Vous pouvez apprendre par cœur tous les conseils de drague de vos amis, vous pouvez être l'homme le plus beau de ce pays, vous pouvez être la personne la plus charismatique de l'histoire de l'humanité... vous n'aurez jamais le potentiel "attrapeur de poulettes" de John Vesely, bien caché derrière son nom de scène
Secondhand Serenade. Mais ne soyez pas frustrés, dragueurs en herbe. Si on est ici, ce n'est pas pour parler de séduction (Ah merde), mais de rock acoustique. Hé oui. On va bouffer de la guitare en bois aujourd'hui. Les xylophages seront ravis, et Dieu sait s'ils sont nombreux.
Mais avant ça, replaçons la bête dans son contexte.
Secondhand Serenade est un groupe de rock acoustique (qualifiable de projet solo puisque John Vesely, hors concert, fait 99 % du boulot) ; fondé en 2004, le projet réunit déjà de nombreux fans, et ce dès 2007 avec l'album intitulé
Awake qui, diffusé sur Myspace et promu avec les moyens du bord, révèle ce drôle de monsieur au monde de la musique. Le succès en marche est concrétisé très vite, l'année suivante, avec un
A Twist in My Story qui est aujourd’hui la pierre angulaire de la discographie de Monsieur Vesely. Bien que l'utilisation de guitares électriques soit occasionnelle chez la Serenade d'Occasion, on ne peut que constater l'influence emo dans ses chansons. Attention : je dis emo, restons mesuré et plaçons-nous à l'échelle acoustique. De plus, je parle de la vague emo récente, pas de trucs à la Moss Icon ou
Husker Du, non non non...Pour vous donnez une idée, imaginez Funeral For A Friend, ajoutez de la naïveté (en plus de ce qui existe déjà) et coupez le triphasé des studios. Ajoutez un piano et quelques passages à la chorale et, bravo, vous avez du Seconhand Serenade !... Bon d'accord, je descends un peu facilement ce mec. En plus, pendant que je le critique derrière mon écran, profitant de l'anonymat de l'Internet, lui doit encore être en train d'avoir une vie sociale... Ahah, l'idiot.
Bon, je reprends mon sérieux. Aujourd'hui, on va donc parler de
A Twist in My Story, qui est un des albums de la discographie de
Secondhand Serenade dont on m'a le plus parlé. Je viens de dire quelques paragraphes plus haut que cet album est la clé de voute de la collection de John Vesely ; je disais ça à titre personnel, mais il se pourrait que cela soit vrai. En effet, quand on demande à n'importe quelle gamine de 14 ans à la sortie du collège sa chanson préférée de Seconhand, trois issues ont une probabilité élevée de se produire : "Your Call" ; "Fall for You" et "Je ne connais pas ce groupe, maintenant lâche ma veste monsieur". Tiens donc. Deux de ces trois réponses correspondent à une chanson présente sur
A Twist in My Story ! Coïncidence ? Je ne pense pas...
Je me procure donc l'album et, avant de l'écouter, je jette un œil sur la pochette. Un ange endormi sur un canapé dans une atmosphère grise volontairement vieillie. Moui. Pourquoi pas, après tout. Ça rappelle un peu les fameux "posters hipsters" avec leurs slogans à la con, mais y'a un minimum de style, on voit que c'est soigné (on est au-dessus du niveau Instagram donc tout va bien). J'enferme alors mon bon vieux CD dans mon bon vieux walkman en enfilant mon bon vieux casque audio de 547 kilos ( Phillips de
1997, la qualité avant tout... ), et je lance cet album, qui serait donc le plus connu du "groupe". Trois quarts d'heure plus tard, je sors du CD avec un avis en demi-teinte : il y a de bonnes choses...et des moins bonnes.
Commençons avec les bonnes choses.
Un détail agréable marque déjà l'ouverture du CD : l'émotion, ce subtil mélange de tristesse et d'espoir renaissant. Oui, il y a de l'émotion dans cet album, et certains refrains ont un caractère émotionnellement pénétrant légèrement supérieur à ce qu'on a l'habitude d'entendre ; je pense notamment à "Like a Knife", "Fall for You", "Suppose", "Your Call"... Bien sûr, ce ne sont que quelques exemples marquants, mais je pourrais généraliser à tout l'album. Quelque part, c'est justifiable. Il y a une mélodie, il y a un truc qui attrape, il y a une atmosphère qui réveille notre coté adolescent doux, il y a CE truc, si spécifique, qui fait qu'un chant, qu'un moment de chanson, nous accroche, et apparait plus magique qu'autre chose. Et c'est valable pour l'instrumentalisation comme pour la voix de ce cher John.
