Dionysos, c'est 19 ans de carrière, six albums et plus de 600 000 ventes rien qu'en France. D'office, ses chiffres imposent un certain respect.
Dionysos est un groupe à part dans le paysage musical français. Avant tout, c'est un groupe qui a toujours bénéficié d'un certain cachet, lui permettant de promouvoir correctement chacune de leurs parutions, entre multiples plateaux télévisés, passage radio et interviews en masse. Mais le plus exceptionnel dans tout ça, c'est surtout que le groupe n'a jamais perdu son âme. 19 ans plus tard, c'est la même bande de grands enfants qui mélangent allègrement une musique des plus tortueuses à un amour du verbe, certainement pas très facile au premier abord, mais sûrement un son qui ne laisse pas indifférent.
Il y a déjà cinq ans que Mathias Malzieu a mis en musique son roman à succès « La Mécanique du Coeur » au travers d'un album-concept extrêmement bien ficelé. Mais le plus gros point de cet album est sa complémentarité avec le livre. Ainsi, nous n'avions pas seulement une mise en musique du roman, mais bien deux histoires à mélanger, possédant chacune sa grande dose de détails n'apparaissant que dans l'un ou l'autre média.
«
Bird'n'Roll » est la sixième offrande du groupe Valençois et ici aussi le concept est palpable. Le roman mis en musique est donc le dernier du chanteur, baptisé « Métamorphose en bords de ciel ». Mais la grande différence, c'est que le roman n'est pas réellement importé en musique, on y retrouve certains personnages, certains décors mais l'album n'en suit pas réellement la chronologie, apportant ainsi une foule de titres indépendamment rapprochés en fin de compte. Il y a une certaine volonté avec cet album de revenir à un son plus brut, à un rock plus simple, mais pas du tout simpliste.
En soi, «
Bird'n'Roll » conserve ce qui fait le succès de
Dionysos depuis déjà plusieurs années, à savoir un sens du verbe tout particulier, un amour certain des jeux de mots et des tournures textuelles complexes, le tout accompagné d'une musique faisant la part belle à des instruments divers (ukulélé, sonorité psychédélique, harmonica, mais aussi les Dionysiens scie musicale, verres, Moog, Mellotron (instrument de musique polyphonique à clavier), stylophone (clavier métallique sur lequel on joue à l'aide d'un stylo relié à un fil électrique), clochettes...), le tout sur une base évidemment bien Rock.
Qu'est-ce que le «
Bird'n'Roll » ? Et bien c'est une maladie qui consiste à danser comme on vole. Un cheminement entre le Rock'n'Roll et le battement d'ailes. « Le Retour de Jack l'Inventeur » le décrit d'une fort belle manière, ou Mathias, d'un débit rapide, nous décrit cette danse comme une constellation de sauts désespérés destinés à effleurer le ciel. En soi, cette danse génère un taux d'endorphine (l'hormone du plaisir) extraordinairement élevé. Cet album est construit ainsi : comme un antidépresseur puissant et, en ces temps sombres, on apprécie d'autant plus ! Dansez régulièrement le «
Bird'n'Roll » et l'amour s'entretiendra, la surprise et l'aventure se développeront efficacement, vos repas avec belle-maman vous paraîtront même plus agréables. Un vrai petit éclat de bonheur sous disque en fait.
Un côté très psychédélique sort de l’intro «
Bird'n'Roll » où entre guitares grasses, basse grondante et frappe résonnante, Mathias nous annonce avec entrain et énergie de sa voix entre chant de crooner et intonations proches d’un chauffeur de salle pour nous entrainer dans son monde fait d’homme-oiseau rouge ! S’ensuit des présentations avec Tom « Hématome » Cloudman, le plus mauvais cascadeur du monde et de la galaxie. Des textes purement moqueurs sur fond d’un Rock bien dansant et entraînant, un coup d’œil au clip et vous vous surprendrez à remuer vos bras tels des ailes au rythme de cette mélodie entre kitsch et bon Rock saturé. Une entrée en matière réussie et qui annonce purement et simplement l’état mental dégénéré dans lequel vous allez vous retrouver pendant près de quarante minutes !
«
Bird'n'Roll » marque le retour dans la formation de Babet. Celle-ci sera davantage aux claviers qu'au violon, bien que le petit instrument soit mis à contribution dans « Le Retour de Jack l'Inventeur ». La belle musicienne nous offrira ses choeurs dès l'intro, chantant des « Come on let's bird ! » terriblement dansant. Elle nous offrira également des couplets entiers sur « La Sirène et le Pygmalion », entre petits accords semblable à des vacances aux îles vite relayées par des passages plus tranchants avec ce son de guitare purement Dionysien. Si les voix de Babet et de Mathias se mélangent adéquatement, c'est bien sur le passage central, plus calme et ambiant, que les voix seront tout simplement parfaites. « Sex with a Bird » accueille également dans ses rangs la voix de la chanteuse pour quelques petites phrases, essentiellement en mélangeant son chant avec Mathias, lui a la voix grave, elle l’a plus aiguë, évidemment plus féminine et délicate et le tout dans un mélange plus que parfait. Sans parler de la musique, entre petites mandolines, frappes sèches à la batterie et surtout ces accords puissants de guitares électriques sur les refrains partagés à quelques relents de violon très bien disséminés sur la durée. Mais globalement, la chanteuse apportera ses choeurs mélodieux sur tout l'ensemble de l'album.
