En 1961,
Dylan n'était encore qu'un joueur de guitare destiné à se produire éternellement dans les bars et les cafés. Mais un jour, Caroline Hester, une amie qu'il a rencontrée à New-York et qui a signé avec Columbia, lui dit qu'elle cherche un harmoniciste. Sautant sur l'occasion,
Bob Dylan l'accompagne dans les studios. A un moment, il montre à Caroline Hester une chanson qu'il a composée, et c'est là que John H. Hammond le repère et lui demande s'il veut signer un contrat.
Dylan, qui a bien évidemment accepté, enregistre son premier album éponyme en 1962. Celui-ci contient énormément de reprises mais également deux titres originaux. L'album ne se vend pas mais le contrat n'est pas rompu, et
Dylan rempile pour un deuxième album.
C'est cette suite d'événements qui amène
Dylan à écrire et composer toutes les chansons de ce qui est devenu l'un des plus grands disques de folk du monde : "The Freewheelin'
Bob Dylan". Chaque chanson montre non seulement un talent de compositeur/musicien chez le jeune auteur, mais aussi d'écrivain et de poète car les paroles sont d'une beauté saisissante.
Puisqu'il signe toutes les chansons,
Bob Dylan exprime enfin sa propre opinion avec cet album qui possède un nombre impressionnant de chansons engagées. "
Blowin' in the Wind", premier morceau, ouvre le bal dans cette optique. La chanson est jouée pour la première fois par Gil Turner au "Gerde's" alors que
Bob Dylan venait seulement de l'écrire. Composée d'uniquement 4 accords, la chanson est dans la lignée des grands titres folks, fait pour être appris et donc transmis rapidement. Succès resplendissant, "
Blowin' in the Wind" est immédiatement devenu la 'protest song' (comprenez chanson contestataire) la plus en vogue de l'époque et a érigé
Dylan en leader de cette jeunesse effrayée par la Guerre Froide.
Si beaucoup ne retiennent que "
Blowin' in the Wind", certains n'oublient pas que d'autres chef-d’œuvres engagés ont vu le jour sur cet album. Suivant à peu près le même principe que la chanson d'ouverture de "The Freewheelin'...", "
Masters of War" est destiné aux marchands d'armes que
Dylan considère comme des lâches qui se cachent pour éviter de voir les horreurs qu'ils commettent ("You that hide behind walls/You that hide behind desks/I just want you to know/I can see through your masks"). Le sublime "A
Hard Rain's A-Gonna Fall", écrit pendant la crise de Cuba, dénonce les horreurs de la guerre à travers les yeux d'un enfant, symbole de l'innocence. Construite sur une succession d'accords avec une tonalité assez haute qui crée un contraste avec le thème assez sombre et grave, le titre est un modèle d'écriture, et selon la légende, il aurait même poussé
Leonard Cohen à se mettre à la musique.
Bien que très engagé, l'album prouve également le talent de
Dylan à raconter des histoires "de vie". Les sublimes "
Don't Think Twice It's Alright" et "The Girl from the North Country" en sont deux exemples frappants. Chacun des deux titres commence sur une sorte d'arpège puis se transforme en ballade. La voix de
Dylan s'y fait moins nasillarde qu'à l’accoutumée et le ton est plus léger, prouvant encore une fois que
Dylan n'est pas qu'un révolutionnaire, mais aussi un poète capable d'écrire sur autre chose que la guerre.
Je pourrais encore m'étendre longtemps sur cet album, mais le mieux est encore de le découvrir par vous-même. En effet, les mots ne suffisent pas à décrire la beauté saisissante de l'album. Si aujourd'hui l'oeuvre a perdu de son impact politique, il ne faut pas oublier que 'The Freewheelin'...' fit de
Dylan le messie d'une jeunesse perdue face à la guerre et se révoltant pour un autre monde. Le message de paix est présent jusque dans la pochette (une photo de
Dylan prise avec sa petite amie de l'époque dans les rues de Greenwich Village où ils habitaient), preuve que malgré ces temps de guerre, l'amour et la paix sont encore possibles. Véritables symboles, les titres de cet album résonneront encore dans les têtes jusqu'à la fin des temps.
Néanmoins, il me semble plus exact de définir le terme de "protest song" comme étant une "chanson contestataire" plutôt que "chanson en faveur de la paix", même si l'un et l'autre sont liés, on est bien d'accord. En dehors du bras de fer avec le bloc soviétique et la crise des missiles de Cuba, aux Etat-Unis, à cette époque, c'était aussi la lutte pour les droits civiques, le sujet d'ailleurs de "Blowin' in the Wind" sauf erreur...
La petite amie du moment de Dylan se nomme Suze Rotolo, une militante travaillant pour les droits de la communauté afro-américaine. La photo de la pochette, assez inoubliable, a été prise sur Great Jones Street
Au-delà des préoccupations politiques et sociales du moment, la grande force de Dylan aura été d'ouvrir la voie à des générations de musiciens folk en révélant, qu'en dehors de son message, une chanson peut être belle et poétique en elle-même... l'histoire ne fait que commencer :)
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