Le soleil de la Catalogne s’éloigne. Désabusé par ses beautés d’hier aujourd’hui envolées, Barcelone n’est plus que l’ombre d’elle-même et n’aura pas calmé les idées noires qui nous ont traversé l’esprit le long de cette demi-heure prenante et purement émotionnelle que fut « Les Illusions d’une Route : Barcelone ». L’Irlande du Nord a beau être plus proche, un long détour par le Moyen-Orient et Bagdad, ville autant assombrie que baignée par un soleil rouge se profile à l’horizon. Bagdad n’est plus un carrefour du monde, c’est une ville ensanglantée, meurtrie par la guerre et la haine qui l’a câlinée pendant trop de temps.
Le temps de s'asseoir cinq minutes, de réfléchir à ce que notre voyage en Espagne nous a appris. Le premier chapitre de notre voyage initiatique n'a fait qu'accentuer les questions que l'on se pose sur nous. Le voyage est déjà très éprouvant, le soleil lourd pesant sur la ville Irakienne ne nous permettra pas de respirer davantage. « Je Suis Venu » résonne encore dans votre tête comme dernier souvenir de Barcelone, le coeur encore accroché par la violence psychologique du premier volet des « Illusions d'une Route », on redoute ce que ce deuxième opus va nous procurer comme sensations...
Bagdad n'est pas une ville en paix, mais « Un Drapeau Blanc » semble avoir été de sortie pour que l'atmosphère soit aussi calme... Milka semble à bout de souffle, épuisé de son voyage depuis la Catalogne, l'atmosphère est pesante autant que reposante, laissant la basse définir le rythme et la batterie reste en retenue. Même les timides apparitions de la guitare ne suffiront pas à réveiller un morceau qui, certes se trouve dans le rythme « historiquement parlant » de cette trilogie, se révèle quand même relativement lassant, car bien trop long... Mais nécessaires malgré tout pour saisir l'essence de ce nouveau voyage.
La ville est en ruine et les gens sont quand même là, présents, essayant de vivre leur vie malgré la guerre, malgré tout ce qu’elle implique … Un « Chaos Debout »… La guitare a comme un air de déjà entendu, sonnant un peu trop comme « Barcelone » même si légèrement plus oppressante. Le rythme se donne, la batterie cogne, tel un boxeur voulant mettre son adversaire
K.O, Milka reprends goût à la lutte, nous nous sentons revigorés. « Il fallait y penser avant l’orage », c’est certain mais c’est fait et c’est trop tard à présent. On sent que quelque chose va se passer très prochainement, quelque chose dont on ne pourra rien et dans lequel il va falloir se donner corps et âme. « Je me sens mourir lentement », non, nous devons nous relever, ce trajet n’est pas fini !
Nous nous blessons nous-mêmes par nos lois, notre rigidité culturelle, par nos théories fumantes et c'est « Par Mes Flèches » que nous allons essayer de remettre les gens et leurs pensées en ordre. La construction est plus classique, on reconnaît sans peine la touche
Agora Fidelio avec ces guitares larmoyantes, cette basse oppressante, cette batterie variant doucement le rythme, le tout bercé par la voix mélodique de Matthieu, entre rigidité, liberté et délicieusement planante. « Par mes flèches on voit les théories s'effondrer ». Meurtri et blessé, l'énergie nous reviendra subitement le temps d'alourdir la chanson pour nous rendre l'énergie manquante...
L'orage semble approcher de plus en plus malgré le calme et la délicatesse qui suivent « Le Sens du Vent » par lequel la tempête approche de plus en plus de nous. Car oui, le monde n'est pas calme, la plaie béante causée « Par Mes Flèches » continue de nous faire balancer, remuer par cette guitare toute en douceur et lentes variations, dont le chant de Milka suffira à faire vibrer l'auditeur sur l'un des meilleures titres de cet album. Relevons-nous, la guerre revient. Allons au-delà de nos blessures, restons ferme malgré la montée en puissance de cette chanson et combattons cette nouvelle force pour faire redescendre la pression sur le rythme de cette batterie lente mais forte.
Personne n'a pu l'empêcher, malheureusement... La basse sature, la batterie se fait rapide, telle une marche militaire, et Milka nous hurle et nous rappelle que « C'est une Guerre ». « Rentrez les enfants », ces jeunes âmes ne devraient pas être confrontées à la folie des hommes. Ces hommes symbolisés par la puissance des hurlements de Matthieu, ces hommes qui ne savent même pas pourquoi ils sont ici, ces hommes qui suivent les rythmes rapides et agressifs d'une chanson se voulant de par sa force émotive et ses hurlements comme un successeur de « GPS » mais sans atteindre la force de celle-ci. Est-ce possible de transmettre autant de haines et de puissance tristes en un morceau ? La réponse est oui, la guitare se fait mur tout en sachant varier le rythme et la batterie se fait véritablement écraser. « Je n'ai pas voulu tirer », mais c'est trop tard. Les morts s'entassent et sur un dernier hurlement strident, tout s'arrête.
« J'ai Vu » la mort de bien trop près. « Les corps qui gisent, un arbre nu [...] il y a eu la guerre ici ». Le paysage est apocalyptique, le monde est méconnaissable. La guerre ne peut se comprendre, les gens pleurent, Milka les comprend, il parle, aussi simplement, bercé par une basse mélodique et une guitare si triste... Milka se sent coupable, il a tué ses hommes, il ne comprend pas pourquoi, mais il l'a fait. « J'ai un impact ». Tout le monde à un impact, la guerre marque les gens, les hommes tuent des hommes. Qui est l'ennemie ? Qui est l'allié ? Qui sont les bourreaux ? Qui sont les victimes ? Qu'importe, à présent. La Mort a frappé. Il est temps d'aller auprès d'elle et de l'accueillir comme une vieille amie. Toutes les guerres mènent à elle. Mais déjà la musique se stoppe pour que la guitare s'exclame plaintivement, tristement. « Il y a eu la guerre ici ! » hurle Milka. Arrêtons de chialer et relevons la tête sur la puissance du morceau qui se met enfin en place, tel un titre purement progressif et atmosphérique. La batterie a le tempo juste et lent, la guitare est forte, omniprésente, larmoyante. « Il y a eu la guerre ici ». Les hurlements de Milka dépassent nos émotions. Nos larmes montent, notre coeur tremble, la chair de poule foulera l'ensemble de votre corps. Mais vous ne pouvez rien faire. La honte et le dégoût de la folie humaine vous frapperont au visage... « Il y a eu la guerre ici ... ».
Bagdad fut un voyage éprouvant, angoissant, triste, mais moins prenant que celui de Barcelone, la faute à un premier chapitre flirtant avec l'excellence. Mais vous auriez tort de ne pas suivre ce voyage. La magie opère comme à chaque fois. Si magnifique, si atmosphérique, si larmoyante ...
Des images plein la tête, les larmes sur les joues, il va falloir partir. Vous ne pouvez plus rien pour cette ville... Il ne faut pas regarder en arrière. La route sera très longue... L'Irlande du Nord sera notre prochaine destination, Belfast. On a hâte. Le dernier chapitre des « Illusions d'une Route » sera sans nul doute l'un des albums dont l'attente sera la plus difficile ...
[à suivre... ]
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