De toute façon, cette dernière est selon moi trop longue et plombe le morceau qui avait pourtant bien commencé . Vraiment dommage, quand on sait que King Crimson est capable de faire des improvisations de toute beauté (cf. «Providence» sur l'album «Red»)
Enfin, «The Court of the Crimson King» clôt l'album d'excellente manière. Ce morceau à l'ambiance médiévale sur les couplets (Greg Lake y chante tel un ménestrel accompagné de la guitare classique de Robert Fripp) et lors du solo de flûte déploie de soudaines envolées lyriques lors de chaque refrain, notamment grâce au mellotron et aux chœurs, majestueux. Il devient alors un morceau magnifiquement mélancolique, dans lequel Michael Giles y déploie toute sa technicité et sa maîtrise de la batterie. Et lorsque l'on croît le morceau fini par ces sons de cymbales s'effaçant en douceur, les instruments à vent apparaissent, et soudain le thème principal du morceau revient dans un final dantesque, aussi bien du morceau que de l'album.
ITCOTCK est donc bel et bien un chef d'oeuvre du Rock. Mais son rayonnement dépasse ce style musical, puisque de nombreux artistes, aussi bien dans le Rock que dans la musique électronique (The Orb et The Grid) ou dans le Metal (Tool, The Dilinger Escape Plan, et Entombed qui a d'ailleurs repris 21st Century Schizoid Man) citent King Crimson comme influence; ce qui contribue à en faire un groupe de légende, et de ITCOTCK une de leurs pièces maîtresses ainsi qu'un album culte dans la musique du vingtième siècle.
Je voulais dire qu'en étant n°1 au japon et 5 en angleterre, cet album eut tout de même un succès énorme.
Le premier titre totalement frapadingue, agressif et swinguant ( bien vu pour l'influence hard bop ) où les cordes de fripp s'enchevêtrent avec les cuivres de McDonald sans retenue est un chef d'oeuvre à lui tout seul et qui pourrait être à l'origine de l'expression de la pochette.
Totalement en décalage en comparaison avec la suite tout en dentelle et emphase, dont on retiendra le mellotron envoûtant de epitaph ou ce légendaire morceau titre, ou encore les expérimentations improvisées de Moonchild suivant cette petite comptine introductive.
Une oeuvre historique, indéniablement inspirée, aboutie et riche en mélodicité, pourtant incroyablement épurée dans le but de rester très abordable. Et sortir un disque pareil en ces années relevait du défi de taille, vu les monuments qui tombaient à l'image de Abbey Road ou Soft Machine mais aussi Bitches Brew et Hots Rat qui allaient inaugurer le jazz-rock en frappant très très fort.
Je lui préfère Larks Tongue in Aspic et Red ou le roi cramoisi atteint ses sommet mais ce ITCOCK fait figure de pierre fondatrice de la reconnaissance du rock prog au niveau international.
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