L'esprit humoristique et décalé du groupe se ressentira notamment sur « Dark Side », débutant par un Mathias chantant allègrement sous la douche une certaine pulsion dont il est inutile d'en dire davantage je pense, avant de laisser un petit ukulélé dicter un rythme soutenu et délicat bien mélangé à quelques passages électriques et plus massifs sur les refrains, le tout sans quitter les envies d'humour, bien aidé par les rires de Babet qui ponctuent cette chanson ou bien ses choeurs bluesy de temps à autre. « Platini (s) », bien placé en dixième piste rend hommage à un certain footballeur que je pense vous avez reconnu. Il est vrai que la comparaison entre le célèbre numéro 10 et des oiseaux baptisés ainsi est assez saugrenue, mais venant de
Dionysos, rien d'étonnant. Après un début calme, fait de légères guitares et de sifflements, la chanson se poursuit avec d'étranges cris schizophréniques et un Mathias impatient de voir ses oisillons s'envoler. La guitare fait des accords courts, mais résonnants, qui s'accordent totalement avec une batterie assez linéaire, mais bien dans le ton. Après le tennis et « Mc Enroe's Poetry », le foot est à l'honneur.
Mais
Dionysos est avant tout un groupe de Rock et n'oublie pas ainsi ses morceaux bien pêchus. « June Carter en Slim » et ses jeux de mots qui font mouche apportent une guitare entraînante comme jamais, bien mélangée avec les chœurs fabuleux de Babet et les frappes tendues de la batterie. Le renforcement de la basse après le break apporte volontairement un côté plus puissant à la composition, bien aidé par les légères envolées de Mathias et la vitesse d'Eric aux fûts. « Dreamoscope » apporte sans doute la plus grosse atmosphère psychédélique de l'album, entre ses sonorités indescriptibles, son chant tout particulier, fait d'un flow entraînant et surtout d'une guitare très torturée, dans un ensemble électro-acoustique totalement oppressant et jouissif.
Dionysos propulse également des titres plus calmes, mais pas forcément des balades en soi. « Le Roi en Pyjama » et sa mélodie de ukulélé s'accordant avec les diverses variations du chant de Mathias. L'instrumentation globale est assez indescriptible, faite de guitares rapides et discrètes, de textes assez intéressants bien que bateau aux tout premiers abords. « Le Grand Cheval aux Yeux Gris » apporte un côté américanisant à la musique grâce à sa guitare toute particulière et son rythme très entraînant. La batterie sur le refrain semble également imiter les galops du cheval dans une grande prairie... « Spidergirl Blues », qui clôture l'album, est une vraie perle. Uniquement une belle guitare sèche (ou folk ?) et la voix douce et chaleureuse de Mathias, qui offre grâce à une musique minimaliste, mais juste, tout ce qu'il faut de mélodie, un pur moment d'émotion.
Le groupe de Valence est probablement l'un des plus fous que la planète Rock en France ait pu enfanter. Car qu'importent les mélodies, toutes viennent toucher au cœur et rentrent directement en tête. Du rockabilly au psychédélisme groovant, de la musique des îles à des riffs plus gras,
Dionysos ne s'impose aucune limite, Mathias puisant son inspiration dans ses propres œuvres. Mais comme dit plus haut, «Métamorphose en bords de ciel » est le livre principal de l’album «
Bird'n'Roll », et bien que l'album ne suit pas foncièrement le livre nommé, il est à noter que des chansons comme « Cloudman » ou « Sex with a Bird » parmi d'autres sont tirées du bouquin. Quant à « Le Retour de Jack l'Inventeur », il agit comme une sorte de filon qui relie « La Mécanique du Coeur » à «
Bird'n'Roll ».
Toujours est-il que le groupe n'a pas fini de nous laisser pantois. Mais au fond,
Dionysos ne surprend plus, car chaque album inspire une atmosphère différente et on s'attend à être à chaque fois secoué. «
Bird'n'Roll » est une maladie qu'on veut absolument attraper ! Ses effets secondaires apportent une joie indescriptible et une sensation d'euphorie qui vous fera apercevoir de jolis petits oiseaux qui pousseront de puissants cris hystériques. Rien qu'une pilule qui se propage dans notre système nerveux, qui nous hypnotise. Voilà que mes bras bougent à nouveau tout seul... J'y retourne !
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