Deuxième détail agréable : John est quelqu'un de posé. Vous vous souvenez quand je vous parlais de Funeral For A Friend ? Vous n'êtes pas sans savoir que l'emo a parfois tendance, dans ses chants comme dans ses mélodies, à être poussif, à se vouloir aigu sans l'être et à se complexifier pour rien...FFAF fait parfois ce genre de choses, je pourrais également citer Black Veil Bride qui ne fait que ça. Mais
Secondhand Serenade, lui, ne le fait pas, il reste mesuré et ne prend pas de risques. Ou du moins, pas beaucoup de risques. Il ne cherche pas à pousser sa voix dans ses derniers retranchements, il ne veut pas tirer la mélodie jusqu'à ce qu'elle en devienne indigeste, il reste à un certain niveau, bref, il donne juste ce qu'il faut. Parfois il donne un peu plus ("Suppose", "Stranger", "Stay Close Don't Go"), parfois il donne un peu moins ("
A Twist in My Story", "Why") mais on reste globalement à un niveau raisonnable. En même temps, quelqu'un qui fait du rock avec des guitares acoustiques ne peut pas aller au-delà de ce qu'un groupe qui utilise des guitares électriques stridentes fait, il a forcément conscience des limites instrumentales que cela impose (sauf Phil Labonte, capable de continuer à growler comme un malade même quand il fait des chansons acoustiques avec All That Remains... mais, là déjà, c'est un autre registre).
Je voudrais maintenant insister sur un détail qui concerne l'album en général : sa constance. Vous n'êtes pas sans savoir que beaucoup d'albums ont des pistes meilleures que d'autres ; c'est d'ailleurs ces chansons-là qui sortent en single. Je vous avais parlé de "Your Call" et "Fall for You" au début, mais c'est vraiment une question de réputation, toutes les chansons de l'album auraient pu s'accaparer ce titre de têtes d'affiche du CD. A titre personnel, ma préférée est "Why", mais comme elles sont toutes empreintes d'un esprit similaire, je ne peux pas affirmer que cette chanson se démarque vraiment par rapport aux autres. En partant de ce principe, le choix est simple : ou bien, vous aimez l'album, et alors là vous ne pouvez pas être déçu, ou alors, vous n'aimez pas et alors là, inutile d'aller plus loin. Mais je pense que cette album vous plaira, globalement. Ce genre de musique, ça passe partout, ou presque.
Terminons sur une remarque qui concerne l'homme derrière tout ça (et devant aussi, dû à son statut de chanteur), John Vesely. Je disais plus haut que son chant participe à l'émotion de ses chansons, en accord avec son instrumentalisation peu complexe, bien que résultant de l'utilisation de nombreux instruments (en même temps
Secondhand Serenade c'est pas
Genesis, je suis pas prêt de voir un truc compliqué avec lui). Le voilà, le point que je voudrais remarquer. Sa voix, vous avez intérêt à l'aimer, parce qu'elle est spéciale. Ou non, en fait. Le voilà le problème : dû à la légère influence emo, le chant nous parait à la fois ringard et singulier. D'un coté, c'est une belle voix claire, aigüe, juste et maitrisée ; mais d'un autre coté, le timbre, le ton sur lequel la voix est lancé et la manière de chanter peuvent paraitre très communs, voire éculés. La raison à tout ça, c'est que vous retrouverez une voix très similaire chez
Silverstein, FFAF ou encore
The Red Jumpsuit Apparatus. Mêmes sonorités, mêmes manières de chanter...Il suffit d'écouter quelques pistes où ce cher John étire un peu plus ses cordes vocales, comme "Goodbye" ou "Suppose", pour s'en rendre compte.
Très bien, ça c'était la partie "sympa", celle que les gens lisent quand ils sont de bonne humeur. Sauf que personne n'est vraiment de bonne humeur ; alors parlons sans plus attendre des défauts de cet album !
D'abord, le défaut le plus évident, c'est que
Secondhand Serenade, c'est pas profond. Mais vraiment pas. Rien que les noms affublés aux chansons témoignent de l'esprit superficiel qui les habite. Que ça soit les parties les plus réputées ("Fall for You", "Your Call") ou les titres un peu cachés dans un tas d'autres titres ("Maybe", "Stranger"), on a une rafale d'exemples pour prouver que Monsieur Vesely, c'est pas Einstein. Pourtant, on sait tous que la musique n'est pas faite pour être profondément complexe, mais là c'est presque trop de simplicité, on est trop superficiel, c'est très transparent. Si vous ne supportez pas les chansons basées sur des histoires d'amour de jeunots totalement naïfs et dépressifs pour un rien, vous ne supporterez pas
A Twist in My Story ! Ajoutez à la simplicité du texte, la simplicité de l'instrumentalisation, et vous savez à quoi vous attendre...
