Les années passent, mais «
Faith » demeure, à l’image du thème de la foi décliné dans ses textes, un objet mystérieux, étrange, inaccessible, habité par les échos d’un autre monde. Outre son contexte biographique, marqué par l’alcool, la drogue, le décès de personnes proches, la difficulté de mettre en œuvre ce projet, la déception perfectionniste de ne pas être allé plus loin dans l’extrême, la probité inhérente au doute sincère dont cette déception témoigne, force est de constater qu’il s’agit d’un disque tout à fait à part, non seulement dans la discographie de
The Cure, bien que s’intégrant avec cohérence dans une trilogie exceptionnelle, mais aussi dans le rock, dans la musique et dans le monde en général. Alors que «
Seventeen Seconds » s’engageait dans la
Cold wave, à titre de meilleure transition possible entre le premier album et ce qui allait suivre, «
Faith » est à fond dedans : c’est un pur disque de
Cold wave, dissonant d’un bout à l’autre, calme comme la mort, animé par un rythme mécanique, d’une robustesse qui s’efforce de contenir en permanence le bouillonnement de la vie intérieure derrière une façade aux allures de pierre tombale, où les nappes de synthétiseurs rivalisent avec une basse et une guitare qui, réduites à leur plus simple expression électrique, grave de préférence, rejoignent l’austérité des instruments anciens. La voix, elle, nous parle depuis l’autre côté de la vie, proche et lointaine.
Dans le précédent opus, on hésitait entre l’automne et l’hiver en Europe du nord. Là, on hésite entre janvier et février, toujours en Europe du nord. Ceci dit, n’importe quel jour de grisaille et de baisse de température, en tout lieu et à tout moment de l’année, se prête à son écoute. Nocturne de préférence, il accompagne aussi les journées de contemplation des étendues enneigées sous une froide lumière, au détour d’une matinée de désolation, ou d’un après-midi déjà sur le déclin. Le claviériste Matthieu Hartley a quitté le groupe, laissant seul face à lui-même le trio composé de Robert Smith (chant, guitare, clavier), Simon Gallup (basse) et Lol Tolhurst (batterie), bénéficiant du soutien de Mike Hedges (production), présent depuis «
Three Imaginary Boys » et amené à s’illustrer, par la suite, aux côtés de
Siouxsie and the Banshees, Everything But the Girl et de nombreux autres artistes. Tour à tour médiateur (« The Holy Hour », «
Faith »), davantage axé sur le rythme du rock («
Primary », « Doubt »), aussi proche de
Joy Division que
The Cure pouvait l’être à l’exception de la voix (« Other Voices », « The Drowning
Man »), électronique et planant (« All Cats Are Grey », « The Funeral Party »), couronné par une longue synthèse instrumentale et répétitive variant les timbres et les intensités (« Carnage Visors »), ce chef d’œuvre absolu du groupe, tiraillé entre les directions précédentes laissées en suspens et la violence latente qui allait éclater dans «
Pornography », s’affirme sur tous les tableaux et lance même, tacitement, un défi aux musicologues réfractaires au rock, encore dubitatifs quant au potentiel créatif de ce genre musical. Pourtant l’identité sonore, ici, est reconnaissable entre mille.
D. H. T.
Pour ma part je trouve ce disque sombre et il n\'est en rien optimiste.
Bon je te l\'accorde, la manière d\'interpéter la musique ou les paroles est subjective et dépend de nombreux facteurs propres à chaque individu.
Je ne dis pas que ce disque est similaire à Pornography. Il représente une sorte de transition entre Seventeen Seconds et Pornography, l\'acheminement progressif vers la folie du troisième album de cette trilogie.
Pour ma part des morceaux comme The Drowning Man ou Faith sont des morceaux tristes, mélancoliques voire désespérés.
Tu ne confonds pas avec Seventeen Seconds par hasard?
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