Juste à titre d'exemple, je vous sors ces lignes, qui sont au summum de la non-consistance textuelle : "I was born to tell you I love you" ("Punchline" du refrain de Your Call) ; "If you leave me tonight, I'll wake up alone / don't tell me I will make it on my own" (La moitié du refrain de Stay Close Don't Go) ; "Maybe it's just me, couldn't you believe / That everything I said and did, wasn't just deceiving" (Début du refrain de Maybe). Nul besoin de traduire ; la simplicité du vocabulaire surpasse toutes les espérances. Parfois, ça se veut poétique avec un fond de gentillesse, mais on se retrouve avec un texte ridicule et niais. Et ne vous attendez pas à une pointe d'intelligence, ni à un "vers fort" de l'écriture ; tout l'album est comme ça. Mais bon, si on est optimiste, on peut presque dire que, au moins, il n'a pas pris de risques pour ne pas être ridicule. Ainsi, John s'affiche, presque de manière caricaturale, en tant que petit chanteur de balades pour minettes.
Autre remarque désobligeante : la constance. Eh oui, ce qui est une qualité peut aussi être un défaut. Ici c'est le cas, mais je vais m'expliquer. En une phrase, cet album n'est qu'une succession de calques. Prenez une mélodie, celle de "Maybe" par exemple. Maintenant, essayez de chanter avec cette même mélodie sur une autre chanson, par exemple, l'introduction de "Your Call". Mais ça alors, c'est magique ! Ça marche ! Même pas besoin de changer de tempo ! Eh bien oui, encore une fois, on peut dire que l'album n'est qu'une succession de titres qui se ressemblent. J'avais pourtant dit, plus haut, que la mélodie était magique, qu'elle avait un truc bien à elle, mais en fait, c'est un peu la même mélodie qui se prolonge sur tout l'album. C'est pour ça que toutes les pistes ont CE truc. "Truc" qui devient assez vite un arrière-goût de lassitude. En un mot, l'album manque de relief. Aucune piste ne se démarque vraiment et le plaisir à trouver dans l'album n'est pas celui de la diversité.
On pourrait presque dire, enfin, de manière un peu rapide et sèche, que
A Twist in My Story, c'est mou du genou. C'est, du moins, le sentiment qu'on a quand on se passe l'album pour la énième fois et qu'il commence à nous dégoûter. Soyons sérieux : c'est vrai que
Secondhand Serenade, c'est un son friable que le temps fera périr. C'est pas aussi consistant que les performances acoustiques de A Day to Remember, qui ne sont pourtant pas irréprochables. Pourtant les instruments sont presque les mêmes, mais John préfère rester très mesuré dans ce qu'il fait, là où d'autres poussent leurs guitares acoustiques au plus proche du vrai rock à la dure. Sur cet album, on aurait pu caser "I Miss You" de Blink-182 ou "Untitled" de
Simple Plan : le résultat aurait été le même, alors qu'on sait tous que ces deux chansons sont les plus calmes et les plus molles de la discographie de leurs auteurs respectifs. Peut-être que cette mollesse est un effet voulu, peut-être que des gens aiment ça et trouvent que c'est un point fort, mais de mon point de vue, ce n'en est pas un.
Voilà, j'en ai fini avec les défauts, qui furent assez longs à expliquer. Ce qui est con, c'est que si il n'y avait pas tout ça, si on n'avait gardé que les avantages cités plus haut, cet album serait parfait, et on aurait même pu s'en gratiner quelques miettes sur Virgin Radio. Mais là non, pas de bol. N'allez pas penser pour autant que je hais
A Twist in My Story, non... C'est un bon album avec un bon esprit, mais c'est un tantinet naïf et mou du genou, voilà tout. J'ai quand même mis 14, ce qui est pour moi la note d'une production appréciable et de bonne qualité, bien qu'imparfaite.
Cet album, vous allez l'écouter, vous allez l'aimer quelques mois, puis très vite, vous passerez à autre chose. Sauf si, bien sûr,
Secondhand Serenade est un projet que vous admirez vraiment ; dans ce cas de figure, vous pouvez jeter un oeil du coté de
Awake, ou encore d'un album plus récent nommé
Hear Me Now. Je ne connais pas du tout ces albums autrement que par leur nom, mais je suppose que John Vesely n'a pas senti le besoin de changer la formule attrape-minettes qui lui avait permis d'écouler près de 10 000 exemplaires de ce second opus réalisé chez Glassnote Records. D'ailleurs, voilà qui est ironique, un album que je qualifie de "transparent" est produit par une boîte au nom proche du mot Glasnost... faut croire qu'il était prédestiné, ce pauvre CD.
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